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  • Le règne sans partage de la barbichette !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 20.05.20

     

    A quoi sert un Parlement ? A deux choses : faire des lois, et contrôler l’activité du gouvernement. La seconde tâche n’est absolument pas une option, comme un allume-cigare quand on achète une voiture. Non, elle est fondamentale, tout autant que la première. Elle est inhérente à la nature même de l’institution parlementaire. Elle est chargée d’Histoire, depuis les premiers Parlements britanniques jusqu’à nos jours, en passant par Montesquieu et son Esprit des lois (publié à Genève en 1748), par les épisodes successifs de la Révolution française, par le Printemps des peuples de 1848, par notre admirable démocratie suisse, constituée d’équilibres, où aucune institution (peuple, Parlement, gouvernement) ne doit écraser les autres. C’est l’une des clefs de notre réussite.

     

    Hélas, à Genève, cette mission de contrôle ne fonctionne pas comme elle devrait. Il y a bien quelques députés teigneux, des Thomas Bläsi, des Cyril Aellen, des Jean Burgermeister, des Jocelyne Haller, et d’autres qui me pardonneront de ne pas les citer. Oui, quelques-uns à ne pas s’en laisser conter, à exiger des réponses précises du Conseil d’Etat lorsqu’ils l’interpellent. Mais à côté, combien de dociles, de gentils, de tout inféodés aux conseillers d’Etat de leur parti, de surtout pas contrariants dès que vient poindre l’odeur de la poudre. Des députés de consensus, tiens par exemple ceux qui rêvent d’une carrière au Perchoir, en passant par cette ineffable couveuse à ambitions qui s’appelle le Bureau. On se tutoie, on est copains, on mange ensemble, on se retrouve en Commission, tu m’épargnes mon magistrat, je t’épargne le tien, je te tiens, tu me tiens, par la barbichette. Désolé, mais c’est cela, l’institution législative. Peut-être pas celle dont rêvaient Montesquieu ou Mirabeau, mais celle qui EST.

     

    Un exemple ? La session du Grand Conseil genevois, les 11 et 12 mai derniers. A l’ordre du jour, il s’agissait d’analyser sans concessions la gestion de la crise sanitaire par le Conseil d’Etat, ces deux derniers mois. Il y aurait eu tant à dire : foules à l’aéroport dans les premiers temps de la crise, impéritie dans la planification, navigation à vue concernant la fermeture des chantiers. Bien pire : mise en avant d’un expert, certes compétent (nous ne saurions envisager l’hypothèse contraire), mais tout-puissant, et donnant l’impression d’agir en roue libre, sans contrôle politique. Ces choses-là, pour le moins, méritaient un débriefing solide au Parlement. Hélas, elles tombaient le même jour que l’élection d’un nouveau Président, ainsi que d’un nouveau Bureau, missions consensuelles par excellence. Hélas, on a laissé les magistrats exécutifs se trouver finalement fort bons. Hélas, on s’est assoupi dans sa vigueur de contrôle. Hélas, on a laissé faire. Hélas, la catharsis, faute de crainte et faute de pitié, s’est achevée en queue de poisson. Notre démocratie a vécu de plus glorieux moments. Excellente semaine à tous !

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Cela s'appelle des combattants

     

    Sur le vif - Mercredi 20.05.20 - 08.40h

     

    Non, Raphaël, les partisans du trafic motorisé privé n'ont pas perdu la guerre des transports à Genève. Il reste la colère du peuple. Si la majorité silencieuse parvient un jour à transformer sa rage légitime en décision du démos, par le seul canal qui vaille, la démocratie directe, la situation peut se retourner.

    Pour cela, il faut, comme souvent, oublier les canaux désuets de la représentation politique. Et faire exactement (mais en respectant la loi !) ce qu'ont fait les cyclistes lundi : créer une force populaire rapide, éveillée, habitée par une stratégie du mouvement et non par celle des tranchées, capable de prendre des décisions fulgurantes, en utilisant les armes modernes que sont les réseaux. La presse traditionnelle, aussi alerte et vivace que Madame dans l'oraison de Bossuet, vous pouvez oublier. À part les colères noires des Gueux du Mercredi.

    Cette force n'a absolument pas à s'ancrer dans le monde politique. Ni à chercher des relais dans les "élus" ou "représentants" : ce sont justement eux qui ont échoué, à Genève ! Eux qui nous ont concocté le compromis vantard de la fameuse votation sur la "paix des transports". Fausse paix ! Menteuse ! Munichoise ! La défaite du trafic motorisé privé y était parfaitement visible, sous le filigrane de la tromperie et de la duplicité.

