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  • Deux siècles, un bel âge pour mourir

     

    Sur le vif - Lundi 20.05.19 - 14.20h

     

    Il y a eu, bien sûr, sous Louis XIII, en 1629, le premier journal, avec la Gazette, de Théophraste Renaudot. Mais enfin, c'est aller un peu loin que de faire remonter au temps des Mousquetaires l'avènement du journalisme. Je me suis penché, comme on sait, sur l'Histoire de mon propre métier, notamment le rôle des journaux au moment de l'Affaire Dreyfus, entre 1894 et 1906. Ce fut sans doute, en termes de pénétration et d'influence, leur apogée.

     

    Non, le métier de journaliste ne date pas de Louis XIII, ni même du temps héroïque des pamphlets contre le pouvoir absolu, Louis XV puis Louis XVI, dans les décennies ayant précédé - et annoncé - la Révolution. Il date, plus sérieusement, des années Balzac (qui ne l'épargne pas, notamment dans ses Illusions perdues), puis de la Révolution industrielle, l'essor des rotatives, la possibilité d'investir et capitaliser dans une entreprise de presse. Bref, le dix-neuvième siècle.

     

    Allez, disons que le journalisme, comme métier, commence à poindre au début de la Restauration, après la chute de l'Empire (1815). Ce qui lui donne deux siècles d'existence. C'est moins qu'un vieux chêne, encore moins qu'un séquoia. Mais c'est nettement mieux qu'une vie humaine.

     

    Mourir, mais qui parle de mourir ? Réponse : moi, ici et maintenant. J'ai beau avoir consacré ma jeunesse à la collection frénétique des vieux journaux, en avoir lu des milliers d'exemplaires pour ma Série de 1994 sur l'Affaire Dreyfus, avoir passé toute ma vie professionnelle dans ce magnifique métier, je ne le tiens pas pour éternel. Je le tiens même pour éminemment mortel. Je le tiens même pour bientôt mort.

     

    Il n'a y pas à s'en émouvoir. Ce qui naît, puis vit, est promis à mourir. C'est valable pour un humain. Et aussi pour une profession. Elle correspond à des besoins, épouse les contours d'une époque, vit et palpite avec elle. Et puis, arrive un temps où le besoin n'est plus si pressant. Par exemple, en l'espèce, parce que le métier a totalement perdu - ce qui est une bonne chose - son monopole de la médiation, ainsi en ont voulu les nouvelles techniques de communication. Le journalisme est né d'une technique devenue industrielle (l'imprimerie), il se meurt face à l'avènement d'autres techniques : la mise en réseau, la numérisation.

     

    Il n'y a là rien de grave, c'est la vie. Il n'y a que les journalistes, et leurs corporations, pour gémir à n'en plus finir sur la lente disparition de leur métier. A eux de s'adapter. A eux de se battre, par exemple, pour la liberté d'opinion, en la pratiquant au jour le jour, ce qui peut aisément se faire hors des colonnes des journaux, hors de l'appartenance à une rédaction. La liberté d'expression est universelle, chaque femme et chaque homme y a droit, pas seulement les éditorialistes des journaux.

     

    Le liberté de chercher, gratter, sortir des informations d'intérêt public, est tout aussi universelle. Elle ne saurait en aucun cas être réservée à une seule caste, qui, sous prétexte "d'investigation", aurait, plus que toute citoyenne, tout citoyen, le droit de se renseigner sur autrui. Les seuls qui croient encore à l'exclusivité professionnelle de ce droit (totalement autoproclamé) sont les journalistes eux-mêmes, et leurs corporations.

     

    Je pratiquerai mon métier jusqu'au bout, j'ai en moi la passion. Mais nous tous, les journalistes comme le journalisme, allons mourir, c'est naturel, c'est ainsi. Dans les temps futurs, d'autres postures de médiation naîtront et vivront. Et puis, un jour aussi, mourront. Nous n'aurons tous été que les passagers distraits du réel qui se dérobe. Il n'y a là rien de grave. Nous aurons, chacun de nous, assumé notre mission. Dans la légèreté futile du temps qui passe.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Indépendants, réveillez-vous !

     

    Sur le vif - Dimanche 19.05.19 - 15.17h

     

    A Genève, le message est clair : il va falloir mettre des milliards pour les retraites des fonctionnaires. Le peuple a dit oui aux milliards de la droite et du Conseil d'Etat, il a dit oui aux milliards de la gauche et du MCG. Par la question subsidiaire, il a favorisé cette deuxième solution.

     

    Ces milliards, qui va les payer ? Les contribuables, évidemment ! Les fonctionnaires-contribuables vont payer leur propres retraites. Les employés du privé vont payer, comme contribuables, les retraites des fonctionnaires. Et, élément de loin le plus sensible et le plus révoltant : les petits entrepreneurs, les indépendants, qui doivent financer intégralement leurs retraites, premier et deuxième pilier (s'ils en ont un), vont, en plus de tout ce qu'ils payent déjà à longueur d'année (perte de gain, charges, taxes, etc.), payer encore plus, comme contribuables, pour les retraites des fonctionnaires !

