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Liberté - Page 1341

  • « L’Entente » : concerto pour la main gauche

     

    Vendredi 18.03.11 - 15.15h

     

    Très intéressant, dans le débat d’hier soir, le choix des mots : François Gillet ne cesse de parler de « l’Entente ». Face à lui, Cyril Aellen ne parle que de « la droite ». L’un se cramponne à un discours cartellaire. L’autre se réfère à une philosophie politique. Riche de plus de deux siècles d’Histoire, née quelque part entre Gironde et Montagne, avec ou sans les Jacobins, l’un des piliers de l’identité républicaine.

     

    Par l’agencement même de ses syllabes, la grisâtre redondance d’une diphtongue (que les Vaudois des vignes ont au moins le goût de colorer, « Intinte »), le mot « entente » est d’une désespérante laideur. Rien de musical dans un vocable qui justement, hélas, se réfère au monde du son. Juste la triple récurrence d’un « e », deux fois avalé en nasale, finalement muet.

     

    Et puis, il y a évidemment le sens : ça rime à quoi, « s’entendre » ? Il y a un film de Kazan, éblouissant, qui s’appelle « L’Arrangement ». Il y a Faye Dunaway, Kirk Douglas, il y a les mensonges et les vérités d’une vie, et le parti qu’on a bien voulu en prendre. Ce qu’on retient, ça n’est pas la nature de leur pacte, c’est le sublime de deux visages, auxquels s’ajoute celui de Deborah Kerr.

     

    L’Entente, c’est cela, historiquement, à Genève comme un peu partout en Suisse romande : au cours des années trente, entre anciens ennemis du Sonderbund, mais aussi entre la droite patricienne et celle du cassoulet (issue, à Genève, de la magnifique révolution fazyste de Saint Gervais), on a, pour de purs motifs électoraux, cherché à « s’entendre ». Contre le communisme, par exemple. Mais aussi contre la peste brune, la vraie, celle qui venait d’Allemagne, et que certains ultras, en Suisse, relayaient.

     

    On s’est ligué contre des extrêmes. Et cette puissante coagulation du raisonnable (Vernunft) a connu de très belles heures dans les décennies prospères de l’après-guerre. Nul ne s’en plaindra. C’est une page de l’Histoire de notre pays dont il n’y a pas lieu de rougir. Et de très grands hommes d’Etat en ont surgi, de Kurt Furgler à Jean-Pascal Delamuraz, tandis que les socialistes, dans l’autre camp, donnaient au pays un homme comme Tschudi, sans doute le plus grand conseiller fédéral de l’après-guerre.

     

    Oui, pendant des décennies, on a prétendu « s’entendre ». On ne se parlait pas vraiment, mais on avançait l’argument de l’oreille, du message qui passe, sans d’ailleurs en préciser la nature. En clair, voilà déjà très longtemps que la plupart des Ententes sont des coquilles vides, des étiquettes sur du néant, tout au plus l’alibi pour se tailler, vite fait, et sans trop s’appesantir sur la cohérence idéologique, une majorité, un dimanche de vote. Et ce bric-à-brac, pendant les années de prospérité, a tenu.

     

    Aujourd’hui, le montage est vermoulu. L’écroulement, programmé. Parce que d’autres lames de fond, puissantes, sont arrivées, qu’on n’a pas voulu voir, qu’on a cachées sous le tapis, ou reléguées dans le caniveau. Sur l’ensemble de la Suisse, l’UDC blocherienne, plus de vingt ans de montée en force. À Genève, le MCG, qui s’enracine dans les communes et pulvérise les donnes politiques traditionnelles. Dans les salons, dans les cocktails, on pense régler le problème par le seul dédain incantatoire du mot « populisme ». On se dit que le cauchemar va passer, qu’un jour tout rentrera dans l’ordre ? Quel ordre ? Notre ordre à nous, celui de « l’Entente ».

