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Liberté - Page 1166

  • Gauchebdo doit survivre

     

    Sur le vif - Samedi 26.05.12 - 19.05h

     

    Tous les samedis, dans la boîte aux lettres de mon bureau, à Carouge, je reçois le journal Gauchebdo. Tous ceux qui m'ont un peu lu se douteront bien que je ne partage pas exactement les options politiques de son équipe rédactionnelle ! Et pourtant, semaine après semaine, parcourir les huit pages de cette publication austère, maquette années soixante, noir blanc avec juste quelques pointes de rouge, m'informe, m'enrichit, me surprend, m'offre des commentaires clairs, engagés, courageux. De la vraie presse d'opinion, devenue hélas si rare.

     

    Oui, j'aime lire les éditos de Julien Sansonnens, les articles de Jérôme Béguin, qui est un puits de science et une belle sensibilité, les liens tissés entre les cantons romands, sans compter une dimension culturelle de qualité. Je ne connais pas beaucoup de journaux politiques, en Suisse romande, proposant une telle densité de réflexion. Les feuilles de parti sont hélas, à de rares exceptions près, des tissus de niaiseries et d'obédience. Articles écrits par les hommes politiques eux-mêmes, dont la plume est rarement l'attrait premier, faits et gestes des précités, tous beaux, tous gentils, tous bien lisses sur la photo, papier glacé, catalogue de la Redoute au service du pouvoir, beurk.

     

    Là, c'est autre chose. L'héritier de la Voix Ouvrière, fondée en 1944 par Léon Nicole. Au demeurant bien meilleur, aujourd'hui, en 2012, qu'il n'avait pu l'être naguère, dans les ultimes années de ce premier nom, lorsque l'encre suintait l'apparatchik. Débarrassé du côté Kominterm, nourri de belles intelligences, Gauchebdo est un journal dont je souhaite ardemment la survie. Tenez, ce numéro 26, que j'ai sous les yeux : la une nous parle d'une initiative de la Jeunesse socialiste concernant la spéculation sur les produits alimentaires ; en pages intérieures, interview d'Alexis Tsipras, leader du parti grec Syriza ; plus loin encore, un papier sur Rousseau et la démocratie participative ; un autre, sur les philosophes grecs et la politique ; en dernière page, un hommage à l'écrivain Carlos Fuentes, décédé le 15 mai. Tout simplement remarquable.

     

    Oui, j'aime lire Gauchebdo le week-end, ce qui ne m'empêche pas de dévorer le cahier culturel de la NZZ, ni de courir les kiosques pour dénicher (pas facile !) le dernier numéro de La Cité. Quand je vois ces équipes rédactionnelles-là, je me dis que le journalisme est encore vivant. Il suffit, ici et là, qu'il soit porté par des semences de passion.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Boum, boum, badaboum !

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 25.05.12

     

    Faut-il que chaque traité international signé par notre pays soit, systématiquement, soumis au peuple ? La question, sous la forme d'une initiative de l'ASIN (Action pour une Suisse indépendante et neutre), nous est soumise, le 17 juin prochain. Je n'ai pas encore pris ma décision face à cette initiative, il y a du pour et du contre, je vais, comme chaque citoyen, soupeser. Et le corps électoral élargi qu'on appelle « peule », dans moins d'un mois, tranchera. Mais autant vous dire, et c'est l'objet de cette chronique, qu'une chose, déjà, m'exaspère : la machine de guerre, boum boum badaboum, des opposants, avec les millions du patronat, et les éternels refrains du style « Trop de démocratie tue la démocratie ».

     

    Bien sûr, le peuple peut déjà, aujourd'hui, attaquer, par référendum facultatif, les traités internationaux. Bien sûr aussi, la plupart de ces accords sont d'ordre technique, et les soumettre, quatre fois par an, au suffrage universel, aurait quelque chose de fastidieux. Mais la démocratie est fastidieuse ! Allez voir les travaux du Parlement fédéral, à Berne, où j'ai passé quelques années de ma vie : on y pèse chaque virgule, pour parvenir à des majorités. Et, pour ma part, il ne me déplaît pas de soumettre à la sagesse, ou la sagacité, de quatre millions de votants potentiels, ce que 246, certes légitimes, décident pour nous. Et si cela vous chante de me taxer d'antiparlementaire, faites-le, si ça peut vous faire du bien. Et si cela vous réjouit encore plus de m'imaginer marchant sur Rome, en 1922, lâchez-vous un bon coup.