     

    Genève met des milliards pour les retraites de ses fonctionnaires. Pourra-t-elle le financer autrement qu'en augmentant encore des impôts qui étranglent déjà totalement la classe moyenne ? Va-t-elle encore s'en prendre à la fiscalité du travail, en clair ponctionner ceux qui bossent, et parmi eux, saigner ceux qui ont pris le risque économique, ceux qui ont osé entreprendre, et qui se retrouvent les universelles vaches à lait du système ?

     

    Indépendants genevois, petits entrepreneurs, réveillez-vous ! Unissez-vous ! Donnez de la voix ! Il y a la place, à Genève, pour un parti des indépendants, appelez cela du poujadisme mode 1956 si vous voulez, ça m'est parfaitement égal. Puisque les partis de la droite économique ont choisi de cirer les pompes des multinationales et ne s'occupent plus guère des petits entrepreneurs, il y a lieu de créer un nouvel espace politique qui défende l'indépendance économique, l'audace d'entreprendre, le courage de bosser.

     

    Et s'il faut demander un redimensionnement de l'Etat, eh bien nous le demanderons. La classe moyenne, les petits indépendants, les entrepreneurs courageux, ça existe ! Et il va rudement falloir que ça se sache.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Parlement européen : 27 fois inutile !

     
    Sur le vif - Samedi 18.05.19 - 16.14h
     
     
    La bonne vieille démocratie représentative, celle qui nous amène, depuis deux siècles, à envoyer des gens siéger dans des Parlements, n'en a déjà plus pour très longtemps. Quelques décennies, bien sûr, peut-être même un siècle ou deux, les grands mouvements de la politique sont lents. Et j'ai déjà fait part maintes fois, ici, de ma vision d'avenir : un élargissement et un approfondissement, dans les générations futures, de la démocratie directe. En lien - c'est une condition sine qua non - avec une élévation du niveau général de connaissance historique et politique, chez les citoyens.
     
     
    Oui, nos corps intermédiaires, dans la France de Macron par exemple, sont à bout de souffle. Rassurez-vous, c'est loin d'être la première fois. Ils l'étaient déjà à la fin des années trente, à l'approche de la Seconde Guerre mondiale. Ils l'étaient, bien plus encore, au début du printemps 1958, lorsque la Quatrième République exsangue, incapable de résoudre la question algérienne, a créé elle-même - par son inexistence - les conditions du retour de l'homme qui, quatorze ans plus tôt, avait sauvé la République.
     
     
    Ils sont exsangues, déjà dans l'ordre de la représentation nationale. Dans un régime qui, depuis six décennies, condamne les parlementaires à n'être que les godillots de l'exécutif (sauf en période de cohabitation, finalement équilibrée et fructueuse), il est très clair que le statut de député n'est pas le plus enviable. Le pire : député de la majorité, aligné couvert. Triste spectacle, souvent, indigne de Montesquieu, et de tous les grands discours sur le contre-pouvoir. A noter qu'à Genève, nous n'avons guère de grande leçon à leur donner, quand on voit l'obédience - je pèse mes mots - de certains députés, y compris dans les commissions de contrôle, par rapport à leurs magistrats exécutifs.
     
     
    Ils sont déjà exsangues, en France, au niveau national. Mais alors, que dire du statut, impérial dans l'ordre de la vacuité, de député européen ? Pourquoi ne pas dire les choses telles qu'elles sont ? La vérité, c'est que le Parlement européen ne sert à rien. Si ce n'est à gesticuler autour de directives sécrétées par une administration en vase clos, dépourvue de toute légitimité populaire, n'incarnant nulle identité fédératrice, nulle mémoire commune, nulle valeur partagée, nul culte des morts de nature à rassembler les âmes, nulle vision d'avenir, nulle passion.
     
     
    D'ailleurs, la majorité politique qui sortira du futur Parlement européen, dimanche 26 mai, n'a strictement aucune importance. Que la fédération artificielle des droites gentilles l'emporte sur l'artificielle fédération des gauches gentilles, ou le contraire, est parfaitement indifférent. Les seuls tests qui vont intéresser les gens se feront nation par nation, donc dans 27 singularités différentes. Pour la France, par exemple, la liste de Mme Le Pen v-a-telle l'emporter sur celle (par godillots interposés) de M. Macron ? Cet exemple, multiplié par 27.
     
     
    L'extraordinaire excitation autour des "élections européennes" se ramène donc à la conjonction de 27 sondages d'opinion nationaux, 27 plébiscites ou rejets de 27 pouvoirs en place. C'est tout. Au demeurant, les émissaires iront, quelques années, peupler les bancs de Strasbourg pour soutenir et alimenter leurs ambitions nationales. Ils seront les servants zélés d'une Europe en panne.
     
     
    Dans cette Europe, pas de pouvoir personnel. Non. Juste la conjonction de quelques centaines d'impuissances impersonnelles. La déchéance de la démocratie représentative, multipliée par l'absolue vanité d'une fonction qui fait peut-être bien sur une carte de visite. Mais qui ne sert à rien.
     
     
    Pascal Décaillet