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Liberté - Page 1095

  • Les anathèmes de Frère Sylvain

     

    Sur le vif - Dimanche 19.05.13 - 17.38h

     

    De retour de 48 heures hors de la toile, je découvre les anathèmes décochés par le socialiste Sylvain Thévoz à l’endroit de quelques hérétiques (dont Pierre Ruetschi et votre serviteur) coupables à ses yeux d’un péché mortel. Celui d’avoir eu l'outrecuidance de relever – chacun à sa manière – qu’un Parlement n’était pas le lieu pour afficher des slogans écrits, ce qui est langage de rue ou de manif, mais celui d’argumenter avec le verbe, en lien avec les sujets à l’ordre du jour.

     

    Il eût fallu, plutôt que d’insister sur cette vétille, ne participer qu’à l’exécution générale de M. Menoud, cela et rien d’autre. Il eût fallu, selon M. Thévoz, embrasser exactement le champ, l’objet et l’intensité de son indignation à lui. Bref, faire du Thévoz. Entonner la liturgie de ses colères à lui. Dans la joie partagée de ces Vêpres communes, une même Grâce du Grand Soir nous aurait tout naturellement amenés à laisser tomber nos dérisoires didascalies sur le fonctionnement républicain d’un Parlement. Au profit de la seule condamnation, D'UNE MÊME VOIX, de M. Menoud.

     

    Sinon ? Sinon, honte à nous ! Sinon, que pleuvent sur nous les orgues de Staline de la morale. Avec en prime Hannah Arendt pour nous rappeler que nous n’avons, nous, pauvres gens de presse, rien retenu de l’Histoire. M. Thévoz serait Thomas Mann, ou Heinrich, ou Klaus, seuls lucides dans les ultimes années de la République de Weimar, et nous, alias « la presse », serions captifs de « l’effroyable banalité », aveugles au retour de la bête immonde, complices du pire. Dans le rôle du Bien, M. Thévoz; dans le rôle du Mal, ceux qui choisissent un autre angle, un autre éclairage. Elle va être belle, la liberté d’expression, le jour où M. Thévoz sera au pouvoir.

     

    Je vous le dis tout de suite, Frère Sylvain, ce genre de pressions sur fond de grandes leçons morales ne marche pas avec moi. J’ai, dès le début, écrit ce que je pensais de l’énormité verbale de M. Menoud. Je n’ai jamais, une seule seconde, pris sa défense. J’ai simplement choisi, EN PLUS DE CETTE AFFAIRE, d’en évoquer une autre, évidemment un peu gênante pour une partie de la gauche municipale, puisqu’elle concerne cette histoire de banderoles, ou d’affichettes. Vous voudriez, au nom de la totalité de l’horreur que représentent à vos yeux les propos de M. Menoud, que cette AUTRE AFFAIRE, nous la passions par pertes et profits, tant elle serait, en comparaison, insignifiante.

     

    Je ne le ferai pas. Je n’entrerai pas dans votre jeu. Je n’accepterai pas, moi qui ai toujours défendu la cause homosexuelle (en des périodes où elle était autrement plus minoritaire qu’aujourd’hui dans l’opinion) que vous veniez me qualifier, comme vous l’avez fait dans un commentaire, de « complice de l’homophobie », sous prétexte que je n’adresse pas exactement à M. Menoud, avec vos mots à vous et vos incantations, les anathèmes qui sont vôtres. Et que je ne vous reproche pas, d’ailleurs, de lui adresser. A chacun son équation avec le verbe, à chacun son langage.

     

    M. Thévoz, vous êtes homme de plume et d’écriture. L’un des rares de la classe politique à mériter ce nom. Je vous tiens même pour l'homme politique genevois au style littéraire le plus troublant. Mais dans cette affaire, avec l’écrasante artillerie de vos menaces morales, vous voilà hélas d’une intolérance presque théologique. Pour ma part, je condamne, dès le début, les paroles de M. Menoud. Et parallèlement, DANS UNE AUTRE AFFAIRE, je persiste sur ce que doit être le comportement des élus du peuple. Vous n’obtiendrez pas de moi qu’un événement serve d’opportun paravent à un autre. Ni que j'efface ce détail un peu gênant de mon tableau d'ensemble.

