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Liberté - Page 1330

  • France 2012 : la gauche a ses chances

     

    Samedi 16.04.11 - 09.27h

     

    C’était un printemps déraisonnable, je l’ai passionnément aimé, un authentique Temps des cerises, on nous disait que la vie allait changer, c’était évidemment faux, au fond nous le savions, nous avions juste envie de l’entendre. Passionné de politique française depuis décembre 1965, j’ai profondément souhaité l’élection de François Mitterrand le 10 mai 1981. Et pourtant, je n’étais pas socialiste. Et lui, l’était-il ? Je me suis même laissé avoir une deuxième fois, en mai 1988, mais là j’ai vraiment eu tort, tant ce second septennat fut sulfureux, malsain. Celui des affaires, dans tous les sens du terme. Je reviendrai sur tout cela en vous présentant le livre de Moati, que je suis en train de terminer (« 30 ans après », Seuil, mars 2011).

     

    Il n’était pas imaginable, en ce printemps 1981, de reconduire Giscard pour sept ans. Non que l’homme fût médiocre – il était tout le contraire – mais le fluide, depuis longtemps, ne passait plus. Et puis, la droite était au pouvoir depuis trop longtemps : 1958, si on se réfère au retour de de Gaulle, à vrai dire 1956 pour l’Assemblée. Il me semblait totalement légitime que la gauche ait sa chance. Et figurez-vous, oui, que cette option, dans mon esprit, commence doucement à mûrir pour le printemps 2012 : Sarkozy a ruiné, dévasté son propre champ politique. Marine Le Pen, je n’en veux pas. Je n’exclus donc pas de souhaiter un président – ou une présidente – de gauche pour 2012-2017. Qui pourraient bien n’être ni Martine Aubry, ni l’homme du FMI. J’y reviendrai. Nous avons le temps.

     

    Aussi surréaliste que cela puisse paraître, l’élection au suffrage universel du chef de l’Etat français ne se joue pas sur la « compétence ». Si c’était là le seul critère, Mendès ou Rocard l’auraient, de loin, emporté sur Mitterrand, Jospin sur Chirac, Giscard II sur Mitterrand, etc. Non, cette onction multipliée par des millions d’âmes, surgie des profondeurs telluriques du pays, nous joue d’autres enjeux. De Gaulle, en proposant la réforme électorale de 1962, largement acceptée par le peuple, le savait parfaitement. Il voyait aussi le profit immédiat que son incomparable stature ne manquerait pas, trois ans plus tard (décembre 1965), d’en tirer.

     

    Le suffrage universel, c’est le rendez-vous d’un homme – ou, souhaitons le vivement un jour, d’une femme - avec le peuple. Oui, avouons-le, cela va puiser dans des racines qui précèdent la Révolution française, mais avec lesquelles, justement, la République a été bien inspirée de se réconcilier, il y a cinquante ans, tant le régime parlementaire (la Quatrième, notamment) était devenu une machine à perdre. Plus que le choix d’une « compétence » (laissons cela aux ministres, aux grands commis), c’est l’octroi d’une confiance. Une sorte de Sacre de Reims, mais venu de tout en bas, fragmenté, atomisé en millions de parcelles de lumière et d’espoir. Au final, une somme. Non au sens de la Scholastique, mais juste une arithmétique : la moitié de l’électorat, plus un. Ajoutons, pour ceux qu’effrayerait la « dérive monarchiste » de 1962, que cette confiance est donnée pour un temps limité : aujourd’hui, cinq ans. Et ce peuple, si volage, est si vite déçu !

     

    Oui, la gauche française a ses chances. Pas la gauche des 35 heures. Encore moins celle de la « compétence monétaire internationale ». Non. Une autre gauche. Qui ressemblerait à la France profonde. Laquelle n’est ni urbaine, ni exclusivement parisienne, ni surtout révolutionnaire. Elle aspire, simplement, à vivre, dans des conditions décentes, avec, pour sa jeunesse, de l’ouverture et de l’espoir. Et, dans la parole présidentielle, un peu plus de classe, d’allure, de dignité que le sonore tétrasyllabe « Cass’toi, pauv’con ! ».

     

    Un homme, à part de Gaulle, a incomparablement habité la dignité de la fonction présidentielle. Il avait l’immobilité du sphinx, la majesté du souverain. Il n’avait jamais d’argent sur lui. Mais un livre, oui, toujours. Il s’appelait François Mitterrand. Trente ans après, la subtile qualité de sa présence me manque.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Dr Sigmund et les Pyramides

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    Sur le vif - Vendredi 15.04.11 - 08.45h

     

    Succulent lapsus, résiné comme pomme d’arolle rôtie sur l’adret doré de nos pentes, de mon confrère Simon Matthey-Doret, tout à l’heure à la RSR. Recevant la présidente popiste de l’AVIVO Christiane Jaquet-Berger, dans un entretien sur la démographie, il lui parle de la « pyramide des ânes » !

