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Liberté - Page 258

  • L'armée allemande : permanence et puissance

     
    Sur le vif - Lundi 14.03.22 - 13.37h
     
     
    L'Allemagne achète le F-35. Et il lui reste cent milliards d'euros, votés en urgence il y a quelques jours par le Bundestag, pour faire ses menues emplettes militaires. C'est le programme de réarmement le plus massif depuis 1945.
     
    En Allemagne, pays des Verts et des pacifistes des années 80, peu de voix s'élèvent contre ce tournant historique. Apparemment, le Groupe pour une Allemagne sans Armée est plus discret que son ineffable cousin suisse.
     
    L'Histoire de l'Armée allemande, objet d'innombrables livres, dont le chef d’œuvre de Jacques Benoist-Méchin, publié en 1937 (n'incluant donc pas la Seconde Guerre mondiale), est à considérer avec le plus grand des reculs. Il faut remonter à Frédéric II de Prusse (1740-1786), et plus encore à son père, Frédéric-Guillaume 1er, alias le Roi-Sergent, ou Der Soldatenkönig (1713-1740), celui qui vraiment lance la redoutable armée prussienne, moins d'un siècle après la totale dévastation des Allemagnes en 1648, suite à la Guerre de Trente Ans.
     
    Il faut remonter à Frédéric II, et examiner en continuité, indépendamment des idéologies, la progression, sur continent européen, d'un outil militaire incomparable, constamment en rivalité avec la puissance française, la puissance autrichienne (jusqu'à la défaite de cette dernière à Sadowa, 1866), et la puissance russe.
     
    Défaite, l'armée allemande, en 1945 ? Détrompez-vous ! La défaite est totale, bien sûr : politique, morale. Mais les armes sont là. Elles contribueront à créer, dès 1949, la Bundeswehr, à l'Ouest. Les officiers sont les mêmes. La dénazification a été, en fait, très légère : la plupart des cadres de la Wehrmacht reprennent du service. Il en est de même dans la police, la justice, les grands corps de l'Etat, les conseils d'administration des géants de l'industrie et de la finance : la République fédérale, c'est la continuité d'avant. On le disait peu dans ma jeunesse, et j'ai d'ailleurs connu de près certains de ces hommes. Mais aujourd'hui, on le sait : il faut toujours laisser travailler les historiens, les parts de vérité finissent par sortir.
     
    Celui qui observe l'évolution de l'outil militaire allemand depuis Frédéric II, ou tout au moins depuis Versailles (1919), est frappé par l'idée de continuité. Aujourd'hui, les cent milliards que vient de voter le Bundestag sont passés comme une lettre à la poste. C'est juste si la "communauté internationale" n'applaudit pas l'Allemagne. C'est assez rafraîchissant. Car les cent milliards, perçus aujourd'hui comme utiles à la bonne cause, tiens par exemple faire peur aux Russes, pourraient bien, le jour venu, dans dix ans, vingt ans, trente ans, servir non l'Europe, mais les intérêts supérieurs de la Nation allemande. Il est permis de penser que les Américains, présents depuis 1943 (Sicile) sur le continent européen, ne s'y éterniseront pas.
     
    L'Histoire de l'armée allemande, depuis Frédéric II, est totalement fascinante. Pourquoi ? Parce que cette armée, tantôt victorieuse, tantôt vaincue, donne l'impression saisissante de se développer par elle-même, en parfaite indifférence du sort des armes, des idéologies, de la couleur des gouvernements, des programmes d'interdiction (Versailles, 1919) de son développement, ou même des quatre années (1945-1949) d'inexistence de l'Allemagne, en tant que nation. On peut y voir l'indifférence de la pieuvre. On peut aussi, et c'est ma lecture, y déceler l'exceptionnelle permanence de reconstruction d'un destin national, sur les ruines de la Guerre de Trente Ans (lire absolument le Simplicius Simplicissimus de Grimmelshausen, 1668), en passant par l'autre ruine, celle de 1945.
     
    A travers les obstacles, et jusqu'aux rideaux de feu d’Apocalypse, le chemin d'initiation d'un peuple inventif, opiniâtre et patient. Lisez le livret de la Götterdämmerung, chez Wagner. Et vous comprendrez tout.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Encore en coulisses, bientôt sur scène : l'Allemagne

     
    Sur le vif - Dimanche 13.03.22 - 14.42h
     
     
    C'est en fonction de leurs besoins vitaux et énergétiques, depuis les campagnes de Frédéric II de Prusse (1740-1786) sur la Silésie et la Poméranie, riches en bassins miniers, que les Allemands définissent leur tropisme vers l'Est ou vers l'Ouest. Par la guerre ou par les marchés, la vitalité germanique jette des ponts. Elle ne s'encombre d'aucune idéologie. Tout au plus cette dernière sert-elle de prétexte à des impératifs profondément économiques et nutritifs.
     
