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Liberté - Page 708

  • Des sujets ? Non, des citoyens !

     

    Sur le vif - Mardi 08.01.18 - 10.05h

     

    Gilets jaunes : nous avons dépassé depuis longtemps le stade de la simple jacquerie.

     

    La thèse de la jacquerie, on peut la suivre tant qu'il ne s'agit que de pouvoir d'achat, revendication d'ailleurs parfaitement légitime.

     

    Mais en parallèle, il y a l'immense aspiration à de nouvelles formes d'expression démocratique.

     

    Nous n'avons donc absolument pas affaire à de simples SUJETS signifiant leur colère à leur maître, prêts à se laisser calmer par le miracle d'un Grenelle. Mais à des CITOYENNES ET CITOYENS, debout, frontalement érigés face au dernier représentant de l'ordre ancien. Pour lui signifier, qu'il le veuille ou non, l'inéluctable avènement d'un nouveau monde.

     

    Ils ne sont pas pressés. Le temps est avec eux. L'Histoire est avec eux. Partout en Europe, gronde la voix des peuples. Partout, dans les décennies qui viennent, la démocratie directe va monter en puissance, la démocratie représentative (issue du temps des diligences) va perdre du terrain. Elle en aura trop fait, dans l'ordre du consanguin, pour se régénérer.

     

    Pendant ce temps, les petites coteries parisiennes, celles des BHL et des Cohn-Bendit, celles de l'ineffable BFMTV, celles qui s'agrippent et s'agglutinent au pouvoir, attirées par ce dernier comme des éphémères sur un réverbère, n'en peuvent plus de nous jouer le registre de la morale, celui des conventions et bonnes manières, parce que le bruit de la rue les incommode.

     

    Surtout, ils crèvent de trouille. Ils savent que la chute de Macron ouvrirait la porte à autre chose. Un "autre", totalement imprévisible. Angoissant. Vertigineux.

     

    La porte ouverte, aussi, en matière européenne, dans les droits populaires, dans la réaffirmation de la souveraineté nationale, à une partie du programme de la rivale d'Emmanuel Macron au second tour 2017. Celle qui avait certes perdu. Mais n'avait jamais, en valeur absolue, réuni tant de millions de voix pour son mouvement.

     

    Un jour ou l'autre, le fantôme de ces voix méprisées viendra se rappeler à notre bon souvenir. Il a même méchamment commencé.

     

    La France a besoin de retrouver le fil narratif de son roman national.

     

    Elle a besoin de souveraineté. De justice sociale, à l'interne. De démocratie directe. Pour avoir allègrement ignoré, voire bafoué, ces aspirations fondamentales, Macron est condamné, non au sort de Louis XVI en 1793, mais assurément à celui de Charles X en 1830. Ou de Louis-Philippe, en 1848.

     

     

    Pascal Décaillet

     

  • Gilets jaunes et Révolution : réflexions sur une référence

     

    Sur le vif - Lundi 07.01.19 - 14.38h

     

    Les gilets jaunes convoquent la mémoire de la Révolution française. Ils ont parfaitement raison, c'est une référence de taille. Et ceux qui, de Suisse, ricanent, feraient bien de lire quelques livres. La Révolution est l'une des périodes ayant, depuis quarante ans, le plus nourri mes lectures : s'il fallait n'en recommander qu'une seule - parmi des centaines - ce serait l'Histoire de la Révolution française, par Jules Michelet (1798-1874).

     

    Il faut lire ce chef d’œuvre, pour saisir toute l'universalité de ce qui, en en France, fut accompli à partir de 1789. Le chute de la monarchie, la proclamation de la République, les guerres courageuses (et victorieuses !) menées par les Soldats de l'An II contre toutes les têtes couronnées d'Europe, impatientes d'imposer le retour à l'Ancien Régime. Pour moi, l'épisode ne dure pas dix ans, mais vingt-six, jusqu'à Waterloo (18 juin 1815). Et les grandes idées républicaines, après un dix-neuvième siècle chaotique, fait de flux et et de reflux, s'imposeront à partir de 1870, avec juste l'éclipse de Vichy (1940-1944).

     

    Il n'y a aucune espèce de grandiloquence, face au mouvement très important des gilets jaunes, à évoquer les références de la Révolution. L'Histoire, certes, ne se répète jamais, tout au plus bégaie-t-elle, ou laisse-t-elle perler quelques bribes de réminiscences. La Révolution elle-même, en parfaite contemporanéité de ses propres événements, n'a cessé de se nourrir de références historiques, puisant notamment dans l'Antiquité, où il était question d'un ordre de pouvoir, secoué par le désordre d'un moment. Les Romains, déjà, puisaient chez les Grecs leurs mythes révolutionnaires. La littérature, toujours, se nourrit d'elle-même. J'ai suivi, en 1978, un passionnant colloque universitaire, interdisciplinaire, sur ce thème. J'y avais fait un exposé sur Thucydide, et la révolte des Cités grecques, dans sa Guerre du Péloponnèse.

