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Liberté - Page 1338

  • Libéraux genevois : un parfum nommé « Venin »…

     

    Sur le vif - Samedi 15.01.11 - 19.11h

     

    A Genève, c’est connu, les libéraux s’aiment entre eux. Torride. Limite charnel. D’ailleurs, « amour », ça se dit « love », et justement, ils se lovent tellement ils s’aiment. Comme des vipères au fond d’un panier. Vous pouvez relire tout Mauriac, Thérèse, le Sagouin, tout Racine aussi, tout Bazin et toutes ses histoires de Folcoches, vous n’aurez jamais le dixième des fureurs intestines, chez les libéraux.

     

    Je sais, Frère lecteur, ce que tu penses. Tu te dis que, si j’avance ça, comme ça, un samedi en fin d’après-midi, un de ces jours où l’hiver ressemble à l’été, la trahison à la fidélité, la Tunisie à une démocratie, c’est que j’ai bien quelques miettes de biscuit. Un petit exemple. Ca tombe bien : j’ai.

     

    Mercredi dernier, 12 janvier, 11.11h, un député libéral saisit la Commission des finances de trois questions délicieusement assassines sur le fait d’avoir équipé la Police genevoise de téléphones portables iPhone. On sait à quel point le principe des « questions », en technique parlementaire, permet de tenir la dague en se drapant dans l’apparence de la candeur. D’autant que le texte du député rappelle à quel point ces téléphones ne sont pas fiables pour une police.

     

    Ce qui est amusant, c’est que les conseillers d’Etat concernés sont Mark Muller pour l’approvisionnement, mais aussi Isabel Rochat, comme ministre de tutelle de la Police, l’un et l’autre libéraux. Honneur, donc, à ce député pour sa très grande distance face à son propre parti.

     

    Ca n’est pas tout. Le surlendemain, jeudi 13 janvier, 14.09h, le président du Grand Conseil, qui se trouve être libéral, rend public un communiqué où il s’exprime son mécontentement face au rôle du Conseil d’Etat dans la rédaction de la brochure explicative sur l’amnistie fiscale (votation cantonale du 13 février 2011). Il se trouve, bien sûr par hasard, que l’homme visé, président du Conseil d’Etat, s’appelle Mark Muller. Et qu’il est libéral.

     

    Ce même jeudi 13 janvier, 21.16h, mon estimé confrère Marc Moulin nous annonce en ligne, sur le site de la Tribune de Genève, que l’ancien député libéral Jean-Michel Gros prépare un recours auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice au sujet de cette brochure. On y apprend aussi que le député Olivier Jornot, auteur du projet d’amnistie, et accessoirement libéral, juge « déloyal » le comportement du Conseil d’Etat dans cette affaire de brochure.

     

    Petits meurtres entre amis ? Oui. Chez ces gens-là, on a la lame intestine, l’esprit de famille, le meurtre rituel, l’extase silencieuse. Ce qui serait vraiment fou, c’est que le député libéral ayant posé la question sur les iPhone et le président du Grand Conseil ne soient qu’une même personne. Ce qui tournerait au délire théâtral, c’est que cette seule et unique personne soit, par hasard, régulier compagnon et commensal de Jean-Michel Gros. Par exemple, en début de semaine. Au royaume des vipères, le venin est roi. Au royaume des couleuvres, on avale. Dans l’empire des signes, on ouvre grands les yeux. On retient son souffle. Et on admire.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

  • Pierre Maudet à la Culture ?

     

    Sur le vif - Jeudi 13.01.11 - 12.14h

     

    Pierre Maudet ne s’en cache même plus : il reprendrait très volontiers, en cas de réélection ce printemps, le Département municipal de la Culture, en Ville de Genève, depuis vingt ans aux mains des Verts (Alain Vaissade, puis Patrice Mugny). Un défi, à coup sûr, à la mesure de son envergure, sa vision, sa capacité réformatrice, sa puissance de travail. « Vingt ans après », c’est le titre d’un roman, au reste superbe, c’est aussi le signal de l’alternance nécessaire.

