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Liberté - Page 1494

  • Suisse-Iran : l’Histoire jugera

    Hier soir, à l’Intercontinental de Genève, le président de la Confédération, Hans-Rudolf Merz, un homme qui incarne beaucoup des valeurs de notre pays (la mesure, la compétence, la force de la raison en politique, la tolérance) a donc rencontré le numéro un iranien, Mahmoud Ahmadinejad, l’homme qui veut détruire Israël et qui nie la Shoah.

    Dans cette rencontre, on a parlé énergie. C’est vrai, quand on est un tout petit pays, faut vivre, comme chantait Mouloudji. Ben oui, faut vivre, faut bien vivre, faut bien aller chercher l’énergie là où elle est. A cela, rien à dire.

    Soucieux de ne pas passer pour un simple commis-voyageur des intérêts économiques, Monsieur Merz précise, dans le communiqué, que la question des droits de l’homme en Iran a été abordée. Peines corporelles, lapidations, exécutions de mineurs. On en prend acte avec intérêt.

    Mais j’ai beau chercher, lire et relire le communiqué, il y a quelque chose qui manque. Rien sur les propos de M. Ahmadinejad concernant la destruction de l’Etat d’Israël. Rien sur la négation de la Shoah. En clair, rien sur le pire du pire, rien sur l’essentiel. En plus clair encore, il y a des choses que le premier des Suisses n’a tout simplement pas osé aborder.

    Vivre, bien sûr, vivre. Tenter de survivre. La Suisse, dans son Histoire, n’a jamais rien fait d’autre. Fallait-il, hier soir, privilégier cette option au détriment de l’honneur ? Monsieur Merz a choisi. L’Histoire jugera.

     

    Pascal Décaillet

  • Tapis persan, tapis pur sang

    Le Matin dimanche - 19.04.09

    Sur la photo Moutinot-Ahmadinejad, lundi à Cointrin, il faudra bien censurer quelque chose. Oui, mais qui ? Oui, mais quoi ?

    Précédons par ordre. Pas question, bien sûr, d’effacer le président iranien. Il est chef d’Etat, doit être accueilli comme tel, c’est du moins ce que répètent à l’envi mes chers confrères pour qui la volonté, clairement affirmée, de détruire l’Etat d’Israël n’apparaît pas comme un motif de bouderie sur la sublime solitude d’un tarmac. Il a nié la Shoah ? Oui, bien sûr, mais il y a le protocole, l’attrait érectile du tapis rouge sang sur l’infini grisâtre du bitume. Tapis persan, peut-être ? Le tapis de Munich, en 1938, était sans doute du même rouge, mais foin de détails. Va pour Ahmadinejad, dont nul ne saurait mettre en cause les qualités de père de famille. Va pour lui, sur la photo.

    Encore moins question, of course, de faire disparaître Laurent Moutinot. Il est là, chez lui, chez nous, daigne s’y coller pour couvrir le numéro un et le numéro deux du Conseil d’Etat genevois, l’un et l’autre candidats à réélection. Il est franchement bien brave, Monsieur Moutinot. Poussée à ce degré d’extase sacrificielle, la collégialité confine à la sainteté. Saint Laurent montera donc à Cointrin comme on monte à l’autel. Pour le chœur des vierges, on voudra bien se référer aux éditos de la presse du jour. Au fait, qu’auraient-ils dit, mes chers confrères, si nous avions eu la visite d’un président israélien prônant l’éradication de la Palestine ?

    Bref, les deux hommes seront sur la photo. Et pourtant, quelque chose devra bien disparaître. Un objet si cher à Laurent Moutinot, mais dont la seule représentation, y compris sur le solex de Monsieur Hulot, devient le degré absolu de l’hérésie : la pipe. D’une obscénité l’autre, notre époque semble avoir choisi. Alors, mort aux pipes. Et vive l’Iran des mollahs.

    Pascal Décaillet

  • La Bande des Quatre

    Tribune de Genève - Jeudi 16.04.09

     

    C’est fait. Avec une fulgurance d’épervier en inavouable désir d’un souriceau, la puissante présidence tétracéphale de la Constituante vient de pulvériser le mur du son. Six mois seulement après l’élection de cette noble assemblée, six misérables mois, elle réalise l’impossible : la nomination de cinq présidents de commissions thématiques. Chapeau. A plume d’aigle, of course.

    Ce qui frappe, depuis le 19 octobre, dans la folle aventure de la Constituante, c’est ce rythme, ce tempo, ce sprint contre le temps, qui confine à la tachycardie. On n’arrive plus à suivre. Shimmy dans la vision. Bonnie and Clyde, quand ils sèment les flics, après leur huitième hold-up. Et qu’ils s’embrassent, haletants, sur le siège avant. Sueur. Bonheur de vivre.

    Et puis, une présidence à quatre, c’est tellement simple : à part qu’il faut le blanc-seing du quatuor in corpore, contresigné en huit exemplaires, pour s’exprimer devant un micro, c’est la vie qui va, furtive et futile.

    Tout va bien, donc. A ce rythme, on devrait avoir, d’ici l’automne, les premiers débats, d’ici l’hiver les premiers ébats, d’ici un an l’ébauche de l’esquisse d’un premier texte. Evidemment provisoire. Peut-être un préambule ? Une forme de préliminaire ? Pour mieux caresser la folle impatience du désir qui gonfle en nous. Nous, pauvres rampants. Qui contemplons, de la misère de notre tarmac, le vol oraculaire de l’épervier.

     

    Pascal Décaillet