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Liberté - Page 1162

  • Une droite genevoise réinventée

     

    Sur le vif - Mardi 16.10.12 - 09.16h

     

    Je suis en désaccord total avec l'analyse "La droite genevoise en guerre fratricide" de Marc Moulin, suite aux débats animés du Grand Conseil, notamment le refus du budget, dans le Temps.



    D'abord, le titre est faux. Ce qui s'effrite, sur cet objet précis, c'est l'alliance du PLR avec le PDC (voire, de plus en plus depuis 2009, avec les Verts). Ce qui se consolide, c'est celle du PLR avec deux partis de la Marge que mon confrère ne semble évoquer qu'en se bouchant le nez (UDC, MCG). Non seulement le signal politique de vendredi soir n'est pas de "guerre fratricide à droite", mais il peut au contraire être interprété comme la construction, enfin, d'une vraie droite genevoise, ne reniant pas ses composantes plus populaires (oh, si voulez dire populistes, si ça vous fait du bien, sur le moment, ne vous gênez pas), moins coincée, moins patricienne. Sur maints objets politiques précis, cette alliance PLR-UDC-MCG a du sens. Elle est pertinente. Par exemple, éminemment, en matière fiscale et financière. Mais de plus en plus, aussi, en matière de retour du protectionnisme, le PLR ayant sérieusement infléchi un discours ultra libre échangiste dont plus personne, aujourd'hui, ne veut.


    Mon autre désaccord avec Marc Moulin concerne le Conseil d'Etat. Avec un blanc-seing bien gracieux, mon confrère chante les louanges de cette équipe gouvernementale catastrophique, d'où ne se dégage aucun choix clair, aucune vision d'ensemble, même pas la saine juxtaposition de sept gestions. "Autisme" (reconnaît l'auteur) en matière budgétaire, à quoi il faut ajouter l'incroyable arrogance avec laquelle François Longchamp, vendredi soir, oubliant qu'il parlait aux élus du peuple, s'est adressé à certains députés. La remarque à l'élu législatif cantonal Stauffer sur sa gestion exécutive communale à Onex, par exemple, n'avait strictement rien à faire dans ce cénacle. Oui, il convenait, à ce gouvernement-là, de donner une leçon. C'est chose faite.

     

    Il serait intéressant que l'alliance politique de vendredi soir, sur d'autres sujets, de façon moins réactive et plus pensée, plus construite, puisse se renouveler. Il y a là un grand dessein: celui d'une droite genevoise enfin assumée, délaissant les tiédeurs de l'illusion centriste, qui est avant tout un Marais d'opportunismes. Une droite un peu déplacée sur le curseur, fière d'elle-même. Une droite qui voudrait bien renoncer une fois, par exemple à l'horizon de l'automne 2013, à s'afficher comme la plus bête du monde.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Budget: les leçons d'un refus

     

    Sur le vif - Samedi 13.10.12 - 10.15h

     

    Le refus du budget, hier soir, par une nette majorité (54 contre 38), constitue un signal de premier ordre et un tournant dans une législature qui, pour le Conseil d’Etat, s’achève lamentablement. Il est certes revigoré, ce gouvernement, par le sang frais d’un Maudet, mais l’équipe est catastrophique, elle ne dégage aucune vision, aucune projection, si ce n’est de lointaines chimères concernant la région, ou la (congestion de toute) circulation en 2030. À ce Conseil d’Etat-là, incapable de s’en sortir (dixit l’UDC Eric Leyvraz) avec un budget de 8 milliards, il convenait de donner une leçon.

     

    C’est chose faite. Et l’arrogance d’un François Longchamp, oubliant parfois qu’il parlait aux élus du peuple, et ultimes responsables du budget, n’y changera rien. En voilà un, d’ailleurs, dont on ne cesse de nous dire, qu’on va en prendre pour cinq ans avec lui (en voilà une belle raison de voter non demain), dont il va falloir, de très près, contrôler les appétits de pouvoir absolu. Le pouvoir d’un super administrateur, d’un géomètre précis, plaçant ses hommes partout, ne laissant rien au hasard, et beaucoup d’autres choses encore.

     

    Revenons au budget. La leçon politique d’hier, c’est qu’allié avec deux partis de la Marge qu’il a jusqu’ici considérés comme des gueux, un PLR clairement inscrit dans sa famille politique naturelle, refusant les tiédeurs de bénitier des uns et les illusions écolo-libertaires des autres, peut faire la politique de ce canton. L’infléchir sérieusement, en tout cas. Et cette fois, enfin, avec une lisibilité politique (pour le rejoindre ou pour le combattre) que la population appréciera. Toutes ces années de gages, à pures fins électoralistes, donnés aux Verts (qui, bien sûr, hier soir, s’étouffaient d’indignation), ont été de nature, hélas, à diluer l’entendement même de la politique radicale, ou libérale.

