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Nulle alliance n'est malsaine

 

Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 13.09.13


 
« Alliance malsaine » : c’est ainsi que se trouve qualifiée la convergence de vues entre UDC et socialistes concernant l’idée d’obliger les banques à se scinder en deux, d’une part la gestion traditionnelle, de l’autre les risques de l’investissement. « Malsaine », à cause de cette vision du camembert politique que nous avons tous en tête, de gauche à droite les socialistes, les Verts, le PDC, le PLR, l’UDC. Vu comme ça, en effet, on se demande par quel saut périlleux les deux extrêmes arriveraient à travailler ensemble.


 
Cette notion d’alliance malsaine, dans un système comme la France, a toute sa pertinence. Tout, depuis le début de la Cinquième République, le scrutin uninominal à deux tours, majoritaire, est organisé pour le grand choc de deux fronts : jusqu’ici, la gauche et la droite (encore que la montée du Front National nous amène à voir, déjà aujourd’hui, les choses autrement). Et en effet, dans cette logique majorité/opposition, on voit mal le PS et l’UMP s’allier au Palais Bourbon. Mais en Suisse, rien de cela : les quatre partis gouvernementaux historiques (radicaux, PDC, socialistes, UDC) sont arrivés au fil de décennies au Conseil fédéral (radicaux 1848, catholiques conservateurs 1891, socialistes 1943, etc.), chacun a creusé son sillon pour lui-même, et non dans une logique d’alliance. Il n’y a donc pas, véritablement, sous la Coupole, un bloc de droite contre un bloc de gauche.
 


Et puis, il y a le fond. Dans certains domaines, comme justement le rapport à l’argent spéculé, de puissantes convergences peuvent exister entre les conservateurs de la droite nationale et les socialistes. Car Blocher, avec les milliards de sa fortune personnelle, a passablement faussé l’image de l’UDC, dont l’immense majorité de l’électorat n’est justement constitué ni de nababs, ni de notables. Sans doute l’électeur moyen de l’UDC est-il même, en 2013, moins aisé, et assurément moins caviar, que pas mal de socialistes. Une chose est sûre : dans ces deux familles politiques existe, majoritairement, un rejet commun du principe d’argent facile et de capitalisme de casino. Oui, il existe en Suisse une droite à la fois conservatrice et sociale, populaire et joyeuse, attachée au pays, au patrimoine, à la protection de la nature, aux paysages, aux valeurs de travail et de famille, qui n’a pas grand-chose à voir avec le boursicotage en col blanc. Pourquoi, sur la question précise de la séparation des activités des banques, cette droite ne ferait-elle pas un bout de chemin avec la gauche ?
 


Je dis « joyeuse ». Je pense à ce magnifique mot allemand de « Gemeinschaft », difficilement traduisible, qui représente notre bonheur de partager un paysage, des coutumes, une culture politique. Rien à voir avec le communautarisme. Ce serait même le contraire : la totalité nationale, vécue dans le partage, au-delà des différences.


 
Pascal Décaillet
 

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