     

    Il n'est pas excessif de considérer dans les gilets jaunes l'aspiration à un changement de régime. Il ne s'agit pas de prendre congé de la République ! Mais de la faire évoluer, comme cela s'est toujours produit dans les deux derniers siècles. 1848 renoue avec 1792. 1870 avec 1848. 1944 (la Libération) nomme Commissaires de la République les libérateurs régionaux. 1958 (retour de Charles de Gaulle) restaure l'idée (déjà bien présente chez une partie des Révolutionnaires) d'un exécutif fort.

     

    Non, les gilets jaunes ne veulent pas détruire la République. Ils veulent, au contraire, sa résurrection. En se battant pour une démocratie directe agissant (comme en Suisse) sur les thèmes, ils embrassent le discours et la pensée d'une partie des Révolutionnaires, ceux qui voulaient le pouvoir au peuple. Déjà dans la dernière décennie du dix-huitième siècle, ces derniers étaient en confrontation directe avec les adeptes de la démocratie représentative, c'est dire si la dialectique de silex entre les uns et les autres est ancienne. Le paysage politique français, ses grandes lames tectoniques, n'ont, malgré la valse des étiquettes, presque pas changé, depuis la Révolution.

     

    Je n'ai parlé ici que de l'ordre institutionnel. En attendant d'y revenir, je n'ai pas encore parlé de l'ordre économique, ni social. Ni de l'extraordinaire aptitude d'Emmanuel Macron à jouer (contre son gré !) la caricature de l'Ordre ancien. Ni celle des coteries parisiennes, médiatiques notamment, à jouer les Fermiers généraux, intendants, valets du pouvoir, et autres intermédiaires que l'idéal révolutionnaire, justement, se promettait d'éradiquer.

     

    Je reviendrai sur ce sujet des gilets jaunes, qui me passionne. J'ignore si c'est une Révolution. Mais une chose est sûre : nous avons dépassé, depuis un sacré moment, le simple stade de la révolte.

     

    Pascal Décaillet

     

  • L'Europe ? Non, l'Allemagne !

     

    Sur le vif - Dimanche 06.01.19 - 12.16h

     

    Le drapeau européen qui flotte dans les pays d'Europe centrale et orientale, c'est en fait le drapeau allemand, camouflé sous le paravent de la bannière aux douze étoiles.

     

    Réunifiée dans des conditions d'une vulgarité inouïe (la DDR, purement et simplement rachetée à coups de milliards par l'Ogre Kohl), l'Allemagne accomplit aujourd'hui pacifiquement le grand dessein où elle a, naguère, échoué par d'autres voies.

     

    L'accomplissement de ce dessein a été mis en route, entre 1740 et 1786, par un souverain de génie, le Roi Frédéric II de Prusse. Il se réalise d'aujourd'hui, sans bruit ni fureur, et même avec la bénédiction des bonnes consciences, sous prétexte qu'il fallait à tout prix abattre le communisme, faire reculer l'influence russe en Europe.

     

    Commercialement, économiquement, l'Allemagne de 2019 est omniprésente sur les marchés de l'Est. Elle y est revenue silencieusement, par les mêmes couloirs de pénétration que ceux du 22 juin 1941. Et tout le monde applaudit !

     

    Et les grands naïfs, incapables de percevoir les mouvements tectoniques de l'Histoire, encore moins la permanence du tragique, s'émerveillent face aux douze étoiles européennes en Europe centrale et orientale. Inaptes à lire, en palimpseste de cette bannière, la réalité de l'influence allemande retrouvée, sur les Marches de l'Est.

     

    Un jour, le château de cartes européen s'effondrera. Mais les innombrables points d'appui allemands, installés sous prétexte européen en Europe centrale et orientale, demeureront. L'illusion multilatérale partie en fumée, demeurera la permanence des intérêts nationaux. 

     

    Adolescent, en Allemagne, j'étais fasciné par le Chancelier au pouvoir. Il s'appelait Willy Brandt (1969-1974). C'était un social-démocrate. Il avait passé les douze années de Troisième Reich en exil. Il était devenu Maire de Berlin. Chancelier, il s'était agenouillé à Varsovie, devant le Mémorial du Ghetto. Il avait inauguré une politique, géniale à mes yeux, d'ouverture à l'Est, l'Ostpolitik.

     

    C'était un homme d'exception. Et son rapport, à lui, avec les voisins immédiats de la République fédérale, à l'Est (à commencer par la DDR), avait une autre tenue, une autre ambition, d'autres horizons intellectuels et culturels, nourris notamment par son ami, l'immense romancier Günter Grass (un Allemand de Dantzig !), que la gloutonnerie vulgaire de Kohl, lorsqu'il a purement et simplement racheté l'Allemagne de l'Est.

     

    La dignité de la Prusse méritait mieux. Un jour, elle se rappellera à notre bon souvenir.

     

    Pascal Décaillet