     

    En s’accrochant au vocable, François Gillet défend le cartel. Il brandit l’étiquette, même si le vin est bouchonné. Il s’accroche à la machine, sans se préoccuper de ce qu’elle doit fabriquer. Face à lui, Cyril Aellen, l’homme qui restera pour avoir osé un réglage du curseur, avance une philosophie politique. La droite. Et il doit bien se dire, au fond de lui, que pour représenter « la droite », l’étiquette « Entente » apparaît de plus en plus comme archaïque. La machine est devenue une machine à perdre. Une gauche n’obtenant que 39 élus dans un Parlement municipal de 80 va sans doute, pour quatre nouvelles années, régenter l’exécutif avec quatre ministres sur cinq.

     

    Tout cela, à cause du malentendu de l’Entente. Une histoire de son devenu muet, de petite musique truffée de fausses notes. L’Entente, un concerto où finalement seule triomphera la main gauche. Le beau, le rare gâchis. Merci Messieurs.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

  • Les radicaux enclenchent la machine à perdre

     

    Sur le vif - Jeudi 17.03.11 - 17.34h

     

    Marc Moulin nous l’annonce : le président des radicaux genevois, Patrick Malek-Ashgar, prétend mettre un terme à la guerre entre libéraux et PDC, autour d’une alliance avec l’UDC : « Il ne peut y avoir élargissement de l’alliance que si les trois partis de l’Entente sont d’accord ». Donc, on ne change rien, on ne touche à rien, on fait juste comme on a toujours fait. Entre notables.

     

    Cela signifie la machine à perdre. L’élection, totalement assurée, de quatre personnes de gauche le dimanche 17 avril. Tout cela, pour avoir la certitude de faire passer Pierre Maudet. Sans risques. Sans encombre. Sans la moindre audace évolutive dans la recomposition d’une droite suisse qui doit absolument être lue au-delà de la Versoix. Et même de la Sarine. Lit-il seulement la NZZ, M. Malek-Ashgar ? Le Tages Anzeiger ? La Weltwoche ?

     

    Ce pari sur l’avenir, le libéral Cyril Aellen avait eu le courage de le poser sur la table. Sauf évolution d’ici lundi midi (dépôt des listes), la machine à perdre sera irréversible. Et la gauche municipale genevoise peut se féliciter d’avoir encore de très beaux jours devant elle.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Boris Drahusak méritait d’être connu

     

    Jeudi 17.03.11 - 16.46h

     

    Les rigueurs de la vie politique ont éliminé Boris Drahusak de la course à l’élection. Pour l’avoir fréquenté à de nombreuses reprises dans des débats radio ou TV, j’ai appris à connaître un homme soucieux du bien public. Des enjeux urbains, il a une idée très précise, toujours documentée. Une compétence, c’est sûr.

     

    Ce qui a pu faire la différence en sa défaveur tient justement, par paradoxe, à ses qualités : l’extrême précision de son discours aboutit trop souvent à un langage de type technocrate. On ne parle pas au grand public comme dans une soutenance de thèse à Paris III.

     

    Combien de grands commis en ont-ils fait les frais ? Ministre de l’Agriculture, Michel Rocard, pourtant l’une des plus solides compétences de France, plongeait ses auditoires dans de profonds sommeils, avec d’interminables discours sur les quotas laitiers. Pendant ce temps, François Mitterrand nous enchantait d’un verbe toujours simple, « sans rien en lui qui pèse ou qui pose ». Il était l’homme du suffrage universel, Rocard, celui des conférences et des cabinets.

     

    Grand commis ou ministre, ce sont deux discours, deux postures rhétoriques radicalement différentes. Certains secrétaires généraux se prennent pour des élus du peuple. Certains ministres peinent à sortir de leur peau de chef d’état-major d’une administration.

     

    Boris Drahusak a eu le courage de se lancer. Je lui souhaite sincèrement de continuer à faire profiter Genève de son expérience.

     

    Pascal Décaillet