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Liberté - Page 1161

  • Tout par amour, rien par force

     

    Mercredi 20.06.12 - 09.19h

     

    Avant-hier, dans Genève à chaud, la magnifique Brigitte Fossey a rendu à l'École un hommage à la fois tellement juste et bouleversant. Oui, dit-elle en substance, à cinq ans, après avoir tourné les "Jeux interdits" de René Clément, je n'avais qu'une envie: retrouver l'école. J'aimais passionnément les dictées. Apprendre les mots était un bonheur.

    Ce qu'elle a dit, je peux, à la lettre près, le reprendre à mon compte. Comme elle, j'ai appris à lire et à écrire très tôt (4 ans, au plus tard). Comme elle, chaque dictée, chaque poésie à apprendre, surtout chaque composition devant une feuille blanche, était un incomparable mélange de solitude et de bonheur. Il y avait la page quadrillée, il y avait l'encrier (eh oui!) dans lequel il fallait, toutes les deux lignes, tremper la plume. Il y avaient les pleins et les déliés, il y avait le majeur de la main droite bleuté par l'encre qui débordait, il y avait le buvard et il y avait la gomme. Surtout, il y avait ce texte à venir, qui serait le mien et pas celui du voisin. Ni celui de l'institutrice, surtout pas. Écrire, c'est cheminer vers la liberté.

    J'ai toujours considéré que l'Ecole était la plus grande chose du monde. Le modèle inventé du temps de Guizot et Jules Ferry, en France et sous nos latitudes, avec le magistère d'un aîné qu'on aime et qu'on respecte. Cette autorité-là ne se transmet que par la compétence et la passion. "Tout par amour, rien par force", disait le Saint Patron de l'école où j'ai passé onze années de mon existence. Qu'il fût, à ses heures perdues, l'une des plus grandes figures de la Contre-Réforme, est une autre affaire. Excellente journée à tous.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Anne Emery-Torracinta

     

    Sur le vif - Mardi 19.06.12 - 09.07h

     

    Il m'était apparu, très clairement, que Manuel Tornare, qui fut plusieurs fois Maire de Genève et jouit d'une grande notoriété, aurait eu beaucoup plus de chances de l'emporter. Et, comme j'ai l'habitude de dire les choses, je l'ai dit. Et j'ajoute qu'à deux reprises en trois ans, en écartant cet homme remarquable de la course au Conseil d'Etat, les socialistes, cédant à la loi des clans, se sont trompés. C'est leur affaire.

     

    Mais j'aimerais dire ici un mot de Madame Emery-Torracinta. J'ai découvert en elle, au fil de la campagne, une candidate d'une rare qualité. Je ne parle pas du fond de ses propositions, notamment en matière de droit du sol et d'étatisation des terrains. Je ne sais pas très bien ce qui lui a pris d'épouser un discours pas très loin de celui des premières années de la Révolution soviétique.

     

    Mais laissons cela. Je parle ici du style de campagne. Je voudrais dire à quel point cette candidate fut impeccable. Droite, sans faille. Quand on sait, par exemple, d'où sont venus les coups bas contre Eric Stauffer, dans quelles noires officines il furent orchestrés, de quel incroyable réseau de complicités médiatiques a pu bénéficier Maudet.com, oui quand on sait la violence souterraine de cette campagne, la droiture et la sérénité d'Anne Emery-Torracinta impressionnent. Et imposent le respect.

     

    Voilà une candidate qui est venue, a défendu ses valeurs, s'est battue courageusement, et venait, dimanche soir à l'Hôtel-de-Ville, prendre acte de sa défaite avec un magnifique sourire, celui de la dignité intérieure. Alors voilà, vous n'avez pas gagné, Madame, mais la classe politique genevoise peut être fière de vous avoir, et je vous dis simplement « respect ».

     

    Pascal Décaillet

     

  • Pierre Maudet, un destin

     

    Lundi 18.06.12 - 07.54h

     

    « Le sel républicain de l'aventure », titrais-je ici même il y a deux mois, lorsque Pierre Maudet se lançait dans la course. Le voici maintenant, à 34 ans, conseiller d'Etat et déjà ancien maire de Genève : à coup sûr, un destin. Une campagne époustouflante, nourrie de courage et de ruse odysséenne (« J'ai bien conscience de n'être point le favori »), propagée par le réseau Maudet.com, slogan que nous avons lancé ici, sur ce blog, et qui apparaît même, ce matin, dans l'éditorial du principal propagandiste de Maudet.

     

    La victoire de l'éternel jeune prodige radical est non seulement imprévue, mais aussi d'une ampleur saisissante. Voilà donc un nouveau conseiller d'Etat parfaitement légitimé, avec en plus une bonne participation. Qu'on aime ou non Maudet, qu'on ait apprécié ou non son style de campagne, il faut s'en réjouir pour Genève. Parce que ce Conseil d'Etat-là, qui traîne la patte et tire la langue, assurément l'une des plus mauvaises équipes depuis la guerre, a besoin d'un électrochoc. Ce sera la mission de Pierre Maudet.

     

    De la journée d'hier, ces deux heures folles d'émission, dans la fournaise de la Cour de l'Hôtel de Ville, je retiendrai le magnifique sourire de belle perdante d'Anne Emery-Torracinta, les attaques parfaitement légitimes de Romain de Sainte Marie contre un journal bien précis, l'extraordinaire implantation du MCG dans les communes suburbaines populaires, qui laisse entrevoir un résultat redoutable lors de l'élection d'octobre 2013 au Grand Conseil. Mais aussi, la rivalité Genecand-Fiumelli pour la succession Maudet en Ville, l'annonce d'un Messie PDC pour tenir ce rôle, la promesse du MCG (Carlos Medeiros) de soutenir un UDC pour lui rendre la monnaie de la pièce, et plein d'autres instants d'émotion et de vérité. C'était un beau moment républicain, à l'endroit où il fallait être, l'Arche sainte de nos institutions.

     

    Comme un remplaçant qui surgit du banc de touche, tout frais dans l'océan de fatigue des autres, Maudet va donc débouler au Conseil d'Etat. Puisse ce collège médiocre, qui n'a pas fait ses preuves, avoir la sagesse de lui confier les rênes du Département le plus dur, le plus exposé, celui du plus grand défi et du plus grand enjeu. Car le PLR, avec deux magistrats radicaux forts et une libérale très faible, ne peut se permettre le moindre échec d'ici l'automne 2013. Il dispose désormais de tous les leviers du pouvoir.

     

    À observer, de très près, le duo que formeront les deux radicaux, assurément les deux hommes forts pour les seize mois qui restent. Beaucoup d'intelligence, chez ces deux hommes, mais le risque énorme du gouvernement par le réseau et les copains. Nous avons affaire au mieux à une équipe de grognards soudés par les combats communs, au pire à l'un des clans d'intérêts les plus redoutables de la République, avec pouvoir de nommer, dégommer, nuire à des entreprises privées pour y installer l'Etat des vassaux. Si Pierre Maudet - que nous voulons  croire, ce matin, encore étranger à ces pratiques-là - devait peu ou prou s'y tremper, alors nous le dénoncerions sans faille, et la population devra en être informée.

     

    Pour l'heure, il faut souhaiter bonne chance à Maudet. Pour se faire élire, il a réussi à forcer le destin. Puisse-t-il, avec la même énergie, servir l'Etat. Les prochains mois seront passionnants.

     

     

    Pascal Décaillet