     

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

  • Errances libertaires - Suite

     

    Sur le vif - Vendredi 17.05.13 - 10.06h

     

    100% d'accord avec l'édito de Pierre Ruetschi sur la séance calamiteuse du Municipal, avant-hier. A un détail près: que vient faire ici Mme Salerno, dont je peine à entrevoir la responsabilité dans cette affaire de banderoles ? Les élus législatifs du groupe socialiste sont des citoyens libres et responsables, ils représentent un pouvoir séparé de l'exécutif, dont ils n'ont aucun ordre à recevoir. Responsables, ils doivent donc assumer leurs actes. Par exemple, celui de prendre un Parlement pour un lieu de manifestation. Madame Salerno, élue exécutive lançant une campagne parfaitement justifiée contre l'homophobie, n'a strictement rien à se reprocher dans les errances de certains élus législatifs de son parti: une fois pour toutes, on ne vient pas siéger dans un quelconque législatif en affichant des banderoles.

     

    On imagine leurs rugissements, à ces élus socialistes, si de quelconques pancartes, on banderoles, avaient pris place sur les bancs de la droite. Ils en auraient, à juste titre, immédiatement demandé la suppression au président. Et, désolé si je déplais, mais les énormités de M. Menoud (que je n'ai jamais défendu une seule seconde) ne doivent pas servir de paravent à cette autre affaire, chronologiquement antérieure, le comportement libertaire et bien peu républicain de quelques élus socialistes.

     

    Parmi eux, des hommes de culture, que je respecte et apprécie beaucoup: où est leur culture politique, historique ? Où est passée leur connaissance de l'un des fondements de la démocratie représentative: la distinction entre le pléthos (le peuple qui bouillonne dans la rue, manifeste, proteste, vocifère), porteur de doxa (l'opinion) et le démos (le peuple - et ses représentants - comme organe de décision, ce qui exige le respect de l'ordre républicain). On eût aimé quelque lecture d'Aristote, ou vingt siècles plus tard de Montesquieu, ou de Tocqueville, pour donner à ce débat l'arrière-pays qu'il mérite.

     

    Par les énormités qu'il a proférées, M. Menoud a retourné contre lui-même l'arme de la rhétorique, il a toitalement détruit l'essence de son propos initial sur les banderoles, a ruiné sa crédibilité. C'est son problème. Mais je n'entrerai pas dans le piège qu'essayent, depuis mercredi soir, de nous tendre les camarades socialiste du Municipal: se servir de l'affaire Menoud (qui en est une autre, en soi, assurément condamnable) comme paravent de leurs errances antérieures. Trop facile, Messieurs. Et, pour les Paravents, puisque je crois savoir qu'au moins une très belle plume (allez, disons deux) siège sur les bancs socialistes du Municipal, on me permettra de préférer le texte exceptionnel de Jean Genet.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le talent - Le possessif

     

    Sur le vif - Jeudi 16.05.13 - 17.43h

     

    Je ne suis ni Bâlois, ni Saint-Gallois, ni Vaudois. Mais j'ai toujours considéré Hanspeter Tschudi, génial socialiste des années 1959-1973, Kurt Furgler, immense démocrate-chrétien des années 1971-1986, Jean-Pascal Delamuraz, 1983-1998, incarnation du radicalisme populaire et social, que j'ai eu l'honneur de suivre de près, comme MES conseillers fédéraux. Avec toute la part d'affect, de reconnaissance de ce possessif, "mes". Je me foutais bien que l'un fût Bâlois, l'autre Saint-Gallois, le troisième Vaudois. Nous étions tous Suisses, composantes diverses et multiples de ce pays qui est mien et auquel je veux croire, dans la richesse de sa diversité.

     

    Pascal Décaillet