    Le camp de la "mobilité douce" a, avec lui, la triste coagulation d'intérêts de la démocratie représentative. Il a avec lui les élus, les notables, le ministre félon du PDC, le silence rusé du ministre MCG. Il a de son côté le vent de la mode, l'air du temps, Nina Ricci, les bobos urbains, le parfum des illusions, la droite qui cherche à plaire à la gauche. Ca fait du monde.

    Mais c'est oublier la colère du peuple. Implacable, rentrée, silencieuse. Ce sont souvent, à Genève, des gens très modestes qui prennent leur voiture en ville. Le vélo, c'est, tout aussi souvent, pour les bourgeois branchés. Ils habitent en ville, travaillent en ville, ne se salissent pas, n'ont rien à livrer. Alors, le frisson de la douceur, tout en se rachetant quelques indulgences par le salut de la planète. Théologie du convenable, pour Pharisiens branchés !

    Les élus, surtout pas ! La machine à se coopter, non merci ! La guerre des transports se jouera sur les fiertés intérieures, sur la noirceur des colères, sur le rejet des modes, sur la conjonction d'explosives solitudes.

    Celui qui représente désormais, en Ville de Genève, l'institution, le pouvoir, le convenable, la doxa, c'est le bobo. Face à lui, il faut des caractères trempés, guerriers, intransigeants. Des sales tronches. Qui ne craignent ni pour leur image, ni pour leur confort. Cela porte un nom, l'un de ceux que je respecte le plus au monde : cela s'appelle des combattants.

     

    Pascal Décaillet

  • Vous avez fermé les yeux, M. Poggia ?

     

    Sur le vif - Mardi 19.05.20 - 09.17h

     

    M. Poggia, vous êtes à la fois le ministre de la Police et celui de la Santé. Cette double casquette vous donne un pouvoir considérable, sans doute sans précédent dans l'Histoire de Genève, depuis les années Fazy.

    Un pouvoir immense ! A cause de la crise sanitaire. Des normes très sévères ont été édictées, principalement par Berne. Elles concernent la santé. Et elles concernent la police, chargée de veiller à leur application.

    Depuis deux mois, coiffé de ces deux casquettes, vous êtes l'homme le plus puissant à Genève. Vous paraissez, vous ordonnez, vous menacez de sanctions. Vous incarnez le pouvoir en temps de crise.

    M. Poggia, hier soir, entre 1000 et 1500 personnes ont bafoué les règles et ordonnances que vous passez votre temps, depuis plus de deux mois, à nous rappeler, nous marteler, pour qu'elles s'impriment bien dans nos consciences.

    Réseaux sociaux, films en direct, sous tous les angles, toutes les coutures : l'affaire est claire, nulle distance réglementaire n'a été respectée, on a violé la loi, transgressé les règles.

    Témoins, nombreux : la police a laissé faire. Avait-elle des ordres en ce sens ? Si oui, des ordres de qui ?

    M. Poggia, la population genevoise, brave et docile, depuis deux mois, s'efforce de respecter à la lettre les consignes de distances. Queues devant les magasins, nul attroupement, nulle grappe humaine. Hier en fin d'après-midi, à Plainpalais, ce fut la masse humaine, toutes distances abolies, tout respect dilué.

    Quelles suites juridiques entendez-vous donner à cette provocation ? Entendez-vous fermer les yeux ? Faire semblant de n'avoir rien vu ? Homme de caractère, auriez-vous, comme l'un de vos collègues, peur d'aller contre un effet de mode ? La doxa en vogue vous ferait-elle frémir ? Votre police serait-elle à deux visages, intransigeante pour les honnêtes citoyens confinés, accommodante pour un rassemblement qui défie la légalité républicaine ?

    M. Poggia, deux casquettes c'est bien. Pour couvrir le chef. Mais cela donne des responsabilités. Le rassemblement d'hier, sous l'empire des normes par vous-mêmes constamment rappelées, n'avait pas lieu d'être. Ses responsables, aisément identifiables, doivent en répondre. Ceux qui appellent publiquement à recommencer, avec dix fois plus de monde, si on ne cède pas à leurs exigences, aussi.

    Sinon, à quoi sert la loi ? A quoi sert la République ? A quoi sert un gouvernement ? A quoi sert un ministre ?

     

    Pascal Décaillet