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Liberté - Page 1336

  • Chômage : Sami Kanaan veut agir

     

    Sur le vif - Mercredi 19.01.11 - 15.40h

     

    Non, les mauvais chiffres du chômage genevois ne sont pas une fatalité. Oui, il est possible de s’y attaquer. Candidat socialiste à l’exécutif de la Ville de Genève, Sami Kanaan empoigne le problème avec vision et intelligence dans un texte publié aujourd’hui, 13.37h, sur cette même plateforme de blogs de la Tribune de Genève. On lui dira que la question du chômage n’est pas a priori municipale, mais l’argument, face à son texte, et d’un poids tout relatif : il n’est pas interdit à un (aspirant) édile de la Ville de faire preuve d’un peu d’ampleur dans l’appréhension des problèmes.

     

    Que demande Sami Kanaan ? Des mesures d’accompagnement. Une lutte réellement offensive contre le dumping salarial. Un « pacte pour l’emploi », à Genève. « Dans certaines branches, les réseaux de recrutement sont de plus en plus globalisés et ne prennent pas en compte le marché local du travail… ». Ou encore : « Prétendre que le dumping salarial est insignifiant relève de la naïveté ».

     

    Ce qu’attaque le texte de Kanaan, c’est, au niveau cantonal, un certain discours. La langue de bois qui conduit à la sous-estimation de certains problèmes. De certaines frustrations. Et de certaines douleurs. Candidat de gauche, venant d’un parti socialiste municipal ayant beaucoup mieux réussi, en toutes choses, que son équivalent cantonal, il réaffirme la priorité absolue du social. Il se soucie des gens. Il oriente son discours, non sur l’amertume des larmes, mais sur l’impérieuse nécessité de l’action. Il veut croire en la politique. Une telle prose, de quelque bord qu’on vienne, fait plaisir à lire.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Armée : la bombe Maudet

     

    Sur le vif - Lundi 17.01.11 - 16.25h

     

    On savait depuis des années le capitaine Pierre Maudet, accessoirement membre de l’exécutif de la Ville de Genève, farouchement opposé à l’indécise mélasse dans laquelle patauge la vision d’Ueli Maurer, il faudrait dire « la cécité », en matière de politique de sécurité. Eh bien à l’instant, à Berne, Pierre Maudet vient de présenter SON rapport. Et, comme Maudet est aussi modeste que compétent, il l’intitule, tout simplement, « Le vrai rapport ».

     

    Il nous a fait la confiance de nous livrer le document ce week-end, sous embargo jusqu’à aujourd’hui 16h. Franchement dit, pour avoir appartenu, pendant toute l’année 1990, à la « Commission Schoch », qui devait réformer l’armée suite à la votation fédérale du 26 novembre 1989 (plus d’un tiers des Suisses pour sa suppression pure et simple), je dois reconnaître au « rapport Maudet » les vertus d’une immense clarté et d’une vraie vision.

     

    C’est le rapport de la rupture. Rupture avec l’obligation de servir (page 19). Rupture avec des effectifs encore aujourd’hui surabondants (page 19, toujours, préconisation d’une armée de 20.000 hommes, soit quatre fois moins qu’aujourd’hui). C’est, aussi, le rapport de la mise en réseau de l’ensemble des forces s’occupant de sécurité en Suisse. Maudet propose la création d’un Département fédéral de la Sécurité et la mise sur pied (attention fédéralisme !) d’une réserve fédérale de police.

     

    Malicieux, Maudet propose des exergues, où il place un extrait du dernier rapport sur l’armée, soumis à l’Assemblée fédérale le 1er octobre 2010, et, à chaque fois, propose en face ce qu’il aurait fallu dire. Inutile de dire qu’à tous les coups, la version Maudet y gagne en clarté, en concision, en vision. L’homme sait se vendre, à l’instar du jeune Bonaparte, avec ces célèbres « Bulletins de la Grande Armée », dès la campagne d’Italie.

     

    En résumé, un excellent rapport. Qui ne pourra qu’alimenter le débat public. Et qui tranche avec le stratus d’automne qui préside, 365  jours par an, à la vision d’Ueli Maurer.

     

    Pascal Décaillet

     

  • La Suisse se polarise – Et alors ?

     

    Sur le vif - Lundi 17.01.11 - 12.27h

     

    Le mot qui leur fait peur à tous : polarisation. Il faudrait craindre, « pour la richesse de notre débat démocratique », avancent-ils hypocritement, que la Suisse, dans les quinze ou vingt ans qui viennent, devienne un pays comme un autre, l’Allemagne avec son SPD et sa CDU-CSU, la Grande-Bretagne avec ses travaillistes et ses conservateurs, les Etats-Unis avec les démocrates et les républicains. Cette évolution, pleurnichent-ils, serait « totalement contraire à l’esprit suisse ». Elle serait dangereuse, tueuse de notre démocratie.

