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Liberté - Page 820

  • Robert Ducret : chaleur et lumière

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    Sur le vif - Dimanche 01.10.17 - 16.48h

     

    Robert Ducret : pour moi, quarante ans de souvenirs politiques à Genève. La mémoire d’un homme magnifique, simple, convivial. L’éternité d’un sourire. Le regard combattant et malicieux, sous la paupière complexe. La saveur d’un humain, chez qui le contact personnel précédait toute chose : les idéologies, les formats de pensée préconçus. Un instinct politique rare. Je n’ai jamais caché qu’il m’a toujours fait penser à l’autre grand homme suisse dont j’ai la nostalgie : Jean-Pascal Delamuraz, son ami, mais aussi son rival vainqueur dans la course au Conseil fédéral, le 7 décembre 1983. Le jour de la non-élection de Lilian Uchtenhagen.

     

    « Il y en a qui sont de la gauche caviar, pour ma part je suis plutôt radical cassoulet », m’avait lancé Pascal Couchepin, un jour de 1991, alors qu’il présidait le groupe radical des Chambres fédérales. Cassoulet ! Quelque part, oui, entre Berne et Toulouse, au-delà de Denges et Denezy, dans les ultimes sursauts de l’Arve avant ses noces avec le Rhône, il y a une cité, de magie et d’Histoire mêlées, qu’on appelle Carouge. Les rois de Sardaigne y sont chez eux, les maisons y sont basses et belles, on se croirait ailleurs. Pour comprendre Robert Ducret, il faut avoir passé un peu de temps à Carouge : il y a fait toute sa vie, neuf décennies (1927-2017) d’action, d’engagement, de passion citoyenne. A tous les échelons de notre pays : conseiller municipal dès 1955, député dès 1965, conseiller d’État dès 1977, conseiller aux États dès 1983. Contre Delamuraz, qui avait construit sa candidature depuis des années, il n’avait aucune chance. Mais, je le dis sans hésiter : s’il avait été élu, il aurait été, tout comme le Vaudois, un grand conseiller fédéral.

     

    Ces vingt dernières années, autant à Forum (RSR) qu’à Genève à chaud (lancée en septembre 2006), il m’a fait si souvent l’amitié d’accepter mes invitations. Je lui téléphonais, il répondait immédiatement (après deux sonneries !), et disait toujours oui, sans vaciller : « Écoute, je viens, mais alors là, je vais les astiquer ! ». Il venait, comme un vieux matou débonnaire, attendait sagement son tour, sur une chaise, « astiquait », murmurait quelques mots bien sentis sur les usages qui se perdent, n’attaquait jamais les personnes, laissait poindre l’intensité de son désir politique, « demeuré désir ».

     

    Ministre des Finances, il a servi Genève avec rigueur et dévouement. Conseiller aux États, il a défendu avec passion la place du Canton dans la Confédération. Ami fidèle, il a toujours été là lorsqu’on le sollicitait pour témoigner à Genève à chaud : expertise sur la flambée du prix du baril de pétrole le 21 mai 2008 ; spécial succession Couchepin le 15 juin 2009, au soir de l’annonce de la démission ; débat sur l’acceptation, par le peuple et les cantons, de l’initiative sur le renvoi des criminels étrangers, le lundi 29 octobre 2010 ; octroi (à lui-même, à l’âge de 87 ans), du Mérite carougeois, le 14 janvier 2014 ; présence chaleureuse à la Brasserie des Tours, lors de notre émission électorale dans le cadre des municipales, le 5 mars 2015. Pour ne prendre que quelques exemples.

     

    Dans tous ces cas, jamais je n’avais l’impression de recevoir un octogénaire fatigué. Comme avec mon ami Duchosal, ce qui passait, sur le plateau, c’étaient la flamme, la passion, la paisible et fervente fureur de vivre.

     

    A sa famille, ses proches, j’adresse toute ma sympathie. Genève perd un homme de chaleur et de lumière. Un très grand serviteur de sa ville, de son canton, et de notre pays.

     

     

    Pascal Décaillet

     

  • Prise d'otages

     

    Sur le vif - Vendredi 29.09.17 - 12.40h

     

    Bon. Le scootériste rusé que je suis, connaissant sa ville par coeur depuis bientôt six décennies, a pu, à peu près, s'en sortir. Je ne parle donc pas ici pour mon cas personnel.

     

    Mais, désolé, aussi sublime soit la manifestation dite des "Géants" (je ne mets pas ici en cause sa qualité), il faut dire les choses comme elles sont : on prend l'ensemble d'une communauté urbaine en otage.

