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Liberté - Page 1157

  • Eh Viva Italia !

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 01.03.13


     
    Un ancien comique qui rafle une voix sur quatre, Berlusconi qui revient, Monti au tapis, les chancelleries européennes qui n’en peuvent mais, les moralisateurs qui crient au populisme, ce mot-valise qui nous exonère d’une véritable réflexion sur la nature et l’ampleur du phénomène, voilà notre grand voisin du sud, ce pays si cher à nos cœurs, dont le parler est l’une de nos langues nationales, qui, une nouvelle fois dans son Histoire, nous surprend, nous interloque, nous laisse pantois. Comme si une figure de la Commedia Dell’arte, contre toute convenance, toute prévision, surgissait des coulisses. Horreur, surprise, hilarité, dérision, les masques tombent, d’autres les remplacent, le gendarme est à terre, la foule admire. Les grincheux grinchent. N’ont-ils jamais rien fait d’autre que de grincher ?


     
    Il fallait les entendre, nos beaux esprits, d’ici et d’ailleurs, de Genève ou de Paris, de Londres ou de Berlin, de n’importe où mais surtout pas de la Péninsule, réclamer, à longueur d’éditoriaux, la victoire du grisâtre technocrate Monti, adulé malgré son échec patent, juste parce qu’il est la contre-figure de celui qu’ils haïssent tous. A la place du peuple souverain d’Italie, ils définissaient par avance ce qui devait être le juste choix, mesuré, convenable, adoubé par les capitales européennes, comme si un improbable Saint Empire faisait office de souverain supranational. Avant toute chose, le signal du peuple italien, c’est une gifle cinglante à cette cléricature du prévisible. Nous voulons Beppe Grillo. Nous voulons aussi Berlusconi. Nous ne voulons plus de Monti. Ratiocinez si voulez, mais c’est notre démocratie, notre décision.


     
    Alors, méprisants, ils haussent les épaules, nos grands clercs, et expectorent le mot « populisme ». Depuis pas mal d’années, chaque fois qu’apparaît un parti nouveau, qui obtient du succès par la voie parfaitement démocratique des urnes, donc évidemment pique des voix aux partis plus anciennement implantés (c’est le principe d’une compétition électorale), on dit qu’il est populiste. Du latin « peuple » ou « peuplier », c’est selon, allez tranchons pour la première variante. On espère, surtout, que son émergence ne sera qu’une parenthèse, un mauvais rêve. A la fois suivante, tout rentrerait dans l’ordre. Mais quel ordre, bon sang ? Le leur, bien sûr. Celui d’avant. Lorsqu’ils étaient au pouvoir, nommaient leurs copains, se partageaient postes et prébendes. Oui, c’est le retour de cet Âge d’Or-là qu’ils appellent de leurs vœux. Cette hystérie dans l’emploi du mot « populisme », en Suisse comme en France en Italie, c’est juste une peur de disparaître soi-même de la scène.


     
    Parce que si on invite les peuples à choisir leurs gouvernants, et qu’aussitôt ce choix opéré, on leur dit qu’ils sont tous des nuls et qu’ils ont mal voté, alors autant rétablir le Saint Empire, l’Ancien Régime, la régale et la gabelle. Et aller se coucher.


     
    Pascal Décaillet

     

     

  • Le chemin perdu de nos existences

     

    Sur le vif - Mardi 26.02.13 - 08.39h

     

    Il y a des mots, lancés à la radio, qui vous arrachent à la torpeur d'un petit matin. Ainsi, Elmar Mock, il y une heure, à la RSR. Simon Matthey-Doret recevait, trente ans après, ce co-inventeur de la Swatch, qui vient de tenir sur les ondes des propos extraordinaires.



    N'imaginez pas un entretien sur la mécanique de précision. Mais sur la vie, tout simplement. L'invention, née de la révolte face à la routine. Nécessité absolue d'une rupture par rapport à l'ordre établi des choses, entendez le manque de vision, l'absence de réflexion formelle, la routine. J'ai pensé à la "lésine" dont parle Baudelaire au tout début des Fleurs du Mal.



    Je n'entends strictement rien à l'horlogerie. Pourtant, le discours de M. Mock m'a emporté. On aurait pu l'appliquer à l'invention poétique, la rénovation des formes. Et nous tous, auditeurs de cet instant fragile et révélateur, nous pouvons projeter la parole de l'inventeur anarchiste sur nos propres champs d'activité. Très loin de l'image du Géo Trouvetout, ou de celle du savant un peu fou, la fonction de l'inventeur se nourrit de révolte et d'insatisfaction, d'exigence formelle, d'inquiétude dans l'ordre de l'achèvement.



    C'est de cette nécessité du désordre que vient de nous parler M. Mock. Un horloger de génie, au petit matin, dans le chemin perdu de nos existences.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Augias.com, ou le Maudet dimanche

     

    Sur le vif - Dimanche 24.02.13 - 14.22h

     

    Incroyable Maudet ! Il est quand même très fort. Dans l'affaire de la sécurité informatique de l'Etat, révélée fin janvier par le Matin dimanche, et sur laquelle nous l'avions longuement reçu à Genève à chaud, il réussit à apparaître aujourd'hui, non comme celui chez qui les choses vont mal (ne serait-ce que comme légataire de ses encombrants prédécesseurs), mais comme le grand nettoyeur des Ecuries d'Augias. En page 6 du Matin dimanche d'aujourd'hui. Où on ne peut d'ailleurs pas dire qu'il soit particulièrement rudoyé dans les questions.



    C'est le génie de Maudet.com. Qu'il écope d'une affaire, il retourne avec brio le fardeau de la responsabilité. Ainsi, dès aujourd'hui, pour l'ensemble du lectorat de la Suisse romande, le jeune ministre donne l'impression d'avoir initié une lutte sans merci pour une meilleure sécurité des données. Alors qu'en fait, il gère dans la tourmente les cadavres qui tombent des placards, chaque fois que d'aventure, il a le loisir d'en ouvrir un.


    Pierre Maudet a tout compris de l'art de la communication en politique. Il n'y a nul reproche à lui adresser. Il a bien raison. C'est aux autres de se mettre à son niveau.

     

    Mieux: si vous prenez cette fameuse page 6 du Matin dimanche d'aujourd'hui, vous la retournez, vous tombez sur la page 5. Avec une grande photo de... Pierre Maudet, place du Midi à Sion, à côté de Christian Varone. Dans ces conditions d'extatique ubiquité, ne serait-il pas plus simple d'appeler ce journal "Le Maudet dimanche" ?

     

     

    Pascal Décaillet