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Liberté - Page 1096

  • 22 novembre 1963, le passage du deuil

     

    Mercredi 20.11.13 - 17.05h

     

    Je suis comme des centaines de milliers de gens qui ont vécu ça, même si je n’avais que cinq ans et demi : je me souviens exactement où j’étais, dans quel coin de notre cuisine familiale, près du transistor beige, revenant de l’école, lorsque ma mère, le visage défait, m’a annoncé l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy. Je ne savais pas qui était cet homme, mais à voir la tristesse de ma mère, j’ai cru qu’il s’agissait de quelqu’un de la famille. Le soir, nous avons vu l’attentat à la télévision, en noir blanc, il y avait quelque chose de terrible et de glacé : j’ignorais à cet âge ce qu’était la mort.

     

    JFK est loin d’être mon président préféré, j’ai même lu beaucoup d’horreurs sur lui, de quoi nous détourner du mythe, mais cela est venu beaucoup plus tard : ce 22 novembre 1963, comme des dizaines de millions de personnes sur la planète, je me suis senti orphelin. L’Amérique, avant cette date, c’était mon costume de cow-boy, déjà des séries TV, les immenses voitures aux grandes ailes, le pays du rêve et du possible. L’assassinat de Dallas a cassé en moi, si tôt dans ma vie, cette mythologie. Dès les jours qui ont suivi, en allant à l’école, je vois exactement avec qui, nous jouions à celui qui a tué Kennedy, nous étions celui qui sait, déjà nous parlions de mafia, celui qui était derrière Ruby qui avait tué Oswald, nos imaginaires explosaient.

     

    Un peu plus tard, en tout cas pas avant 1966, il y a eu un aîné qui s’est pointé, une sorte d’Augustin Meaulnes que nous admirions pour sa carrure et ses airs d’aventurier. Sur le chemin de l’école, au milieu des chantiers, il nous assurait qu’il savait tout, détenait toutes les preuves, d’ailleurs venait de passer le week-end à Chicago, où il avait échappé de justesse à la mafia. Ayant sauté une année, j’étais l’un des plus jeunes de la classe, et ce providentiel grand frère me fascinait. Jusqu’au jour où, les yeux étincelants, nous prenant par le collet, il triomphait : « C’est Johnson, oui Johnson le commanditaire, je le sais, j’ai toutes les preuves, d’ailleurs je retourne à Chicago samedi ! ». Et nous allions notre chemin, pestant contre ce salaud de Johnson, d’ailleurs il avait une sale tête, et sa victime, le président défunt, était tellement beau.

     

    1968, rebelote. L’année des assassinats. Robert Kennedy, le frère, et Martin Luther King. Là, j’avais dix ans, j’étais devenu depuis fin 1965 (de Gaulle contre Mitterrand) un passionné de politique, j’étais sur le point de finir l’école primaire, et je n’ai pas du tout vécu ces nouveaux drames avec la même intensité émotionnelle que celle du 22 novembre 1963. Ils en étaient en quelque sorte la réplique, la répétition, la récurrence. Et puis, tant d’autres sollicitations en cette année-là : Jeux Olympiques de Grenoble en février avec les victoires de Killy, mai 68 vécu en écoutant la radio, dans ma chambre, voyage au Cap Nord avec ma famille l’été, Jeux de Mexico à la fin des vacances, de quoi banaliser la violence américaine.

     

    Fin 68, Richard Nixon a été élu, je l’ai admiré, et ne me suis pas du tout réjoui de sa démission en août 74. Mais cela, c’était de la politique, des choix que j’approuvais. Cela, alors que j’avais grandi, relevait de la raison. Alors que Kennedy, pour moi comme pour la planète entière, avait fonctionné comme un mythe. La beauté, la gloire, la mort. Destin d’Achille, qui serait court mais glorieux. En attendant de parler de tout cela, tout à l’heure, avec Daniel Warner, à Genève à chaud, demeure en moi, si présent, si vivace, le souvenir de la tristesse sur le visage de ma mère, puis sur celui de tant de personnes, des femmes surtout, comme le passage d’un deuil dans l’insouciance de l’enfance.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Guillaume le Conquis

     

    Sur le vif - Mercredi 20.11.13 - 10.24h

     

    "Je vois ce nouveau mandat (à Berne) comme un prolongement de mon engagement pour la Ville, qui reste plein et entier. Un peu comme un chef d’entreprise qui, tout en travaillant à fond pour celle-ci, veut aussi faire partie de la faîtière de sa branche, afin d’influer sur les conditions-cadres."



    Ce sommet de mauvaise foi, dans le Temps de ce matin, pour justifier son double mandat, vient de qui ? Réponse: Guillaume Barazzone ! Une bonne âme pourrait-elle, au demeurant, expliquer au magistrat que la Confédération n'est en rien, ni dans notre ordre ni surtout dans notre Histoire, l'organe "faîtier" de nos communes suisses.



    On dirait qu'il parle de Genève comme d'une ville du Saint-Empire. Tout au plus bénéficierait-elle d'une forme d'immédiateté impériale, et lui, Guillaume le Conquis, monterait à la Diète, en quémander la bienveillance.


    Ce besoin d'avoir toujours quelqu'un en haut, ou une instance supérieure, ou un grand frère, ou un protecteur, apparaît de plus en plus comme un trait de caractère inquiétant de ce jeune magistrat. Il y aurait en lui, dans le tréfonds, comme l'impossibilité d'une émancipation.

     

    Pascal Décaillet

     

  • DIP, billet no 2

     

    Sur le vif - Mardi 19.11.13 - 17.17h

     

    Le vrai enjeu, dans la reprise du DIP, n'est absolument pas droite-gauche. Il y eut, dans l'Histoire, d'excellents ministres de l'Instruction publique de gauche, dont le plus grand d'entre eux, Chavanne. Il n'est pas non plus d'être soi-même (le ministre) truffé de diplômes, aucun problème avec cela.



    Non, l'enjeu, comme je le soulignais ce matin, c'est que le ministre ait en lui une ÉQUATION PERSONNELLE avec le monde du savoir et de la connaissance. Il ne s'agit pas qu'il soit un singe savant, loin de là. Mais ce monde doit avoir en lui une résonance.


    Le chef du DIP ne peut être un simple animateur social, fût-il de talent. Il ne peut pas s'occuper que du "vivre ensemble". Il doit être porteur, par tout ce qu'il charrie dans son vécu, d'un projet culturel puissant pour l'école de demain. Une ambition dans le monde du savoir et de la connaissance.


    Enfin, l'école publique, qui est une grande et belle chose, doit être l'affaire de la République. Le moins qu'on puisse attendre de son chef, c'est une culture d'Etat, un sens de l'Histoire républicaine. Cela, de mon point de vue, valorise les radicaux et les socialistes. Bien davantage que ceux issus de partis d'essence libertaire, ne surfant que sur le vent des modes.



    Voilà, amigos. Plus clair, je ne peux pas être.

     

    Pascal Décaillet