     

    Il n'y a pas, en Ville de Genève, que des bobos urbains, circulant à pied ou à vélo. Il y a, tous les jours, des dizaines de milliers de personnes, peu importe leur origine, qui viennent au travail avec un véhicule privé, à moteur, qui en ont parfaitement le droit, n'ont absolument aucune leçon de morale à recevoir. Et qui, au moment où j'écris ces lignes, sont captifs de l'enfer d'immobilité créé par la circonstance.

     

    Cela n'est pas acceptable. D'avance, je dispense les commentateurs de venir nous faire la leçon sur le génie de la manifestation dite des "Géants", face auquel toute volonté de rouspétance, vertu genevoise, devrait se dissoudre.

     

    Non. Il y a déjà beaucoup trop, à longueur d'année, de blocages totaux de la circulation pour toutes sortes de manifestations, sportives, caritatives, festives, dont je ne suis pas sûr qu'elles soient vraiment agréées par une majorité de la population qui les subissent.

     

    Les autorités, municipales ou cantonales, qui nous auront mis, ce week-end, dans ce pétrin, dans cette pétrification de tout espoir de mobilité, auront, le jour venu, à en répondre.

     

    Ma proposition, simple et claire, pour l'avenir : plus aucune plaisanterie de ce genre sans consultation préalable des populations concernées.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Primes maladie : la soif de justice l'emportera

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    Sur le vif - Jeudi 28.09.17 - 16.59h

     

    Chaque année le même cirque, la même ritournelle. Depuis plus de vingt ans. Chaque année, ce jour, au début de l’automne, où les Suisses ont la rage : Dies irae. Pendant 48 heures, on s’excite, on menace de lever la Matze, monter à Berne, bousculer l’ordre politique, novembre 1918, la sédition dans la chair. Juste à fleur de peau. Et c’est là, justement, le problème.

     

    Les Caisses savent parfaitement que le désir de Révolution, en Suisse, dure rarement plus de 48 heures, que tout se tasse, tout s’éteint, tout passe oui, et tout lasse. Le jeudi soir, on gueule, le vendredi encore un peu, le week-end on promène le chien, le lundi on est les premiers au boulot. Braves Suisses. Qui, même précarisés par leurs primes, n’en mangent pas moins pain et brioche, comme dirait l’Autrichienne, superbe, à sa fenêtre.

     

    J’ai couvert l’ensemble des travaux des Chambres relatifs à la LAMal, au début des années 1990. J’ai organisé tellement de débats, laissé s’épandre tant de colères, vu se bricoler tant de modèles. Mais chaque année, c’est la même chose. L’année prochaine ?

     

    Pour ma part, dans ce dossier capital pour la vie des gens, comme l’est celui des retraites, je n’attends plus grand-chose de notre « démocratie participative », à Berne. Oh, des gens de bonne volonté, compétents, précis dans la confection des lois, je ne disconviens de rien de tout cela. Tout au plus serai-je le premier à signer l’initiative, lancée demain à Berne, qui veut interdire aux élus fédéraux de siéger dans les conseils d’administration des Caisses.

     

    Non. Les modèles alternatifs doivent venir d’en bas. Du peuple. Celui qui a le droit de vote (les autres sont les bienvenus pour le remue-méninges). C’est maintenant, comme dans l’affaire des retraites, la démocratie directe qui doit prendre le relais. Non pour faire des miracles, ne rêvons pas. Mais pour lancer, non dans la seule molasse bernoise, mais sur l’ensemble du pays, de vastes débats nationaux sur les modèles de réformes.

     

    Vous me direz que nous les avons eus, ces débats, sur la Caisse unique, puis publique. C’est vrai. Et dans ces deux cas, le partisan de l’Etat que j’ai toujours été se trouvait dans le camp des perdants. Mais il faut remettre plusieurs métiers sur plusieurs ouvrages. Caisses cantonales, régionales, séparation des intérêts sous la Coupole, etc. Si le corps des citoyennes et citoyens de ce pays ne fait pas de la décennie qui vient celle du combat, alors à Berne, rien ne bougera.

     

    Une initiative ne passe, on le sait, que rarement, en Suisse. C’est un combat de très longue haleine, qui passe par des défaites, des dimanches soir de larmes après les votations. Un combat qui exige patience, ténacité. Mais, à ce jour, c’est le seul qui vaille. Je salue les comités d’initiatives qui montent à Berne demain. Je signerai leurs textes. Nous discuterons, nous nous engueulerons. Et puis, un jour, j’ignore absolument quand, un modèle venu d’en bas, jailli de la sourde colère du peuple, mais aussi de sa soif de justice et d’égalité, finira par l’emporter.

     

    Vive notre démocratie suisse.

     

    Pascal Décaillet