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Liberté - Page 1162

  • Radio Sommaruga

     

    Sur le vif - Lundi 11.06.12 - 08.30h

     

    "Partenariat migratoire": avez-vous compté, depuis ce week-end, et par dizaines pour la seule matinale de ce lundi 11 juin, le nombre hallucinant de fois que ces deux mots ont été prononcés sur la RSR ? C'est pire que le pire des slogans, ça va clignoter de façon subliminale dans nos cerveaux pendant toute la journée: partenariat migratoire, partenariat migratoire, partenariat migratoire.

     


    En déplacement en Tunisie, la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a signé avec ce pays un partenariat migratoire. Elle n'a pas omis (car elle connaît la partition, Mme Sommaruga) de prendre avec elle une équipe de journalistes du service public. Au premier plan desquels l'envoyé spécial de la RSR, tout le week-end, nous a inondé du concept de "partenariat migratoire". Ce matin, dans chaque journal, chaque flash, les deux mots incantatoires reviennent. Et maintenant, alors que j'écris ces lignes, un appel au public est lancé. On lui demande ce qu'il pense de quoi ? Du partenariat migratoire, of course !

     


    Je ne jette la pierre à personne. Correspondant parlementaire à Berne, à l'époque, j'accompagnais souvent Jean-Pascal Delamuraz dans ses déplacements à l'étranger. Et nécessairement, dans ces cas-là, sans parler du charme, de l'humour, ni de la puissance de conviction du personnage, le "journaliste accompagnateur", peut-être à son corps défendant, se trouve toujours être un peu le porte-parole du ministre. Mais là, avec cette histoire de partenariat migratoire, la RSR (je ne dis jamais RTS) se rend-elle compte qu'elle s'est superbement métamorphosée en Radio Sommaruga? Et là, une fois n'est pas coutume, ça n'est pas Carlo, mais Simonetta.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Conseil fédéral : des tronches, SVP !

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Samedi 09.06.12

     

    « Panne de carburateur au Conseil fédéral », titraient avant-hier, dans le Temps, mes confrères Yves Petignat et Bernard Wuthrich. Et de regretter un Conseil fédéral « fragile depuis quelque temps, et au sein duquel n'émerge plus de figure forte depuis le départ de Micheline Calmy-Rey en décembre dernier ». Alors voilà, chers lecteurs, le Temps, éminent épigone du Journal de Genève où j'ai commencé ma carrière et où j'ai tout appris, est un journal sérieux, pour bourgeois de salon, un journal poli. Mais moi, naguère comme eux, j'ai méchamment évolué, comme vous le savez, vers le statut de sale gosse. Alors, le diagnostic, sur l'actuel Conseil fédéral, je vais le dire avec des mots un peu moins pesés.

     

    D'abord, va pour Micheline Calmy-Rey, mais la dernière vraie sale tronche, c'était Pascal Couchepin. Dieu sait s'il m'est arrivé souvent de me trouver en désaccord, me frotter à lui, mais enfin nous avions là un profil, un parcours, un caractère. A quoi s'ajoute une rare culture historique, et même philosophique. A partir de là, qu'on fût d'accord ou non, avec lui, sur l'âge de la retraite ou les prestations AI, m'est toujours apparu comme largement secondaire. Il avait le format. Mme Calmy-Rey aussi, à laquelle, sans être socialiste (vous l'aurez noté, je pense) j'ai très souvent, ces dix dernières années, rendu hommage, ici même. Dans ces deux cas, et encore plus dans celui de Jean-Pascal Delamuraz, ne parlons pas de Kurt Furgler, le Parlement, en les élisant, ne s'était pas trompé. Il avait senti, flairé, anticipé la place que l'élu pourrait, une fois au parfum des affaires, occuper, pour l'intérêt supérieur du pays, dans notre vie politique.

     

    Mais là, depuis quelques années, quoi ? La cata ! Election après élection, l'Assemblée fédérale accumule les erreurs de casting, nous sort des souris grises à la Didier Burkhalter, choisit un Johann Schneider-Ammann alors qu'elle tient l'occasion historique d'une Karin Keller-Sutter, préfère le très poli et très consensuel Alain Berset au bulldozer Pierre-Yves Maillard. Dès qu'une tête dépasse, c'est la machine à niveler, ratiboiser qui se met en place. La tondeuse ! Et voilà comment, toutes erreurs accumulées, on en est arrivé, se méfiant à tel point du pouvoir personnel, à une immense et désespérante impuissance impersonnelle. Plus personne ne décide de rien. Nul n'émerge. Il n'y a plus d'île Saint-Pierre, plus de vision d'avenir, fût-elle dérangeante. Il n'y a plus ni tunnels ni avions de combat, plus de grande réforme historique, comme le fut l'AVS à la fin des années quarante. Non, il n'y a plus que la juxtaposition courtoise et grisâtre de sept impuissances. C'est cela, votre conception d'un gouvernement ? Point n'est besoin, me semble-t-il, d'avoir lu Maurras, ni Machiavel, pour répondre : non, non et non.

