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Liberté - Page 346

  • Suisse-Europe : maintenant, ça suffit !

     
    Sur le vif - Vendredi 23.04.21 - 17.13h
     
     
    Il fallait s'y attendre, mais c'est encore pire que les pires de nos craintes. La tragi-comédie de Bruxelles, la Farce de Maître Parmelin, aboutit ce vendredi 23 avril 2021 à une situation où la Suisse s'humilie à Bruxelles. C'est un Vendredi Noir pour la diplomatie suisse, Jean-Pascal nous manque, lui qui savait exactement ce qu'il voulait, parlait au nom d'un Conseil fédéral uni, avait une vision, une stratégie, était doté de ce mélange unique de courage et de roublardise pour faire le voyage de Bruxelles sans finir dans les choux.
     
    Il ne s'agit pas d'accabler M. Parmelin. Mais enfin, pourquoi lui ? Certes, il est Président, mais on n'envoie pas ainsi à Bruxelles un franc-tireur esseulé, sans le Ministre des Affaires étrangères, sans l'appui puissant de ses six collègues, du Parlement, du peuple. Les partenaires européens ne sont pas des idiots, loin de là : il leur suffit de lire la presse suisse pour être au parfum de l'absence totale de tir de couverture dans cet envoi aventureux d'un singleton en apesanteur, privé de tout contact avec la base terrestre qui lui a confié cette hasardeuse mission.
     
    Désolé, mais notre Conseil fédéral est au-dessous de tout. Et M. Parmelin a été bien brave de monter ainsi au casse-pipe. Les principes élémentaires de la diplomatie ont été bafoués : on a juste envoyé le Président à Bruxelles, comme ça, en se disant qu'il pourrait peut-être en sortir quelque chose. On a vu le résultat.
     
    On n'envoie pas le Président de la Confédération à Bruxelles sans avoir, en amont, réuni dans le pays les ferveurs et les énergies. On ne l'envoie pas se fracasser contre la ligne des digues, sans avoir l'intime certitude qu'on a le pays profond derrière soi. On n'envoie pas le Président tenter de défendre un accord de hasard, mal fagoté, réprouvé par une grande partie de l'opinion suisse, en se disant que peut-être, il y aurait une chance que ça passe.
     
    La diplomatie, ça n'est pas cela. Et je repense, en cette fin d'après-midi, à mes nombreux contacts avec Jean-Pascal Delamuraz, il y a trente ans, sur l'Europe. Il savait que le Fantôme du Commandeur, c'était le peuple. Il l'a su, en tout cas, le 6 décembre 1992, à 15.22h, et à ses dépens ! Mais lui, tel Don Giovanni, avait eu le courage de l'affronter, cette statue de marbre. Il a joué, il a perdu, il a été grand. Tout le contraire de notre actuel Conseil fédéral, qui se contente de demi-jeu, de semi-certitudes.
     
    Colère. Rage au coeur. Il faut jeter cet accord, très vite. Et retrouver, face à l'Europe, un discours qui jaillisse des profondeurs des cœurs. Et non des conciliabules des experts.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Je panse, donc je souffre

     
    Sur le vif - Jeudi 22.04.21 - 12.14h
     
     
    Choqués. Sidérés. Traumatisés. Blessés. Outragés. Et même pas libérés !
     
    Ce qui stupéfie, c'est la propension de nos contemporains, dans nos bonnes sociétés douillettes, et justement pas dans la partie réellement en souffrance du monde, à se revendiquer de l'ordre de la blessure.
     
    Un rien les blesse, un fétu d'insignifiance les offense. C'est le règne de la grande plaie, toujours revendiquée, jamais cicatrisée. On n'arbore plus son savoir, ni sa capacité d'analyse, on se contente de faire valoir l'éternelle vivacité, jamais apaisée, de sa blessure originelle. Je souffre, donc je suis.
     
    En chacune des ces âmes torturées, on aimerait tout au moins trouver l'universalité du Jeune Werther. Mais non. Nous vivons sous l'empire des souffrances spécifiques. Communautarisées. Avec des collectifs pour en porter la bannière, mettre au ban, siffler la meute, sonner l'hallali.
     
    Je panse, donc je souffre.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Le camp du Bien et le poison du sens

     
    Sur le vif - Jeudi 22.04.21 - 07.59h
     
     
    Joe Biden félicité par la presse française, parce qu'il "multiplie les dépenses publiques" ! Et de le comparer illico, alors qu'il vient d'arriver, au grand Roosevelt, entré en fonction il y a 88 ans sur la base de son New Deal, le grand programme de relance économique qui allait changer le visage de l'Amérique, dans les années trente.
     
    Cet accessit totalement prématuré à un homme qui n'a encore rien fait, mais ne fait pour l'heure que promettre, en rappelle un autre : le sommet absolu du ridicule atteint par le jury, lorsqu'il avait attribué le Nobel de la Paix à Barack Obama, au tout début de son mandat. Juste parce que l'icône, en termes de représentation et non d'action, convenait à la doxa du moment. Dans les faits, les huit années d'Obama auront été parmi celles où les États-Unis ont le plus bombardé, sur l'ensemble de la planète, souvent sur des théâtres d'opérations pas du tout médiatisés chez nous.
     
    Biden, Obama, même syndrome : à Trump, nos médias ne passaient rien ; à ces deux-là, les yeux de Chimène. Tout ce qu'ils font est génial, pour la simple raison qu'ils sont du camp du Bien. On refile à Obama le Prix qu'avait reçu Willy Brandt pour s'être agenouillé à Varsovie en décembre 1970, ce qui est l'un des plus grands gestes de l'Histoire allemande. On proclame Biden successeur de Roosevelt, l'homme qui avait sorti les États-Unis de la crise de 1929, et qui en fera avec la guerre la première puissance mondiale.
     
    Bref, non seulement on s'égare, mais on délire. On délivre des prix avant même l'action. On juge les élus non sur ce qu'ils font, mais sur ce qu'ils sont. Sur les vertus morales qu'on leur prête. On encense le Bien, au mépris de toute observation réelle des actes politiques. Bref, on intoxique. Et face à ce poison du sens, nul vaccin, hélas, n'est encore disponible.
     
     
    Pascal Décaillet