Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 11.05.12
J'écris ces lignes le 10 mai, soit 31 ans, jour pour jour, après la victoire de François Mitterrand. Sans être socialiste, j'avais, avec ardeur (et pas mal d'antigiscardisme), souhaité cette arrivée au pouvoir, dans ma jeunesse. Sans l'être, non plus, aujourd'hui, j'ai finalement souhaité, comme vous le savez, celle de Hollande face à Sarkozy. Oh, bien sûr, elle m'ensorcèle moins, et l'attente, dimanche dernier, fut bien moins insupportable qu'il y a trois décennies. Hollande n'est pas Mitterrand, il n'a pas cette part de mystère ni de romanesque, ni sa plume, ni les fantômes qui l'accompagnent. Mais cet homme a une stature présidentielle, et les Français ont eu raison de lui laisser sa chance.
Les déclarations, en ce dimanche 6 mai 2012, celle du sortant comme du nouvel élu, furent simples et dignes, comme il sied à la tradition française. J'ai aimé l'accordéon dans les rues de Tulle, comme un hommage à la profondeur de la Province. Comme toujours, il y aura un état de grâce, puis la douche glacée des réalités. Les temps, pour la France, sont extraordinairement difficiles : pour Hollande, le risque d'échec, et de finir conspué, est immense.
Sur le plan politique, Marine Le Pen apparaît comme le véritable vainqueur de l'élection. Défavorisée aux législatives de juin prochain par le système électoral, elle ne va évidemment pas jouer les figurantes dans la législature qui s'annonce. Comme toujours sous la Cinquième République, l'ennemi à abattre, pour l'extrême droite, n'est pas tellement la gauche que la droite traditionnelle. En ce sens, Marine a atteint son objectif : Sarkozy à terre, ses lieutenants (Fillon, Juppé, Copé) prêts à s'entre-déchirer pour le contrôle de l'UMP, elle au contraire droit dans ses bottes, en ordre de bataille. Assurément, elle sera une figure incontournable, l'un des chefs de l'opposition. Et si, par hasard, Hollande devait échouer, elle pourrait sérieusement, cette fois, commencer à être perçue comme le recours.
La force des grands leaders de la droite, jusqu'à Chirac, fut de reléguer le Front national sur les bords. Cela, Sarkozy ne l'a pas réussi. C'est son très grand échec. Mais franchement, qui, aujourd'hui, dans le champ de la défaite, pour porter avec crédit le bleu horizon de la droite française ? Fillon ? Juppé ? En juin, le réflexe républicain pourrait bien amener les Français à donner au nouveau président les moyens de sa politique, en envoyant au Palais Bourbon une majorité de gauche. Et si, dans les années qui viennent, Hollande réforme le système électoral en instillant une dose de proportionnelle, le FN fera, comme en 1986 mais avec beaucoup plus de députés, son entrée à l'Assemblée nationale. Deviendra-t-il, avec le temps, un parti comme un autre ? Le bleu des Vosges deviendra-t-il bleu Marine ? Observons la France, aimons-la : elle est finalement une part de nous-mêmes. En attendant, bonne chance, M. Hollande.
Pascal Décaillet