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Liberté - Page 818

  • Les translucides de la 25ème heure

     

    Sur le vif - Vendredi 13.10.17 - 10.34h

     

    Les puissants éditorialistes qui, enfin cet automne, commencent à appréhender la vraie personnalité - profondément autocratique, orléaniste, arrogante - d'Emmanuel Macron, que faisaient-ils ce printemps, au moment de l'élection ? Ils n'étaient que louanges et pâmoison face à la jeunesse, la beauté, la capacité de séduction de l'homme providentiel.

     

    Ces translucides de la 25ème heure ont toujours trois guerres de retard. Macron, avec un peu de jugement politique, avec les outils de l'analyse du discours, du scepticisme et de l'Histoire, il était parfaitement possible de discerner son être réel en pleine Blitzkrieg de sa candidature. Encore fallait-il le vouloir. Accepter le contre-courant. Décrypter au-delà des apparences.

     

    Ce qui perd le métier, c'est le métier lui-même.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Méphisto, il est où ?

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    Commentaire - GHI - Mercredi 11.10.17

     

    Je me suis toujours battu pour un journalisme qui dise les choses, de façon simple et réelle, telles qu’elles sont. Le pouvoir, lui, d’où qu’il vienne, quelle que soit sa couleur, cherchera toujours, au contraire, à vous faire répéter, comme un perroquet, les mots incantatoires de sa propagande. Les conférences de presse, les communiqués sont les instruments dont il dispose pour imposer son vocabulaire. A tout confrère, toute consœur, je recommande circonspection et méfiance.

     

    Ainsi, le mot à la mode : « recapitalisation ». Fort laid, mais ça n’est pas le plus grave. Surtout, un euphémisme, froidement choisi par le pouvoir politique pour donner l’impression de quelque chose de bienveillant. Si on « recapitalise », c’est bien qu’on injecte de l’argent, comme une piqûre de sang nouveau, régénératrice, bienvenue. Et on réussit à positiver les choses. Nous serions le Docteur Faust, la « recapitalisation » serait notre seconde jeunesse. Mais Méphisto, il est où ?

     

    La vérité, plus crue, c’est que tous ces milliards qu’on va mettre en quarante ans, c’est le contribuable qui va les payer. Encore lui ! Cette dimension sacrificielle, pour assurer les retraites de la fonction publique, n’est guère lisible, hélas, dans le mot « recapitalisation ». Dans le choix des vocables, plus la réalité est dure à encaisser, plus l’autorité nous sert des mots doux. Un peu comme la dernière cigarette d’un condamné : elle fait des volutes, pour mieux masquer la lame fatale. Méfiez-vous des mots !

     

    Pascal Décaillet

     

    *** Photo : l'inoubliable acteur allemand Gustav Gründgens (1899-1963), dans Mephisto, le rôle de sa vie. Lire absolument le livre "Mephisto", de Klaus Mann (1906-1949).

     

  • Genève internationale : un peu de modestie s'impose !

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    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 11.10.17

     

    Il est d’usage, au bout du lac, lorsqu’on évoque la « Genève internationââââle », non seulement de bien laisser traîner la dernière syllabe, pour accentuer la dimension galactique du dossier, mais surtout de prendre un air pénétré, profondément docte, l’air de celui qui sait, qui mesure toute l’impérieuse nécessité de ce secteur-clef. Contrairement aux autres, les gros lardons qui n’ont rien compris.

     

    Je fais partie des gros lardons. Je ne remets pas en cause une vocation internationale née dès 1863, lors de la création de la Croix-Rouge, et abritant aujourd’hui une quarantaine d’organisations, dont l’ONU, le HCR, le CICR, l’OMC, l’OMS, assurément de premier ordre. Mais je me suis toujours permis, au risque d’irriter les huiles et les apparatchiks, de replacer tout ce petit monde face à la seule chose qui compte : la finalité de leurs propres ambitions. En clair : toutes ces nobles institutions ont-elles, face à l’Histoire, toujours eu l’efficacité qu’on veut bien leur prêter ?

     

    A cette question, la réponse est clairement non. L’échec le plus retentissant, il faut aller le chercher dans la plus célèbre de ces organisations, la SDN. Lancée sur les ruines de la Grande Guerre, avec comme gourou le Président américain Wilson, la Société des Nations, si sublimement décrite par Albert Cohen dans « Belle du Seigneur » (vous savez, Adrien Deume qui taille ses crayons), malgré de belles heures à l’époque du Français Aristide Briand et de l’Allemand Gustav Stresemann (les années vingt), s’est finalement liquéfiée lorsque le tragique de l’Histoire a surgi des entrailles de la terre. La SDN n’a pu empêcher ni le fascisme italien, ni le nazisme, ni l’impérialisme japonais. Sa dimension multilatérale n’était qu’un leurre. La leçon est capitale.

     

    Née sur les décombres de la Seconde Guerre mondiale, l’ONU est-elle vraiment plus efficace ? Il doit être permis, tout au moins, d’en discuter. Comme d’analyser sans concessions la puissance de son lien avec le monde atlantique, États-Unis en tête. Tout cela, pour dire quoi ? Non que ces organisations soient inutiles : par exemple, qui niera les efforts de l’OMS pour harmoniser les politiques de santé dans le monde ? Mais enfin, quand on en parle, de Genève, un minimum de mesure, de modestie, s’impose. Et puis, le petit monde international vit, hélas, beaucoup trop entre soi, dans une sorte de ghetto : on aimerait tellement que la richesse des tous ces apports, venus de la planète entière, se mêle davantage à la vie des Genevois. Cet objectif-là, majeur, n’est absolument pas atteint.

     

    Je terminerai par un lumineux contre-exemple : celui de mon confrère, le journaliste sénégalais Gorgui Ndoye. De Genève, il nous parle, avec une remarquable conscience panafricaine, de tous les aspects de son continent. Il se mêle constamment à la vie genevoise, vibre avec la population lors d’événements locaux, partage avec nous la splendeur terrestre de la langue française. Celle de Racine. Celle de Rimbaud. Et aussi, celle de Senghor. Merci, Gorgui ! Et vive l’échange, lorsqu’il touche à l’essentiel, loin du cliquetis des cocktails.

     

    Pascal Décaillet