Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Liberté - Page 1342

  • La vieille dame, la loi, l’appartement vide

    Noella02.jpg

     

    Sur le vif - Dimanche 26.12.10 - 17.51h

     

    Virée par son propriétaire, Noëlla Rouget a moins de trois semaines pour quitter l’appartement qu’elle occupe depuis 52 ans. Le 15 janvier 2011, il faudra que les locaux soient vidés, et Noëlla Rouget dehors.

     

    Noëlla Rouget est une dame très âgée, et pas tout à fait comme les autres. La police, elle connaît. La Gestapo, le 23 juin 1943, l’arrête à Angers, pour actes de résistance, avant de l’envoyer, via Compiègne, à Ravensbrück. Elle y restera plus de 14 mois, n’en sortira que le 4 avril 1945, pesant 32 kilos et souffrant de tumeurs tuberculeuses. Grand Officier de l’Ordre National du Mérite, cette dame d’exception multiplie les rencontres avec les jeunes, pour que l’oubli ne l’emporte pas. J’ai moi-même eu le très grand honneur de la recevoir, le 18 février 2010, sur le plateau de « Genève à chaud », en compagnie de Danielle Mitterrand.

     

    Alors voilà. Sans doute le propriétaire a-t-il ses raisons. Sans doute la loi est-elle avec lui. Je vous laisse simplement avec l’image d'une Noëlla Rouget tournant le dos, d’ici mi-janvier, à plus d’un demi-siècle de sa vie. Je vous laisse en conclure ce que vous voudrez. Moi, je n’en ai simplement pas la force.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Il y a moins d'une heure, les anges sont passés

     

    Sur le vif - Vendredi 24.12.10 - 19.02h

     

    La vie était encore là, banale comme une nuit de décembre, humide, insalubre. Tous, nous nous préparions à ce moment d’intimité qui s’appelle le Réveillon. C’était il y a une cinquantaine de minutes. Tous, en accomplissant les mêmes gestes, année après année, nous allons vers Noël, avec l’éternité de nos incertitudes.

     

    Et puis, soudain, il y a eu la voix de Brigitte Hool.

     

    En direct du studio de Sion, cette magnifique soprano était l’invitée de la RSR. Elle a dit quelques mots, répondu à deux ou trois questions. Et puis, très simplement, a capella, elle a chanté.

     

    Elle a chanté quoi ? La plus simple des chansons. La seule qu’osent fredonner, à minuit, ceux qui ne chantent jamais : « Les Anges, dans nos campagnes ». Et pendant une petite minute, il n’y eut plus que sa voix, sa voix seule, sa voix simple et sublime.

     

    Et quelque chose passa, plus léger que l’enfance. Doux comme l’amorce d’une annonce. Et ce fut tout. Mais ce fut immense.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

  • Pas de juges étrangers

     

    Sur le vif - Dimanche 19.12.10 - 18.40h

     

    Maire de Strasbourg et sénateur français du Bas-Rhin, Roland Ries, 65 ans, qu’on vient d’entendre sur les ondes de la RSR, semble ignorer l’un des principes fondateurs de notre petit pays : pas de juges étrangers. Des accords, des traités, tout cela oui, mais signés par nous, à égalité de dignité avec le partenaire, et non sous la coupe d’une instance supérieure. Nos plus grands diplomates, qu’ils fussent radicaux (Max Petitpierre) ou socialistes, ont toujours appliqué ce principe, constamment rappelé dans la lecture (passionnante) des « Documents diplomatiques suisses ».

     

    Que propose M. Ries ? Constatant que l’exercice des bilatérales est en bout de course (ce qui est loin d’être démontré, et ressemble plutôt à une rengaine en forme de pression sur la tempe de la part de nos chers partenaires de l’UE), l’Alsacien envisage une « instance supérieure et indépendante » chargée de mettre d’accord les deux partenaires (CH et UE) pour aboutir à une nouvelle forme de relations. Ce qu’on peine à saisir, c’est en quoi cette réflexion sur l’évolution des rapports aurait besoin d’une instance arbitrale, alors qu’elle repose, depuis toujours, sur l’une des forces de notre diplomatie : la négociation.

     

    Pire : le maire de Strasbourg reconnaît lui-même l’exercice comme périlleux, l’Union européenne ayant tendance à nommer des commissions qui, sous couvert d’être neutres, sont sous sa coupe. Surtout, l’opinion publique suisse ne comprendrait absolument pas, aujourd’hui et suite aux années de pressions que nos chers voisins et partenaires viennent d’exercer sur nous en matière de fiscalité, que le principe de rapports de force et de confrontations d’intelligences (la négociation) cède la place à une douteuse mise sous tutelle.

     

    La Suisse est un tout petit pays de sept millions d’habitants, l’Union européenne est un géant. Le seul moyen de discuter avec un géant, c’est de rester très sûr de ce qu’on veut, avec une conscience de nos valeurs, de ce que nous voulons maintenir (démocratie directe, fédéralisme). Et en se souvenant que la petite Suisse, tout en se voulant en paix et dans les meilleures relations avec le reste du monde, a survécu, dans sa souveraineté, grâce à la stricte observance d’un principe cardinal : pas de juges étrangers.

     

    Pascal Décaillet