     

    Trop beau. Trop Viennois. Plus doux que vin de palme. Plus éblouissant que le port d’Alexandrie. Plus révélateur que Champollion. À quoi, mais à quoi donc l’inconscient de cet excellent journaliste SSR voulait-il faire allusion ? Hmmm ?

     

    Pascal Décaillet

     

  • Culture à Genève : les reliefs d’ortolans

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    Sur le vif - Jeudi 14.04.11 - 16.41h

     

    Présider aux destinées de la Culture en Ville de Genève est une tâche passionnante, donc enviable : il est normal que les impétrants s’y pressent, preuve qu’il y a un enjeu, des défis, un champ d’action qui reste à semer. Trois candidats, au moins, s’y intéressent vivement : Sami Kanaan, Pierre Maudet, Florence Kraft-Babel. Auxquels on n’omettra pas d’ajouter Soli Pardo. Comme nous l’avons déjà signalé, des tractations se sont déjà déroulées, en coulisses, sur le partage du gâteau, ce qui n’a rien de scélérat, se fait depuis toujours, sur le mode de Perrette et du pot au lait, voire de l’Ours et des deux Compagnons.

     

    Que les personnes citées aient les capacités de gérer un tel Département, je le tiens pour acquis. Nous sommes dans des masses budgétaires fort lourdes (près d’un quart des finances de la Ville), des mouvements lents, où nulle réforme ne peut se décider à la hussarde, tant sont  poisseuses les pesanteurs des résistances, puissants les antagonismes des clans, tenaces les haines, les rancœurs. Parce qu’il engage - Dieu merci - autre chose que la simple gestion, quelque chose d’infiniment plus puissant, le champ culturel se trouve ensemencé des essences parfois les plus mortifères. Ce matin, sur France Inter, Frédéric Mitterrand tentait de s’expliquer sur sa querelle avec Olivier Py, prêchant le vrai pour le faux, laissant entendre qu’il allait le nommer en Avignon : l’éternel jeu du Prince et du génie. Sur Seine ou sur Rhône, la noire permanence des rapports de pouvoir demeure.

     

    Depuis vingt ans, la Culture se trouve aux mains des Verts, qui ne semblent plus la revendiquer. On pourrait, a priori, trouver assez normal qu’elle passe chez les socialistes, qui placeront sans doute deux des leurs dimanche, et seraient légitimés à revendiquer les Départements les plus importants. Et Sami Kanaan est sans doute quelqu’un de « cultivé », comme les trois autres d’ailleurs. Mais opérer ce transfert, ce serait passer, violemment, d’un clan à un autre. Du clan des Verts culturels (l’entourage de Patrice Mugny, où Boris Drahusak a joué un rôle capital) à celui des socialistes, dont pas mal, impatients, se pressent autour de Charles Beer, n'attendant que cette occasion pour étendre une main « active et protectrice » sur ce domaine convoité. Ils tiendraient ainsi à la fois la Ville et la part culturelle (aujourd’hui congrue, mais jusqu’à quand ?) du Canton, que Charles Beer rêve d’étendre. Les socialistes, oui, détiendraient du coup TOUS les pouvoirs culturels publics à Genève.

     

    Quels pouvoirs ? Celui de nommer. Celui de placer. Celui de copiner. Celui de favoriser financièrement. Celui d’octroyer une visibilité. Partout, dans tous les ministères du monde, partout où il y a pouvoir, plane la menace d’en abuser. C’est ainsi. C’est humain. Dans ce domaine particulièrement, le jeu des coteries est par nature plus dévastateur qu’ailleurs. Avec un radical, ou une libérale, l’un et l’autre au demeurant porteurs d’idées nouvelles, et de toute façon destinés à se retrouver minoritaires, ce risque d’emprise unique d’un clan se trouve grandement atténué. Encore faut-il, léger détail, que ce radical, ou cette libérale, soit élu dimanche. Et que le nouveau collège, dans son infinie sagesse, veuille bien lui laisser autre chose que les miettes du repas. Ce que La Fontaine, quelque part, appelle les « reliefs d’ortolan ». Cinq syllabes magiques, qui me trottinent dans l’oreille depuis l’aube de mon âge. Comme l’étincelle pestilentielle d’une poubelle, sous les ultimes rayons du couchant.

     

    Pascal Décaillet