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Liberté - Page 345

  • La soute, l'iceberg

     
    Sur le vif - Mardi 27.04.21 - 13.59h
     
     
    La classe moyenne, c'est la salle des machines, au fond du bateau. Les soutiers. Ceux qui savent : ils sont dûment formés pour faire fonctionner l'appareillage complexe. Travailleurs qualifiés ! Spécialisés. Consciencieux. Ponctuels. Fiables. Ceux qui bossent, et en plus ils adorent leur boulot ! Ceux qui ont les compétences. Ceux qui ne se plaignent jamais. Ceux qui ne reçoivent aucune assistance. Ceux dont on ne parle pas.
     
    Le capitaine, l'armateur, les respectent. Ils savent bien que, sans eux, le bateau n'irait pas très loin. Rapport de confiance.
     
    Seulement voilà, le soir, sur le pont supérieur, dans l'ivresse de la musique et le parfum nacré de sublimes compagnies, il y a deux détails qu'on a tendance à oublier : les gens de la soute, l'imminence de l'iceberg.
     
     
    Pascal Décaillet

  • La vie qui surgit, et qui se précipite

     
    Sur le vif - Lundi 26.04.21 - 15.57h
     
     
    Je rumine, depuis des siècles, un texte de ma Série Allemagne en 144 épisodes (32 sont déjà bouclés), sur le Lied.
     
    En sachant que, sur la seule question - centrale - du Lied dans la culture poétique et musicale allemande, il faudrait déjà 144 épisodes.
     
    C'est tout mon problème, dans cette Série : chaque fois que j'ouvre une porte, je me trouve devant un miroir, qui m'offre la perspective de 144 autres miroirs.
     
    Et j'avance, lentement. Et je n'ai aucune intention d'avancer plus vite. Parce que je ne veux pas terminer cette Série. Je ne la terminerai jamais.
     
    Parce que cette Série, c'est la vie.
     
    Le Lied aussi, c'est la vie. Chez Schubert. Chez Schumann. Chez Brahms. Chez Mahler. Chez Hindemith.
     
    Le Lied, ce condensé, cette précipitation de forces vitales : les mots, les syllabes, les notes, les silences, la puissance surgie du ventre, les cordes vocales, le phrasé du poème, son rythme, sa structure. Tout cela, en quelques minutes.
     
    Le Lied, c'est la vie. Et Christa Ludwig vient de nous quitter. Elle était l'une des plus grandes. Dans Schubert, dans Brahms, elle tutoyait le sublime.
     
    Je ne terminerai jamais cette Série. J'avancerai, à mon rythme. J'entrecouperai les épisodes "officiels" de quantité de notes intermédiaires. Je m'y perdrai. Comme dans une forêt germanique. La Forêt de Thuringe, par exemple, dans l'ex-DDR, si chère à mon coeur. Et à mes souvenirs.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Ni rentes, ni subventions : juste la sueur !

     
    Sur le vif - Dimanche 25.04.21 - 10.40h
     
     
    Si elle est acceptée le 13 juin, la loi CO2 viendra frapper de plein fouet les classes moyennes en Suisse. Ces même classes qui sont déjà, en termes d'impôts, de taxes, de loyers, de primes maladie, de retraites, de pouvoir d'achat, les dindons de la farce dans notre pays.
     
    Prenez la voiture : elle est souvent la fierté des plus modestes, la capacité d'un indépendant à se déplacer avec sa camionnette, d'un montagnard à descendre en plaine, d'une famille à partir en vacances, toutes valises dans le coffre, liberté totale de trajet, changer au dernier moment, aller voir les villages, les chapelles reculées. Non, Mesdames et Messieurs les bobos, le train n'est pas générateur d'un bonheur aussi universel que vous le prétendez. Et pour une famille, il est hors de prix.
     
    La taxe CO2 va frapper les classes moyennes. Encore un peu plus ! Sur l'autel de l'idéologie Verte, à laquelle presque plus personne ne semble oser s'opposer. Par conformisme avec la mode du moment, on les sacrifie, ces citoyens et citoyennes suisses qui se lèvent le matin pour aller bosser, ne comptent pas leurs heures, constituent l'une des classes laborieuses les plus compétentes, soucieuses de précision et de finitude, du continent européen, mais ne voient pas la couleur de ce qu'il gagnent, parce que l'impôt, les taxes, leur reprennent tout. Pour eux, aucune aide, jamais. Ni pour l'assurance-maladie. Ni pour le loyer. Ils ne font pas partie, par exemple, des 38% de Genevois totalement exonérés d'impôts. Ils sont là pour payer, payer, et encore payer.
     
    A croire que les hautes sphères dirigeantes du pays et les assistés auraient passé comme un pacte tacite sur le dos des classes moyennes. Pas trop de désordre social, pas de Grève générale de 1918, véritable traumatisme pour la grande bourgeoisie suisse. Le prix à payer ? On fait passer à la caisse les classes moyennes. Ceux qui bossent. Et ne vivent que de leur travail. Ni rentes, ni subventions : juste la sueur !
     
    Dans ce contexte, la taxe CO2, née de la doxa Verte, certes amendée par le Parlement, représente symboliquement l'allégeance de la classe politique suisse aux nouvelles matrices de pensée qu'on tente de nous imposer. On reprend déjà leur langage, j'en ai souvent parlé. On vote leurs lois. On parle comme eux. On fait comme ils disent. Bref, on se soumet. C'est votre intention ? Libre à vous. Pour ma part, la soumission n'a jamais été dans mes fantasmes.
     
     
    Pascal Décaillet