     

    Car il y en aura du boulot, avec ou sans Maudet, quel que soit le repreneur. Oh, bien sûr, si on se contente de la propagande émanant de l’entourage du magistrat sortant, on se laisse, sans broncher, enfiler dans les neurones l’image d’un monde « parfaitement géré » (sic !), où tout ne serait qu’ordre et beauté, cosmos, Nirvana, tous beaux, tous gentils, pas un traître sou jeté par le moindre soupirail. Au Musée d’Art et d’Histoire, au Grand Théâtre, entente parfaite, cœurs purs. Galaxie des nimbes. Archanges et séraphins, main dans la main. Nus, avec juste l’épée comme cache-sexe.

     

    Il se peut que la réalité soit un peu moins idyllique. Il se peut que l’ambiance, notamment dans les deux établissements cités plus haut, ait parfois davantage enrichi les pharmas productrices de Prozacs et autres antidépresseurs que le débat artistique. Quant à l’aspect financier, le Département de la Culture est doté d’un tel pactole, chaque année, qu’il confère à ses gestionnaires et apparatchiks un pouvoir sans précédent pour nommer, révoquer, copiner, distribuer postes et prébendes, développer un réseau de clientélisme sans pareil. Pour cette raison aussi, l’alternance est souhaitable.

     

    Le repreneur, quel qu’il soit, aura un droit, et même un devoir, d’inventaire. Attention ou ouvrant les placards ! Chaque poste, en haut lieu, est-il vraiment justifié par l’intérêt public ? De rafraîchissantes découvertes ne sont pas à exclure. La vie est peine d’enseignements. Sachons les cueillir, l’âme vierge et frémissante, comme la rosée du matin.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

     

  • Patrice Mugny : coq ou chapon ?

     

    Commentaire publié dans le Nouvelliste - Mercredi 12.01.11



    Hier matin, sur la RSR, Patrice Mugny, membre de l’exécutif de la Ville de Genève et bientôt préretraité dans la douceur nimbée d’un Larzac valaisan, regrettait que les débats audiovisuels tournent aux combats de coqs. Il a peut-être raison, M. Mugny. Mais moi, je dis qu’il ne manque pas de culot. Voici pourquoi.

    Avant d’accéder au gouvernement de la Ville de Genève, au printemps 2003, Patrice Mugny était conseiller national, et même co-président des Verts suisses.  Eh bien croyez-moi, pour avoir animé des dizaines de débats en direct du Palais fédéral en ces années-là, il était le plus coq de tous les coqs de combat. Pure race, type mexicain, ergot acéré comme une lame de rasoir, bec pugnace, ongles tétanisés d’extase. Antagoniste remarquable, l’un des meilleurs. Joueur, acteur, verbe efficace, puissant, sachant se laisser emporter par la colère, ou peut-être la feindre. Bref, un bretteur de la première espèce, une sorte de Cadet de Gascogne de type sanguin, ne demandant qu’à en découdre. Un homme comme je les aime.

    Il était l’anti-pisse-froid, Mugny. Je me souviens, entre autres, d’un débat homérique entre Claude Frey et lui, le jour où les Américains attaquaient l’Irak. Et puis là, voilà qu’aujourd’hui, après huit ans de pouvoir où il a géré les affectations des dizaines de millions dévolus chaque année à la culture genevoise, Monsieur le Notable, comme dans la chanson de Brel, s’est embourgeoisé. Et voilà l’ancien rédacteur en chef du Courrier, journaliste naguère frontal, militant, revêche, bouillonnant, qui se met à regretter « l’irrévérence » de la presse d’aujourd’hui. Ah, les braves gens ! Ah, le singulier virage ! Ah, la somptueuse victoire de Monsieur Homais, l’apothicaire, qui soupèse ses fioles fragiles, sur la fougue militante d’antan !

    Ils sont tous comme ça, les gens de pouvoir. Dans l’opposition, raides, fiers, conquérants. Une fois aux affaires, ils demandent des formes. N’aiment pas qu’on fouine, qu’on les dérange. Ils sont tous comme cela, de gauche comme de droite, de Brigue ou de Camargue. Je ne me rappelle plus comment s’appelle cette opération, qu’on dit douloureuse, par laquelle le coq se transforme en chapon. Vers une vie plus douillette. Au royaume, si doux, des ergots apaisés.

    Pascal Décaillet