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Liberté - Page 1334

  • Droite élargie

     

    Sur le vif - Vendredi 28.01.11 - 19.32h

     

    La Suisse de 2011 est un pays conservateur. Cela n’a pas toujours été le cas, cela peut changer, mais la photographie des intentions de vote que vient de réaliser, pour la SSR, l’institut de recherche gfs.bern, entre le 10 et le 22 janvier derniers, révèle un véritable coup de barre à droite, une UDC à 29,8%, un PLR à 17,7, un parti socialiste en chute libre (18%), et un PDC décevant à 12,9. Les Verts stagneraient à 8,8%.

     

    Prudence ? Oui, bien sûr. Mais tendance, tout de même. La Suisse à trois tiers (UDC, PLR-PDC, gauche) se confirme. La droite, ou plutôt l’ensemble des droites, qu’elles soient d’inspiration libérale ou protectionniste, rurale ou citadine, de la plaine ou de la montagne, écrase comme jamais une gauche en déroute. Si ces chiffres se vérifient le 23 octobre, la somme des socialistes et des Verts nous amène à 28,8%, soit moins que le score de la seule UDC. Plus de deux tiers des Suisses à droite, c’est du jamais vu en comparaison des pays qui nous entourent, France, Allemagne, Grande-Bretagne.

     

    Il faut prendre la mesure de ce qui est : la Suisse de 2011 est un pays conservateur. Peut-être ne le sera-t-elle plus en 2015, ni en 2019, mais enfin captons les réalités là où elles sont. Et considérons, une fois encore, l’incroyable fossé entre les signaux du corps électoral et l’écrasante majorité des éditorialistes de ce pays. C’est valable en Suisse alémanique. Ca l’est, tout autant, en Suisse romande, où l’avènement d’un véritable vecteur de la pensée conservatrice, quelque part sur des ondes, sur du papier ou sur un site multimédia, devient une nécessité pressante.

     

    Il importera, aussi, que les délégations parlementaires à Berne, notamment au Conseil des Etats, soient, un peu plus qu’aujourd’hui, le reflet des vrais rapports de forces politiques dans les différents cantons. A cet égard, la volonté d’un Christian Lüscher, à Genève, de partir à l’assaut du duo de gauche à la Chambre des cantons constituera un test de la capacité de la droite à partir unie, plutôt que de confirmer sa singulière vocation de machine à perdre. En clair, l’Entente genevoise, dont Lüscher est membre, n’étant pas majoritaire, il faudra bien s’ouvrir à droite, et cesser de considérer l’électorat UDC comme une bande de gueux. L’avocat libéral appelle cela « droite élargie ». On pourrait traduire par « droite intelligente », ou « droite non-suicidaire ». Ou, tout simplement, par « droite ». La gauche, quant à elle, n’a jamais d’états d’âme lorsqu’il s’agit d’étendre des alliances pour aller à la bataille.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Fugace géométrie d'un cauchemar

     

    Sur le vif - Mercredi 26.01.11 - 15.51h


    Les nuits de janvier ne sont pas toujours très faciles. Il arrive qu’on y fasse d’étranges rêves. La nuit dernière, je me suis retrouvé au milieu de dizaines d’hommes cagoulés. Mes yeux ne voyaient pas, je ne pouvais parler, les compas, les équerres, de puissantes et blafardes Lumières aveuglaient la scène. J’ai pris peur. J’ai pensé cryptes, hypnoses, caves humides, cales sèches. Dieu merci, je me suis réveillé. Il n’y avait, autour de moi, que des livres. Et cette immense abside, sans rien en elle qui éveille ni désir ni salut, ça n’était que Palexpo.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le Conseil national n’est pas une garderie

     

    Sur le vif - Mardi 25.01.11 - 11.23h


    Jean-Charles Rielle : à titre privé, le meilleur des hommes. Sympathique, chaleureux, charmeur. Dans ses combats sectoriels, notamment contre le tabac, un croisé efficace. Comme conseiller municipal, naguère, de la Ville de Genève, du bon boulot aussi. Hélas, comme conseiller national, au terme presque d’une législature, il n’a guère convaincu. Comme une bonne partie des nouveaux venus de 2007 de la délégation genevoise, il a donné l’impression que Berne, la vie fédérale, la dimension suisse (et non seulement genevoise) des problèmes lui étaient un peu étrangers. Un Christian Lüscher, tout au contraire, sort plus ferme et plus crédible de cette première législature, il va s’avérer un candidat sérieux pour ravir à la gauche l’un des deux sièges des Etats.

     

    Interrogé sur ce thème par ma consœur Sandra Moro, dans le Temps de ce matin, Jean-Charles Rielle décoche une réponse hallucinante : « Une première législature permet avant tout de faire ses classes, cela prend du temps de connaître à fond les dossiers et de s’imposer dans son groupe ».

     

    Non, Monsieur Rielle. Non, non et non.

     

    Le Conseil national n’est ni une école maternelle, ni un atelier d’apprentissage. Il est un organe majeur de la Confédération, celui qui en prépare les lois. Il n’est pas question d’y envoyer des débutants, comme on enverrait ses enfants en Suisse alémanique, pour parfaire leur pratique de la langue de Brecht et de Kafka (ne je dis jamais « celle de Goethe », il y a tant d’autres auteurs immenses). Il est hors de question de considérer la première législature, donc quatre années complètes sous la Coupole, comme une sorte d’école préparatoire. Le revendiquer confine à l’amateurisme. J’ai vu arriver Christophe Darbellay, fin 2003, au Conseil national. Le premier soir, il maîtrisait déjà tous ses dossiers, le second il exigeait que son groupe l’écoute. Le mercredi de la deuxième semaine (jour de la chute de Ruth Metzler et de l’élection de Christoph Blocher), il était, entre chaque tour de vote, celui vers lequel convergeaient naturellement les élus de son parti, pour se concerter.

     

    Qu’avait fait Christophe Darbellay, auparavant ? Il avait été le numéro deux, à 29 ans, de l’Office fédéral de l’Agriculture, avait défié son propre camp dans une épopée mémorable en Valais, avait pris des risques considérables, posé la politique en termes de destin et de métier. Je sens moins ces choses-là chez d’autres.

     

    Il y a des politiciens qui ont une très forte équation locale, ce qui est d’ailleurs louable et nécessaire. Mais qui ne donnent pas leur pleine mesure dans la vie fédérale, plus complexe. Il faut connaître l’allemand, lire la presse alémanique, et aussi tessinoise, prendre la dimension de la complexité multiculturelle du pays. Et ses preuves, il faut les faire tout de suite. Donc, accepter de se faire des ennemis, à commencer par son propre camp. A trop vouloir jouer la gentille transversalité, ou considérer la Chambre du peuple comme un club de foot, ou de copains, accomplit-on vraiment ce pour quoi les gens vous ont élu ?

     

    Pascal Décaillet

     

    *** PS à 14.15h: nous venons d'apprendre, à l'instant, que Jean-Charles Rielle renonçait à sa candidature pour un deuxième mandat au National. Hommage à lui pour cette courageuse décision, et bon vent pour sa carrière municipale!