     

    Mais cette ère est révolue. La récréation est terminée. On la vu avec l’affaire Vibourel, on l’a vu, en Ville, avec le camouflet aux rues piétonnes. Il y a, dans ce canton, une gauche et une droite. Il y a, quelque part, un Marais centriste qui pourrait bien payer assez cher, à l’automne 2013, la moiteur de son opportunisme poitevin. Et les mêmes hommes, chez les radicaux, qui faisaient il y a peu des courbettes aux Verts, sont ceux qui, aujourd’hui, reprennent à leur compte (par exemple en matière de préférence cantonale) le discours honni du MCG.

     

    Oui,  cette décision d’hier soir marque un tournant. Et peut-être, au fond, la première mise en action des troupes pour la campagne électorale. Sur des bases qui méritaient d’être clarifiées. Les mêmes qui, pour leur destin personnel, avaient brouillé le message en 2009, sont ceux qui, aujourd’hui, lui rendent clarté et lisibilité. Par pragmatisme : ils ne connaissent d’ailleurs que cela.

     

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Vivant, au milieu des vivants

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 12.10.12

     

    Je suis un être plutôt solitaire, ne fréquente aucune amicale ni société, consacre mon temps libre à ma famille, la marche et la lecture. Je ne suis d’aucune faction, d’aucun parti, d’aucune obédience. Pourtant, dans la sauvagerie librement choisie de cette indépendance, il existe une grande communauté invisible, seule et unique, dont je me reconnais puissamment comme membre : l’Eglise catholique. Je pourrais tout autant dire le christianisme, les protestants étant mes frères, et sans doute les orthodoxes aussi. Mais enfin, il se trouve que mon éducation est catholique, les maîtres qui m’ont formé (dont certains admirables, au-delà de tout) le furent. Mes lectures, aussi, innombrables, grâce à des Editions comme Saint-Augustin, je pense par exemple aux œuvres du Cardinal Martini, qui nous a quittés le 31 août dernier, et qui était un intellectuel de premier ordre.

     

    Je dis communauté invisible. Je ne parle pas de la foi, n’en étant tout simplement pas capable. Vous me direz, à juste titre, que je viens ici me réclamer d’une appartenance – puissante, tellurique, tenace, nourricière – en refusant d’en dire plus long sur l’essentiel, ce qui fonde et justifie l’ensemble. Je reconnais le paradoxe. Il n’est pas mince. Mais enfin, osons la question : et si l’immense majorité des baptisés de 2012, en nos contrées, n’étaient pas, au fond, dans une situation similaire ? Chrétiens, oui, habités d’une petite lumière qui n’extorque pas tous les jours, ni dans toutes les vies, l’aveu de feu du martyre, ce témoin des premiers temps qui risque sa tête pour l’équation d’une identité : « Je suis chrétien ». Serions-nous tous, ici, les ultimes reliquats d’une ancestrale Théogonie, le temps des dieux, comme chez Hésiode, celui des héros, admirable certes mais lointain, à la lisière de l’oubli ?

     

    Je suis un mauvais chrétien. Je pressens l’incandescence du lien. Mais n’entreprend pas grand-chose de très concret, dans ma vie, pour mettre en œuvre, en énergie, en actes, ce qui pourrait être un engagement. A la vérité, comme pour la politique, je me retiens. Des milliers d’heures à observer, intérioriser, décortiquer, décrypter, tenter de comprendre, expliquer aux autres, prendre des positions éditoriales, oui, marquées. Mais au moment suprême qui serait celui de l’engagement, sous une flamme ou sous une bannière, la rétention de l’acte. Je préciserai simplement à ma décharge qu’une vie de chroniqueur et d’éditorialiste peut être conçue, assurément, comme une grande aventure en soi, avec du risque, un ou deux amis et des armées d’ennemis, c’est la vie. Elle est paradoxale. Car un mauvais chrétien est avant tout un chrétien. Il rumine en son for sur sa tiédeur, mais il est de la famille. Il en est de tout son sang, de tous son corps, de toute son âme. Déraciné ? Qui ne l’est pas ? Vivant, c’est sûr. Au milieu des vivants. C’est peu. Mais ça n’est pas rien.

     

    Pascal Décaillet