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Anti-68 de la première heure !

 

Sur le vif - Samedi 10.03.18 - 15.42h

 

Mon opposition viscérale, féroce, intransigeante à Mai 68 date de... mai 68 ! Elle est née en parfaite contemporanéité des faits. J'allais sur mes dix ans, j'étais sur la fin de l'école primaire, que j'adorais, j'étais conscient des enjeux politiques français depuis la campagne présidentielle française de décembre 1965. Puis, celle des législatives (beaucoup moins spectaculaire, mais je l'avais suivie sur les écrans) du printemps 1967.

 

Oui, j'ai rejeté Mai 68 au moment même des événements. Parce que mes aînés de dix ans manifestaient contre un système scolaire que, pour ma part (à mon petit niveau de l'école primaire), je trouvais affranchissant et passionnant. J'étais fou d'Histoire, de géographie, de compositions françaises, j'adorais les sciences naturelles, la récitation de poésies, bref je n'avais absolument pas à me plaindre de l'école. Je peinais donc, à tort ou à raison, à partager les griefs hargneux de mes aînés contre une institution scolaire que, pour ma part, là où j'étais, je trouvais ouvreuse de portes infinies, sur les chemins de la connaissance.

 

Et puis, il y avait de Gaulle. C'était mon héros, depuis décembre 65, sans doute même avant. Nous en parlions beaucoup en famille, ma mère l'adorait, je l'imitais à table, c'était un personnage, il faisait partie de la famille. Et pourtant, à dix ans, je ne savais pas encore - ou à peine - le rôle de libérateur qui avait été le sien, 24 ans plus tôt, en 1944. Cela, je l'ai appris à partir de l'âge de 12 ans, en lisant ses Mémoires de Guerre. Puis, j'ai passé ma vie à creuser.

 

Bref, j'aimais de Gaulle, passionnément. Et je ne comprenais absolument pas pourquoi mes aînés de dix ans, sous prétexte de lutter contre un mandarinat universitaire dont je veux bien admettre la pesanteur à l'époque, demandaient le départ de cet exceptionnel vieillard qui portait dans le monde la voix de la France.

 

Alors voilà, j'aimais de Gaulle. Ils le détestaient. Donc je les détestais. C'est aussi simple que cela. J'ai tout rejeté, violemment, en bloc, toute ma vie, depuis exactement un demi-siècle. J'ai rejeté Mai 68. J'ai rejeté la mouvance intellectuelle, scolaire notamment, hélas portée pendant des décennies par ce mouvement. J'ai rejeté l'idée libertaire, par amour intransigeant de la République, austère, égalitaire et régalienne. J'ai rejeté dès le mois de mai l'insupportable personne de Cohn-Bendit. J'ai rejeté le refus de vieillir, et d'assumer sa génération, de tous ces adultes qui voulaient plaire au mouvement des jeunes. J'ai passé ma vie à lire des milliers de livres d'Histoire de France, d'Histoire allemande aussi, avec le récit des guerres et des batailles, des traités, la permanence du tragique, du sacrifice et de la mort.

 

J'ai passé un demi-siècle à haïr 68.

 

Haïr, oui je sais, le mot est fort. Mais c'est ainsi.

 

Je n'ai pas eu besoin d'attendre Sarkozy, cet orléaniste gesticulant, pour prendre une totale, viscérale, absolue et définitive distance face à cette idéologie éruptive, jeuniste, individualiste et libertaire, qui représente ce que je rejette le plus au monde.

 

Et ça n'a rien à voir avec la droite ou la gauche. J'ai maintes fois voté à gauche. J'étais pour Mitterrand en 81, et même encore en 88. Willy Brandt, Pierre Mendès France, font partie de mon Panthéon.

 

Non. C'est la question de la République et de l'Etat, contre le désordre libertaire, donc au fond libéral.

 

Bonne journée à tous.

 

Pascal Décaillet

 

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