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  • Quand le ministre voit large

     

    Sur le vif - Vendredi 15.05.20 - 18.43h

     

    La question n'est pas de savoir s'il faut des pistes cyclables à Genève. Il en faut, c'est certain, et la protection des cyclistes doit être garantie. Sur certains tronçons, il y a des ruptures de continuité qui obligent les utilisateurs de vélos à surgir sur la chaussée, donc se mêler aux voitures, ou alors sur le trottoir, avec le risque d'incommoder les piétons. Bref, pistes cyclables oui.

    Mais il faut les aménager correctement. Et là, désolé, mais ce qu'on vient de nous tracer, boulevard Georges-Favon direction Coulouvrenière, ou après la place du Cirque en sens inverse, ce ne sont pas des pistes cyclables, mais des aires d'atterrissage pour jets privés, retour du Grand Prix d'Abu-Dhabi. On dira, pour demeurer courtois, que le ministre a vu large. Il a dû se rêver Baron Haussmann, Paris Second Empire, Champs-Élysées, boulevard des Italiens, Belle-Epoque, champagne avec les danseuses, Offenbach, grande vie.

    On a surtout l'impression qu'il a pris sa décision à la hache. Ou avec la machette du défricheur de la forêt amazonienne, on coupe, on tranche, on fonce. Il s'est permis cela, pourquoi ? Parce qu'hélas, cet homme de valeur, attachant, avec un vrai sens du service de l'Etat, a tendance à se sur-adapter à l'esprit du temps. Lors des très riches heures de François Longchamp, il nous faisait à sa manière du Longchamp, reproduisant sa terminologie, le verbe "indiquer" par exemple. Du Longchamp trottinant, du Longchamp en cavalcades, comme à l'hippodrome.

    Aujourd'hui, la doxa est au Vert. Des Verts partout, les uns galants, d'autres luisants, des Verts tenant toutes les manettes du pouvoir. Alors, le ministre se sur-adapte à l'idéologie Verte. Et il trace large. Et il élargit encore !

    Ce ministre, je l'ai déjà dit et n'en démords pas, est un magistrat de qualité. Tout au plus pourrait-on souhaiter qu'il se régente lui-même avec un peu plus d'autonomie, un peu moins de mimétisme aimanté sur le pouvoir du moment.

    Pour le reste, vive le vélo. Vive le respect de TOUS les modes de transports. Mort aux Torquemadas. Et longue vie à la liberté d'esprit, celle du verbe, celle des mots. Et celle des étalons étincelants, sur les pistes de lumière des hippodromes.

     

    Pascal Décaillet

  • Têtes de bétail, têtes de pipe

     

    Sur le vif - Jeudi 14.05.20 - 10.15h

     

    Le démographe, ou l'épidémiologiste, nous parlent, à longueur de journées, de "population". Bevölkerung.

    Je n'ai jamais aimé ce mot, "population", qui ne considère dans les humains que leur amas de chair physique. On décompte, on recense les gens comme des troupeaux. Têtes de bétail, têtes de pipe. Les puissants cerveaux de la crise sanitaire, M. Koch à Berne, ou tel médecin cantonal, ne parlent de nous que comme composante anonyme d'une "population" humaine.

    En politique, je n'utilise jamais le mot "population". Il a en lui quelque chose de grégaire, de massif, d'indifférencié, qui résonne à mes oreilles comme une tourbe, toute en monceaux, où toute singularité serait malaxée.

    Lorsque je m'exprime sur la politique, je parle à des citoyennes et à des citoyens. Je parle au démos. C'est un peu élitaire, j'en conviens, par rapport à l'universelle glaise du mot "population", j'assume. Citoyen (c'est le seul titre dont je me revendique), je m'adresse à des hommes et des femmes partageant mes droits et mes devoirs, mon horizon d'attente, mes responsabilités. Des hommes et des femmes formant avec moi, quatre dimanches par an, le collège électoral de ma Commune, de mon Canton, de mon Pays.

    Je m'adresse à mes pairs. À des têtes pensantes. À des cœurs. À des êtres de sensibilité, de souffrances, de cicatrices et de mémoire.

    Je m'adresse à des sœurs humaines, et à des frères humains, avec lesquels j'ai en commun la passion de construire mon pays.

     

    Pascal Décaillet

  • Parlement, gouvernement : la barbichette intégale !

     

    Sur le vif - Mercredi 13.05.20 - 17.06h

     

    Le Parlement a été bien gentil, lors de la session qui vient de se dérouler, en adoubant bien benoîtement la gestion de crise du Conseil d'Etat. Et en écoutant bien sagement les magistrats défendre - certains avec arrogance - leurs décisions "irréprochables" de ces deux derniers mois.

    Quid de la dictature sanitaire qu'on a doucement, au nom du bien commun, laissé s'imposer à Genève ? Quid des directives du médecin cantonal ? Quid de la légitimité politique, derrière ces textes ? Quid de la double casquette, Police-Santé, de Mauro Poggia, concentrant sur ce dernier à peu près tous les pouvoirs de ce temps de crise ?

    Toutes ces questions, il appartenait au Parlement, enfin réuni à nouveau, de les poser. La mission de contrôle de l'exécutif est un DEVOIR du Grand Conseil, pas seulement un droit.

    Seulement voilà : l'extrême perversité de notre système politique, c'est la composition plurielle de l'exécutif, incluant dans le gouvernement presque toutes les forces du Parlement. A part deux : l'UDC et Ensemble à Gauche. Résultat : la BARBICHETTE intégrale ! J'épargne ton ministre, tu épargnes le mien, on boit un verre, on se tutoie, on se répartit postes et prébendes, et tout le monde est content.

    Longue vie à ce système ! La consanguinité y règne. Le Perchoir y ressemble à un arbitrage de confrérie. Longue vie aux petits copains.

     

    Pascal Décaillet