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  • Mieux qu'un humain: un livre



    Édito Lausanne FM – Mercredi 30.04.08 – 07.50h



    Fréquenter les Salons et les Foires n’a jamais été mon fort, et ma dernière visite au Salon de l’Auto doit sans doute dater des années soixante. Mais le Livre, si. Toutes les années, depuis le début. Parce que le Salon du Livre, comme une promesse de mai, c’est la vie qui va, la vie qui recommence.

    J’irai, pourquoi ? Pour dénicher une perle ? Sûrement pas. Il y a longtemps que je préfère les librairies d’occasion, Vieille Ville de Genève, Barcelone, Londres, Berlin, petites villes italiennes, marché aux puces de Saint-Rémy de Provence, c’est selon. Pour la seule et vivifiante jouissance d’aller y flairer quelques libelles ou pamphlets que les différents pouvoirs, au fil des âges, ont eu la sottise de condamner à fleurir sous les manteaux. Celui de 1944-1945, en France, pourtant si créatif à tant d’autres égards, n’ayant pas été, en l’espèce, le plus brillant. Bref, j’aime décider moi, sans tutelle ni censure, si un livre doit être lu ou non.

    Non, à ce Salon, j’irai simplement par reconnaissance. Sans les livres, je ne serais rien. Je leur dois tout, ainsi qu’à mes vieux maîtres. Sauf qu’eux, les bouquins, feignant de gésir, sont encore bien vivants. Leur rendre souffle et vie ne tient qu’à nous. Ils sont là, alignés ou entassés, il suffit d’aller les cueillir. Ils sont là, et c’est votre vie même que vous revivez en les rouvrant, parfums, annotations, amours et transports de l’époque. Il y en a certains, comme les biographies de Lacouture, que j’ai bien dû lire vingt fois. Et Hergé, cent mille ! Dire qu’ils sont des compagnons n’est pas assez fort. Sans eux, c’est le parfum de mort, sur la terre.

    Aller au Salon, dans ces conditions, c’est un peu rentrer chez soi. Et puis, Foire pour Foire, autant faire la fête aux livres ! Et tant pis si les puristes rechignent : le principe des comices, on le savait déjà avant Flaubert, n’a jamais été ciselé dans le silence ni la nuance. Non, c’est une affaire de fatras, de fracas, de tintamarre. Avec, dans le meilleur des cas, les délices rougissantes d’une rencontre fortuite. Un être humain, par exemple, allez disons une femme. Ou, mieux encore : un livre.

  • La Ville de Genève, chevalier blanc de l’univers


     

    Sur le vif, mardi 29.04.08, 17.10h

     

    Il y a sans doute bien des raisons de ne pas voter, le 1er juin prochain, l’initiative de l’UDC « pour des naturalisations démocratiques », qui propose de donner aux communes le pouvoir de décider librement, par l’instance qu’elles choisiront elles-mêmes (exécutif, législatif, commission, voire suffrage universel) d’accorder ou non le passeport suisse. L’idée qu’en milieu urbain, par exemple, les citoyens soient appelés à se prononcer sur des gens qu’ils ne connaissent pas du tout, pose en effet problème, et sera, pendant un mois encore, au centre de tous les débats.

     

    Fallait-il, pour autant, le communiqué étonnamment hargneux que vient de publier le gouvernement de la Ville de Genève, avec mise en évidence du nom de Pierre Maudet, sur ce qui est, jusqu’à nouvel ordre, un objet fédéral démocratiquement soumis au peuple et aux cantons, dans un peu plus d’un mois ? « Lancée xénophobe », « Canons du nationalisme antiparlementaire » (diable, on croit voir réapparaître les Ligues et la Cagoule!), initiative « anticonstitutionnelle » et qui « détourne le droit sous des prétextes antidémocratiques ». Tout cela en un peu plus d’une page A4, et sous les couleurs officielles de la Ville de Genève.

     

    J’ignorais qu’il appartenait aux différentes autorités communales (on se réjouit des réactions officielles du Locle, de Coire et de Tolochenaz) de se prononcer sur des objets de votations fédérales. Mais évidemment, Genève, c'est Genève, capitale de l’univers, grande redresseuse de torts, donneuse de leçons à l’univers. Dont acte. Reste à savoir si ce genre de communiqué aux grandes ailes généreuses n’ira pas, finalement, exactement à fins contraires. Et si cette prose si ambitieuse ne finira pas par donner des voix aux initiants.

     

     

  • Les moissons, en Pologne



    Claudine Drame, la mémoire et l’oubli

    Édito Lausanne FM – Mardi 29.04.08 – 07.50h



    Ils sont trois, alternativement face à la caméra, en plan fixe, et ils racontent. Il y a Violette Jacquet (18 ans en 1942), Henri Borlant (15 ans en 1942), et Marcel Jabelot (19 ans en 1942). Filmés par l’historienne Claudine Drame, un bon demi-siècle après les événements, ils racontent la déportation. Leur déportation. Et leur témoignage, par sa simplicité, l’absence d’artifice, l’émotion d’autant plus forte qu’elle demeure contenue, nous saisit.

    Historienne, Claudine Drame a consacré, aux Editions Metropolis, un remarquable ouvrage à la manière dont le cinéma a filmé l’Holocauste, dans les quarante années qui ont suivi la guerre, et dès les tout premiers films d’actualité de 1945, ces images qui, au monde entier, ont colporté l’horreur. Claudine Drame, hier soir, s’exprimait à Genève, à l’Université, à l’occasion de la Journée de la Mémoire.

    « Témoignages pour Mémoire », c’est justement le titre du DVD inséré dans son livre. Et c’est là que s’expriment Violette Jacquet, Henri Borlant et Marcel Jabelot. « Il paraît que nous partons en Pologne, pour faire les moissons », écrivait à sa mère un adolescent de Drancy. Le témoignage de ces trois-là devrait passer dans toutes les écoles. Le DVD dure 50 minutes : juste le temps d’un cours d’Histoire.

    En Pologne, on le sait, il n’y eut d’autre moisson que celle de l’horreur, alors ils la racontent, calmement, laissant affleurer la mémoire jusqu’à l’extrême tension de leur émotion. Violette évoque la soif, dans les camps. Elle décrit aussi le retour à la Gare du Nord, après la libération : la vie ordinaire pourra-t-elle reprendre ? Henri aussi, retrouve sa mère, dans son appartement : elle l’attend à l’étage, comme s’il revenait d’un week-end en campagne.

    D’où reviennent-ils, ces trois-là ? Peuvent-ils seulement le dire ? Là, ils essayent. Et ces trois tentatives, comme trois chemins de traverse, nous font enfin comprendre ce que signifie le travail de mémoire, le devoir de transmission. Rien d’oppressant, presque rien de grave : juste la mémoire. Contre l’oubli.

     

    *** Claudine Drame, "Des films pour le dire - Reflets de la Shoah au cinéma - 1945 - 1985", Editions Metropolis. Contenant le DVD "Témoignage pour Mémoire".