     

    Contraire à quel esprit ? Dangereuse pour qui ? Liberticide, en quoi ? Ces trois questions, induites par leurs propres menaces, ils n’y répondent jamais. C’est dommage.

     

    La Suisse est-elle, bel et bien, en voie de polarisation ? Franchement, je n’en sais rien, c’est en effet une hypothèse, mais parmi d’autres, nul d’entre nous ne peut prévoir les mouvements de fond de notre politique fédérale, nul ne peut vraiment influer sur ces variations tectoniques, qui sont celles du temps long. L’Histoire, un jour, les constatera.

     

    Notre propos, ici, c’est la polarisation diabolisée. Et à l’inverse, la gentille concordance sanctifiée. De ce qui ne date que de 1959, on voudrait faire un mythe suisse surgi du fond des âges. C’est méconnaître la réalité de notre Histoire, aussi conflictuelle que celle des pays qui nous entourent : Réforme, Guerres de Religion, République helvétique, mouvements républicains, Sonderbund, Kulturkampf, grève générale en novembre 1918, etc. La Suisse n’est pas l’Histoire d’un peuple heureux, juste un peuple comme un autre, au milieu de l’Europe.

     

    La lutte des classes, les souffrances du monde ouvrier, la misère de la paysannerie de montagne, l’exode rural, le rapport à l’immigration, la lente conquête d’un système de protection sociale, tout cela fut aussi difficile que chez nos voisins, avec les mêmes combats, les mêmes aspérités. La Suisse est un pays comme un autre. Tout au plus avons-nous eu la chance d’échapper aux deux conflits mondiaux du vingtième siècle. Il serait assez singulier de s’en plaindre. Nous eûmes celle, aussi, non négligeable, de ne pas avoir à solder des colonies.

     

    Ce qu’on appelle « concordance » n’a rien d’ontologique, rien de consubstantiel à une quelconque « nature profonde des Suisses ». C’est le résultat d’enchaînements historiques : dès 1891, le premier catholique-conservateur entre au Conseil fédéral, mettant fin à la suprématie radicale ; dès 1943, le premier socialiste ; dès 1959, deux socialistes. N’allez surtout pas croire que les radicaux de 1891 se félicitaient de l’arrivée de Josef Zemp, ni les bourgeois de 1943 de celle d’Ernest Nobs. Ce sont les dents serrés qu’ils ont bien dû accepter ces nouveaux venus.

     

    A chaque fois, ce sont les rapports de force, comme toujours en politique, qui furent déterminants. A chaque fois, c’est à la force du poignet, et contre le gré de l’establishment, que l’opposition se taille une place dans le collège gouvernemental. Donc, cette « concordance », tant sanctifiée, n’est en réalité qu’une coexistence par défaut. Comme des gens forcés d’accepter des colocataires dans leur appartement. Ca n’est sans doute pas un mauvais système, en tout cas il permit de gérer fort correctement le pays pendant les paisibles et opulentes Glorieuses d’après-guerre. Mais c’est une résultante mécanique, rien d’autre. Cette mécanique, oui, si chère à Thucydide, Marx ou Tocqueville.

     

    Il n’est donc pas si certain que l’actuelle tambouille politique permettant à des partis totalement antagonistes de coexister dans un même collège, relève si puissamment du vœu du peuple suisse. On pourrait même gager qu’elle doit beaucoup à une confiscation du pouvoir par les corps intermédiaires. Ceux-là même qui hurlent au loup, au nom quasiment du visage sacré du pays, quand on évoque l’hypothèse, un jour, peut-être, d’ici quelques années, de l’émergence de deux grands blocs, la fameuse « polarisation ».

     

    Ils craignent quoi, en vérité ? La perte de leur pouvoir, pardi ! Cela, et strictement rien d’autre, tout le reste n’étant que paravent. Oui, le savant tissage de ces empires du Centre, ceux qui se retrouvent toujours là, quelles que soient les majorités, riches de leur seule tiédeur, n’ayant d’extrême que le flair animal de leur opportunisme. Ceux-là, oui, ont à craindre de la polarisation. Mais ça n’est pas le bien contre le mal, comme ils tentent de le faire croire. C’est juste un pouvoir contre un autre.

     

    Pascal Décaillet