     

    Pascal Décaillet

     

  • La petite leçon de morale du Dr Unger

     

    Sur le vif - Vendredi 08.06.12 - 15.55h

     

    Il m'est parfaitement égal que la députation, hier, ait « longuement applaudi », sauf UDC et MCG, la petite leçon de morale de Pierre-François Unger sur l'affiche de l'UDC. Je vais dire ici à quel point cette intervention était intempestive. Et il m'est parfaitement égal, d'avance, que cette coagulation des intérêts qu'on appelle « majorité gouvernementale » (tiens, justement, tous les partis du Grand Conseil, sauf le MCG et l'UDC), assurant sa survie sous les paravents de la morale, soit en désaccord avec moi sur ce point. Je n'écris ni pour plaire, ni pour convaincre tout le monde, même pas pour rallier des majorités : je dis, simplement, ce que j'ai à dire.

     

    L'UDC, donc, a commis une affiche. Toute personne me connaissant un peu, ou me lisant, a pu constater que la grivoiserie sexuelle n'était pas exactement mon style. La polysémique génuflexion d'une blonde, étiquetée « Isabel R. », devant une sorte de dealer multirécidiviste au visage bronzé, ne fait pas précisément partie de mon registre iconographique, ni métaphorique. Et c'est sûrement pour cela que je n'ai pas pour métier de faire des affiches.

     

    Mais enfin, de quoi s'agit-il ? D'une affiche de campagne ! Ce mode de captation des regards, dans la rue, n'a jamais eu pour fonction de faire dans la dentelle, ni de convaincre les bourgeois de salon qui, de toute façon, votent pour le PLR ou pour les Verts. Ou, s'ils sont cadres au DIP, pour le PS. Le but d'une affiche est d'attirer l'attention. En l'espèce, l'UDC a mis dans le mille. Le but d'une affiche, surtout pour un parti d'opposition, est justement de choquer la candeur patricienne du partisan du pouvoir en place. « Ah, mais comment osent-ils, ah les rustres, ah mon bon monsieur, nous sommes tombés si bas ». Depuis que les affiches existent, et déjà sous la Régence, et à n'en plus finir sous Louis XV, elles sont là pour choquer, interpeller, blesser, faire jaser, faire rire, heurter, révolter, révulser. Fonction affective, à des milliers de lieues marines du logos articulé, la disputatio cartésienne, la pesée des arguments.

     

    Retour à M. Unger. Il est incompréhensible que le chef du pouvoir exécutif ait choisi le Parlement pour dire tout le mal qu'il pensait de cette affiche. Le Conseil d'Etat dispose de ses voies d'information, en l'espèce un communiqué de presse hebdomadaire qui, en passant, suinte l'ennui, ou encore des communiqués, des conférences de presse. Au Grand Conseil, le président du Conseil d'Etat n'est pas chez lui. Il est face aux élus du peuple qui, toutes tendances confondues, constituent le pouvoir législatif. Le groupe UDC, le groupe MCG ont absolument la même légitimité que les autres. Ils n'ont pas, en ce lieu, à recevoir de quelconques leçons de morale de la part de l'exécutif. C'est même aux parlementaires, au contraire, notamment à travers les commissions de contrôle (gestion et finances) de demander des comptes aux ministres.

     

    Dès lors, il est fort singulier que le président du Grand Conseil ait laissé celui de l'exécutif faire son petit numéro, dans ce lieu-là. Ce glissement, qui fait bien vite fi de la séparation des pouvoirs, accrédite l'idée d'un Conseil d'Etat qui aurait au Parlement ses pantoufles et sa robe de chambre, y viendrait quand il lui plairait, roucouler à l'envi sa sérénade d'un soir, repartir en sifflant, le temps d'un arbitraire.

     

    L'affiche. Soit le Conseil d'Etat estime qu'elle est attaquable en justice, et alors qu'il saisisse les juges, et nous verrons bien. Soit il ne l'estime pas, et alors il n'a STRIC-TE-MENT rien à dire. Parce qu'un gouvernement n'est pas là pour faire la morale, encore moins statuer sur le bon goût, ni l'esthétisme iconographique. Il n'a tout simplement pas à se mêler d'une campagne électorale, a fortiori pour élire l'un des siens.

     

    Le plus fou, c'est que cette picaresque distorsion ait pu passer comme une lettre à la poste. Parce que c'est le bon M. Unger, avec sa bonhommie et sa moustache, et c'est vrai, j'en conviens, qu'il est diablement sympathique. Parce que c'est la leçon du Centre à la Marge. Du pouvoir en place, à l'opposition. De l'institution, à la rue. Du convenable, au vulgaire. Du langage autorisé, à la fange de l'interdit. De tous ceux qui, juste pour la façade et pour la forme, soutiennent Mme Rochat, quoi qu'ils pensent en leur for. La soutiennent, parce que la lâcher, avant novembre 2013, serait conduire tout l'édifice à l'écroulement. La petite leçon de morale sexuelle du Dr Unger n'avait, au fond, que cette fonction-là : colmater, une fois de plus, les murailles fissurées de la Citadelle en place. Pour les gueux, sur l'échelle, une petite giclée d'huile bouillante. Et pour que survive le pouvoir en place, la séminale désespérance d'une prière.

     

    Pascal Décaillet