     

    Venons-en maintenant à economiesuisse, entendez le patronat. Le président de cette éminente organisation, Pascal Gentinetta, lâchait mardi matin (22 mai), sur les ondes de la RSR, le chiffre de ce qu'il mettait pour la campagne du non : entre 3 et 5 millions ! C'est beaucoup plus que le budget de l'ASIN ! Pourquoi un tel engagement financier ? Eh bien, parce que nombre d'accords internationaux, qui passent totalement inaperçus aux yeux du grand public, concernent de très près les intérêts des patrons : domaine bancaire, exportations, etc. En mettant un tel paquet contre l'initiative, notre bon patronat donne hélas l'impression de continuer à vouloir s'arranger entre soi, loin des légitimités démocratiques.

     

    Le bon sens populaire pourrait bien s'en rendre compte. Et réagir comme le fit le peuple suisse le 6 décembre 1992, lors de la votation sur l'Espace économique européen. Ou le peuple de France en mai 2005, lors du vote sur le Traité européen, alors que la quasi-totalité des médias était pour. Bref, le souverain n'aime guère les unanimités de pensée, ni les propagandes dissimulées. Cela dit, encore une fois, sur cette initiative, ma religion n'est pas faite. Simplement, j'aime bien décider en conscience. Et pas sous la pression des bienpensants, surtout lorsqu'ils sont alliés, en l'espèce, aux forces de l'argent.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • UDC Genève : la ligne jaune

     

    Sur le vif - Mardi 22.05.12 - 11.02h

     

    Le dernier communiqué de la direction de l'UDC genevoise fleure, hélas, les senteurs des pires années. Et dénote, de la part de ses auteurs, une inculture historique condamnable quand on s'exprime dans l'espace public. J'ai toujours considéré qu'il ne fallait pas diaboliser les électeurs de l'UDC, ni ceux du MCG, ni ceux, dans l'autre sens, de la gauche de la gauche. Toutes les personnes qui accomplissent la démarche, en âme et en conscience, d'aller glisser un bulletin dans une urne, je les respecte, parce que la démocratie, c'est précisément cela. Cette position demeure mienne : on discute, on s'engueule, on argumente, mais on ne diabolise pas.

     

    Mais là, c'est trop. Un communiqué, tombé ce matin 09.04h, pour demander la dissolution de l'association « Mesemrom ». Sous le prétexte qu'il existe une loi 10106 punissant d'une amende l'acte de mendicité. Soit, elle existe, j'en prends acte, et bien que je ne l'eusse pas voté, je respecte la démocratie. Mais enfin, mettre dans le même bain l'acte délictueux de mendicité et une association humanitaire défendant un peuple revenu du pire, là je dis non.

     

    Bien sûr, beaucoup de Roms, à Genève, pratiquent la mendicité. Bien sûr, ils sont instrumentalisés par des réseaux qu'il s'agit de combattre. Mais ce qui est doit être condamné, en République, c'est l'illégalité d'un acte. En aucun cas, l'amalgame avec une population, une ethnie, ne peut être accepté. Alors soit, amendons la mendicité, si vraiment on n'a rien de plus urgent à combattre. Mais jamais, n'acceptons de jeter l'anathème sur un peuple, en tant que tel. Le faire, c'est le début de la fin.

     

    Je respecte les leaders de l'UDC genevoise, comme d'ailleurs tous les leaders des partis composant notre espace démocratique. Mais, s'ils ont un peu de temps à la Pentecôte, je leur conseille de se renseigner un peu sur l'Histoire, la culture, la langue, les souffrances du peuple Rom. A tout hasard, je leur recommande la période sise entre 1941 et 1945. Et si, dans la foulée, ils veulent bien prolonger un peu leurs lectures, je les invite, très fraternellement, à lire mon poète préféré du vingtième siècle : un Allemand d'origine roumaine, Paul Celan (1920-1970). Il n'était certes pas Rom, mais Allemand de Roumanie, juif. Il a vécu l'extermination, n'en est, au fond, jamais revenu. Un jour d'avril 1970, il a choisi, pour se jeter dans la Seine, le Pont Mirabeau. Délicate attention, non ?

     

    Pascal Décaillet