    Dans le nouveau front qui s'est ouvert aux confins orientaux de l'Europe, l'acteur Allemagne n'est pas encore entré en scène. Pour l'heure, il joue la partition européenne. Mais sous le vernis de l'Europe, il y a la permanence des nations. Lorsqu'il faudra vraiment choisir, autrement que par de grandes envolées lyriques nourries d'une théologie du Bien tellement rassurante pour blanchir les consciences, l'Allemagne optera pour ses intérêts vitaux.
     
    La question du gaz sera centrale. L'Allemagne a impérativement besoin de demeurer liée aux gazoducs terrestres européens. Elle sait que les Américains, implantés sur le sol de notre continent depuis 1943 (Sicile), n'y sont pas pour l'éternité. Elle sait le rôle immense que la Chine pourrait jouer dans une redistribution économique des cartes. En un mot, elle a besoin de conserver le lien énergétique avec la Russie.
     
    Cet impératif économique conditionnera les engagements politiques de la quatrième puissance mondiale. Pour avoir profondément étudié l'Ostpolitik de Willy Brandt, conçue en pleine guerre froide lorsqu'il était encore Vice-Chancelier et Ministre des Affaires étrangères de Kurt Georg Kiesinger (1966-1969), mais mise en oeuvre sous sa propre Chancellerie (1969-1974), je puis vous dire que cette dimension vitale de l'économie est abordée, dès les années 60, par les penseurs SPD de ce nouveau tropisme.
     
    Mais à l'époque, l'Europe était coupée en deux, Brandt en fut réduit à des gestes symboliques (génuflexion de Varsovie, décembre 1970, immense moment de l'Histoire allemande). Aujourd'hui, les marchés de l'Est sont ouverts. L'Allemagne s'y est engouffrée depuis trente ans. Elle n'a strictement aucun intérêt à une déstabilisation stratégique de l'Europe orientale. Elle s'entendra pour cela avec la Russie. Les canaux de contact existent. L'Allemagne les maintiendra. C'est un besoin vital pour sa survie comme première puissance économique en Europe.
     
    Pour l'heure, personne ne parle de l'Allemagne. C'est pourtant elle, le géant européen. Elle, la puissance économique. Et elle, demain, une fois investis les cent milliards d'euros récemment votés pour la défense nationale, la future première puissance stratégique sur notre continent. Ca fait beaucoup, pour un acteur destiné à demeurer muet, dans les coulisses.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Le centre : un grand Marais chimérique

     
    Sur le vif - Samedi 12.03.22 - 17.08h
     
     
    Le centre, en politique, n'existe pas. Oh, tel parti a bien le droit d'en porter le nom, chacun est libre, comme chacun choisit son mode de suicide. Mais l'idée qu'existerait intrinsèquement, entre les forces de gauche et celles de droite, un espace affranchi de ces antiques appellations, est une chimère.
     
    A Genève, le PDC, ci-devant appelé désormais le Centre, a toujours voulu bénéficier des avantages d'une alliance à droite, avec les libéraux et les radicaux, sans jamais assumer d'en porter les inconvénients.
     
    Sous couvert d'humanisme (concept singulier : les autres partis seraient bestiaux ?), la droite molle profite depuis huit décennies des dynamiques électorales de ses alliés de l'Entente. Mais ne manque pas une occasion de rappeler qu'elle a, elle, des "valeurs" (les autres n'en auraient pas ?), qu'elle défend les droits de l'homme (les autres sont des assassins ?), qu'elle est attachée à la famille (les autres partis, c'est connu, veulent la détruire, au profit de meutes d'individus solitaires). Bref, elle puise dans le vivier de droite ce qui l'arrange, et cherche en même temps à plaire à la gauche.
     
    Homme de droite, je n'ai jamais aimé ce petit jeu, à Genève. Je me souviens encore de la majorité exécutive qui avait permis de nommer Jean Ziegler comme prof ordinaire, au début des années 70 : les deux PDC avaient fait la bascule. J'étais collégien, j'allais sur ma Maturité, je n'avais pas apprécié ça. Le geste manquait de clarté, de loyauté. Il allait dans le sens du vent.
     
    Quand ça l'arrange, le PDC, ci-devant Centre, gonfle ses voiles de l'idéologie de la droite libérale, comme dans leur dernière initiative cantonale avec le PLR. Ailleurs, comme sur la réforme du CO, il soutient étrangement la politique de la cheffe du DIP. Allez comprendre !
     
    Citoyen, passionné de politique depuis décembre 1965, connaisseur approfondi de l'Histoire de la famille politique longtemps appelée PDC, depuis ses origines (Rerum Novarum, 1891) jusqu'à aujourd'hui, connaissant même le détail de cette Histoire dans chaque Canton, je n'aime pas le double jeu. J'aime la vérité crue des rapports de forces, des conflits de pouvoirs. J'aime aller déceler les vraies raisons, sous les causes apparentes. J'aime les gens fiables, quelles que soient leurs idées. Mais lorsque la ductilité tourne à l'opportunisme, je dis non.
     
     
    Pascal Décaillet