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Liberté - Page 1343

  • Hector en deuil

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    Chronique publiée dans la Tribune de Genève - Lundi 20.12.10

     

    Elle était la Grèce sans la poussière, avait la grâce de celle qui éclaire, non pour éblouir, juste révéler. Qui, au fond, depuis la guerre, nous aura aussi bien parlé de la Grèce antique ? Vernant ? Detienne ? Oui, bien sûr. Et puis elle, cette dame qui nous quittés hier, sans famille, sans enfants, aveugle, à l’âge de 97 ans : Jacqueline de Romilly.

     

    Sur une œuvre aussi immense, que conseiller à nos lecteurs ? Je retiendrai trois livres. Pour ceux qui aiment l’Histoire, sa traduction de la Guerre du Péloponnèse, de Thucydide, l’auteur dont elle aura été l’une des plus grandes spécialistes, dès sa thèse en 1947.

     

    Pour ceux qui ne connaissent rien à la Grèce et voudraient y entrer doucement, il faut absolument découvrir les « Petites leçons sur le grec ancien », chef-d’œuvre d’initiation, de malice, de pédagogie, écrits par une dame de 95 ans (Stock, 2008) pour ceux qui suivent : la Passeuse, dans toute sa splendeur.

     

    Enfin, dans l’océan de ses essais, comment oublier « Hector », publié en 1997 aux Editions de Fallois ? Un livre éblouissant sur le « perdant », le Troyen, le doux qui aimait les chevaux et périra sous le glaive d’Achille. Un récit étonnant, inattendu, sous la plume d’une très grande dame qui, après avoir été interdite d’enseignement par Vichy en raison de ses origines juives, deviendra l’une des lumières de l’intelligence française dans le monde.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • La frontière, ça existe !

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Mercredi 15.12.10

     

    On avait tout fait pour les chasser, et patatras les revoilà : les frontières. Elles ne sont pas mortes, se portent même bien, pourraient bien être appelées à demeurer vivaces dans les années à venir. Les bonnes vieilles frontières, oui, entre les nations. La France, la Suisse, l’Italie, l’Allemagne. Et les nations aussi se portent bien, ces filles de la Révolution française et d’un long travail de cimentation au cours du dix-neuvième siècle, jusqu’au sanglant écueil de 1914.

     

    On a voulu les dissoudre, au nom de conglomérats plus grands, on a tenté de recréer les Empires, on n’a cessé de nous répéter qu’elles n’avaient plus la taille critique, qu’il fallait élargir son regard, embrasser des horizons plus vastes, mondialiser les échanges. Mais elles sont toujours là, les nations d’Europe, et les frontières aussi. Et elles ont avec elles la volonté des peuples. Quand on veut bien se donner la peine de les consulter.

     

    Il existe, au cœur du continent européen, une toute petite nation qui s’appelle la Suisse. Plusieurs langues, plusieurs religions, une culture politique commune. Une démocratie directe unique au monde, que beaucoup nous envient, à commencer par nos amis français, qu’on ne consulte, en dehors des élections, que de façon plébiscitaire, pour confirmer ou révoquer un pouvoir en place. Oui, la petite Suisse est un très beau modèle, fruit de longues batailles internes, notre Histoire est jalonnée de conflits, et c’est précisément cette dialectique qui fonde notre identité.

     

    Au cœur de ce petit pays, un mouvement monte, et son ascension est loin d’être accomplie : il appelle les Suisses, tout en restant ouverts au monde et amis de leurs voisins, à valoriser ce qui fonde leur cohésion interne. Il ne s’agit ni de repli, ni de peur, comme le stigmatisent à peu près neuf éditorialistes sur dix. Il s’agit de prendre conscience de ce que nous sommes, en tant que nation. Il s’agit de l’enseigner mieux et davantage, sans sombrer dans l’exaltation du treizième siècle. C’est un mouvement conservateur, certes. Comme il y eut, à la fin du dix-neuvième, un réflexe conservateur face aux puissances de l’Argent et de l’industrie. Refuser de prendre en compte ce réflexe, hausser les épaules, c’est se voiler la face. Car il est là. Et il y en a pour des années.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Rémy et son nègre

     

    Sur le vif - Mardi 14.12.10 - 16.43h

     

    Selon nos gorges aux abyssales profondeurs, le mystérieux « juriste masqué » qui aurait rédigé la tentative de putsch de Rémy Pagani en forme de « nouveau règlement de la police municipale » pourrait être – ou avoir été – un important Monsieur de la République.

     

    Allez, je vous donne quelques indices : bientôt 70 ans, sale caractère, excellente forme physique, avocat, amis des locataires, ami des vieux.

     

    Certains murmurent même qu’il aurait passé une douzaine d’années au Conseil d’Etat. Entre jadis et naguère.

     

    Mais allez croire ce que racontent les gens !

     

    Pascal Décaillet