Liberté - Page 233
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Les Maos, les trotskystes, l'Oncle Sam
Sur le vif - Mercredi 11.05.22 - 16.20hJ'ai toujours été frappé par la proximité de nos soixante-huitards avec les Etats-Unis d'Amérique. Nombre d'entre eux, ayant pris ventre et double menton, sont allègrement passés du statut de libertaires à celui d'ultra-libéraux.Je dis bien "ultra" : je ne parle pas ici de la grande tradition libérale d'un Benjamin Constant ou d'un Olivier Reverdin (qui fut mon professeur de grec), mais de la petite clique de ceux qui, depuis la chute du Mur, nous pourrissent les nations, refusent toute autorité de l'Etat, tout arbitrage, au profit de la jouissance sans entraves du Capital mondialisé.Les Etats-Unis, on le sait depuis longtemps, ont soutenu et encouragé le mouvement de Mai. Parce qu'ils détestaient de Gaulle, ce géant d'austérité qui dénonçait leur impérialisme, fréquentait les non-alignés, défendait le droit de chaque peuple à prendre en mains son destin, avait eu à Phnom Penh (1er septembre 66) des mots irrévocables. Et puis, de Gaulle, depuis 44, avait un rapport privilégié avec la Russie (il ne disait jamais "URSS"), et les Américains n'en pouvaient plus d'enrager.Aujourd'hui, les soixante-huitards roulent pour les Américains, vomissent la Russie, soutiennent l'expansion de l'OTAN dans les pays les plus orientaux de l'Europe, adulent les gesticulations de l'homme de Kiev, préfèrent le marché mondialisé à la fierté de chaque communauté humaine regroupée dans une nation.Les Maos, les trotskystes du Quartier Latin, sont devenus les commis-voyageurs de l'Oncle Sam. A dix ans, partisan acharné de Charles de Gaulle, je les détestais déjà. 54 ans plus tard, je ne trouve pas de mot pour définir le noirceur de mon sentiment à leur égard.Pascal DécailletLien permanent Catégories : Sur le vif -
Machine à broyer
Commentaire publié dans GHI - Mercredi 11.05.22
Depuis des décennies, mais notamment depuis seize ans (Genève à Chaud), je donne la parole à des jeunes politiciens, tous partis confondus. Innombrables sont ceux d’entre eux qui, depuis le jour de leur première apparition radiophonique ou télévisuelle, ont fait carrière. D’autres préfèrent s’orienter vers d’autres voies, c’est la vie, chacun est libre.
Il ne s’agit pas de faire du jeunisme. La jeunesse, en politique, n’est ni vice ni vertu en soi, elle est juste une étape de la vie. Mais une petite voix, en moi, me dit depuis toujours : « Donne-leur une chance, au tout début ». Ensuite, chacun vit sa vie.
Ce qui est terrible, ça n’est pas d’être jeune, ni d’être vieux. Ni de vieillir. Non, l’horreur de la vie politique, c’est la véritable machine à broyer que constituent les partis. Avec leurs assemblées. Leurs comités. Leur lourdeur structurelle. Leurs rivalités. Leurs clans. Je les vois, les jeunes, au fil des années, blanchir lentement sous le harnais, s’incorporer dans le jeu des ambitions, perdre l’idéal, gagner en roublardise. Je n’aime pas cela. C’est triste. Parce que la vie, ça doit être le maintien en éveil des rêves de sa jeunesse.
Les partis, mais aussi les parlements. C’est triste, un jeune déjà dévasté par les tics de langage législatifs : « Comme vient de l’exprimer mon préopinant », « Vous transmettrez, M. le Président », etc. La politique, ça ne doit pas être ces passages obligés de la convenance ! La politique, ça doit être de la compétence, mais aussi du désir, du panache. Sinon, c’est la mort, par strangulation de l’ennui.
Pascal Décaillet
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Nos chers amis américains
Commentaire publié dans GHI - Mercredi 11.05.22
Il y a des choses qu’aucun citoyen suisse ne peut laisser passer. En voici une, toute récente : une Commission du Congrès américain vient d’insulter gravement notre pays, de s’ingérer avec une arrogante vulgarité dans nos affaires, de se permettre de nous faire la leçon, à la face du monde. Jeudi 5 mai, cette Commission décrivait la Suisse comme « l’un des principaux complices du dictateur Poutine et de ses acolytes ». Le Président de la Confédération, Ignazio Cassis, a immédiatement réagi, rejetant « avec la plus grande fermeté les formulations utilisées ». Non seulement il a bien fait, mais il aurait dû aller beaucoup plus loin : notre tout petit pays, fragile, riche de sa seule cohésion interne, ne peut en aucune manière recevoir un tel soufflet sans rétorquer avec la dernière des véhémences. Surtout lorsque l’insulte vient de la première puissance du monde, impérialiste à souhait depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, moraliste à l’extrême. Le géant qui insulte le tout petit.
Les Américains n’en sont pas à leur coup d’essai. Pendant toute l’affaire des fonds en déshérence, la Suisse s’est laissée mettre sous pression, sans broncher, par tout un petit monde d’avocats d’affaires, de parlementaires en quête de lumière, gravitant autour de New York et de Washington. Le Conseil fédéral de l’époque s’était montré beaucoup trop doux, trop gentil, trop passif. Il passait son temps à courber l’échine, laissait les donneurs de leçons de la Côte Est nous dicter leur version de l’Histoire, les rançons qu’ils espéraient en tirer. Et nos courtois Conseillers fédéraux filaient doux comme des enfants trop sages, pris en faute, rougissant, affrontant le destin sur la pointe des pieds, attendant le coup suivant, espérant que l’orage allait passer. Où était la fierté de la nation suisse ?
Idem, quelques années plus tard, avec l’affaire du secret bancaire. Mise sous pression américaine, d’une violence insoutenable, comme si, en la matière, leur système législatif (on pense notamment à l’Etat du Delaware, dont le Sénateur fut longtemps un certain… Joe Biden) avait des leçons de morale à donner au nôtre. Et là aussi, la Suisse s’est comportée en élève modèle, en un mot elle a capitulé. C’est cela, vous, que vous attendez des autorités de notre pays ? Et la gauche suisse qui, de l’intérieur du pays, relayait ces pressions ! Et la quasi-totalité des médias qui entonnait comme des enfants de chœur le cantique de la docilité ! Fonds en déshérence, secret bancaire : la Suisse a plié devant les Etats-Unis. Alors, pour les sanctions avec la Russie, pourquoi se gêneraient-ils de nous mettre à nouveau une pression d’enfer : les gentils Suisses finissent toujours par céder, non ?
Dans l’affaire ukrainienne, les Etats-Unis, quoi qu’ils disent, sont en guerre. Ils ont même pris le commandement de la Croisade contre la Russie. Notre pays n’a pas à leur obéir. Les relations entre Berne et Moscou regardent bilatéralement la Suisse et la Russie, et nulle autre puissance au monde. Nous sommes un tout petit pays. Mais si nous cédons au principal géant de la planète, alors nous ne serons vraiment plus rien.
Pascal Décaillet
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