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Liberté - Page 1067

  • La Suisse n'est pas gouvernée

     

    Chronique publiée dans Tribune (Le Journal du PLR vaudois) - No 7 - Mercredi 28.08.13

     

    Dans cette chronique, je vais faire plaisir aux lecteurs PLR, parce que je dirai du mal de Mme Widmer-Schlumpf. Mais je vais aussi m’attirer leur colère, parce que je dirai pis-que-pendre de M. Burkhalter. C’est ainsi lorsqu’on écrit : on froisse toujours un camp. Ou alors, il faut choisir un autre métier. Cireur de bottes, par exemple.

     

    Une chose est sûre : la Suisse de 2013 n’est pas gouvernée. Elle est au mieux administrée, et encore elle l’est mal. D’un côté, une ministre des Finances qui passe son temps à capituler. De l’autre, un ministre des Affaires étrangères qui a laissé instiller la possibilité de juges étrangers. Dans les deux cas, nous avons affaire à de graves signaux d’abandon de notre souveraineté, et même de notre fierté nationale, parce que la Suisse n’a pas vocation de dominion, encore moins de sujet, ni de satellite, ni de protectorat. Non, la Suisse est un Etat indépendant, au même titre que ses voisins, elle doit être respectée comme tel. Le moins qu’on puisse dire est que nous n’en prenons pas le chemin.

     

    Commençons par Mme Widmer-Schlumpf. Dans l’affaire de l’accord avec la France sur les successions, comme dans celle de l’accord américain, c’est toujours la même chorégraphie : on commence par la génuflexion, en s’imaginant qu’on va amadouer le partenaire, sous le seul prétexte qu’il donne de la voix. En clair, on se laisse impressionner. A cet égard, la triste comédie de Bercy, où une conseillère fédérale s’est rendue auprès du ministre français des Finances comme on chemine vers Canossa, et mon ami Pierre par-ci, et mon amie Eveline par-là, et cette odieuse évidence de la subordination de la Suisse dans l’affaire, notre pays n’a pas été grandi par cet épisode. Puisse le Parlement réserver à cet accord le même sort qu’à celui des Etats-Unis. Voilà pour la partie plaisante au lectorat PLR.

     

    J’en viens à la seconde, celle qui implique le conseiller fédéral radical romand, oui l’héritier des Chevallaz, Delamuraz ou Couchepin. Comment M. Burkhalter, dont on dit qu’il dirige la diplomatie suisse, a-t-il pu laisser son Secrétaire d’Etat, le très contesté M. Rossier, entrer en matière sur la possibilité de saisine de la Cour européenne de justice pour trancher les litiges dans le domaine des bilatérales ? Pacte fédéral ou non (je ne remonte jamais, pour ma part, à des temps aussi lointains, où la part du mythe doit être dégagée), il est certain que l’opinion publique suisse ne veut pas de juges étrangers. Fussent-ils les meilleurs du monde, les plus éclairés, les plus sages. De la part du chef du DFAE, c’est une erreur politique, et le président du PDC suisse, Christophe Darbellay, a parfaitement raison de la condamner.

     

    Alors, quoi ? On ne va pas changer les ministres en pleine législature, je sais. Encore moins les faire élire par le peuple, j’ai bien compris le récent verdict du souverain à ce sujet. Mais nous, les citoyens, les patriotes de ce pays, nous qui l’aimons, nous avons au moins le droit de dire notre colère. Face à ce gouvernement qui n’en est pas un. Face à ce règne de la prosternation, là où, au contraire, il faudrait avoir la raideur de la fierté, le regard droit du négociateur qui n’entend pas s’en laisser conter. Ainsi, sur les affaires fiscales, qu’attend le Conseil fédéral pour lancer une offensive ? Demander, à son tour, des comptes aux pays anglo-saxons sur leurs paradis fiscaux à eux. Tenir l’initiative, plutôt que subir, subir et subir encore. C’est pourtant cela, et rien que cela, la politique.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Religions : douceur et respect

     
    Sur le vif - Dimanche 01.09.13 - 21.28h

     
    J'ai voté contre l'initiative sur les minarets, qui m'avait littéralement exaspéré, et m'exaspère encore. Bien entendu, je respecte néanmoins le vote du souverain, c'est en ordre.


    Mais je tiens à dire ici que je ne supporte pas la manière dont certains, dans ce pays, parlent de l'Islam. Ils n'y connaissent strictement rien, confondent tout, Islam en tant que tel et intégrisme, comme si on ramenait le message chrétien à Ecône. Ou le judaïsme à certains ultra-orthodoxes.


    Catholique, j'ai eu très tôt une culture religieuse par un homme d'exception, le Père Collomb. Un prêtre catholique, disparu beaucoup trop tôt, qui nous initiait, entre 1965 et 1969, à l'ensemble des religions du monde. Eh bien cet homme n'a JAMAIS eu, sur d'autres religions ou mouvements spirituels que le christianisme, pas plus d'ailleurs que l'athéisme ou l'agnosticisme, le moindre mot de dévalorisation. Bien au contraire, il nous initiait FACTUELLEMENT à Moïse, Mahomet ou Bouddha avec une infinie douceur et un infini respect. Il était d'une pluralité cosmique. Il ne se passe pas un jour sans que je ne pense à lui.


    Cette nécessité de douceur et de paix, je l'ai trouvée dans le texte de la motion de Guy Mettan, qui appelle à "une laïcité qui protège les religions, plutôt que de les opprimer". Sa lecture va faire enrager les ultra-laïcards du parti radical et de certaines associations autoproclamées, et jusqu'au cabinet noir de certains ministres, mais elle est juste et sage. Je soutiens cette motion, qui appelle à un "code de bonne conduite" et n'allume pas immédiatement d'inutiles incendies, dès qu'on parle de voile. Ou de kippa. Ou de croix.


    Ne créons pas des problèmes là où il n'y en a pas. Genève se porte très bien sur la question de la coexistence des religions. Respectons ce fragile équilibre. Et renseignons-nous un peu sur les religions, les courants spirituels, leur Histoire. Avant de déterrer des haches de guerre.
     
     
    Pascal Décaillet
     
     

  • Révolution conservatrice

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 30.08.13


     
    Il y a, en Suisse, au niveau fédéral comme dans la plupart des cantons, trois grands courants politiques : la gauche, la droite PLR et PDC, et puis une autre droite, représentée par l’UDC. Ces trois blocs en ont pour un moment à vivre ensemble : aucun des trois ne va disparaître dans les années qui viennent, tout au plus s’affaissera-t-il lors d’une échéance électorale pour mieux revenir quatre ans plus tard. On sait à quel point cette division en trois doit être infiniment précisée par les nuances internes à chacun des blocs (gauche dure, socialistes, Verts pour les premiers ; droite libérale, républicaine, familiale et sociale pour les deuxièmes ; droite nationale ou populaire pour les troisièmes), mais enfin ces blocs sont bien là, ils constituent notre paysage politique.


     
    Le grand événement, en Suisse, de ces vingt dernières années, est l’émergence et la montée vertigineuse de l’UDC blocherienne. L’ascension fut certes stoppée en 2011, mais tout de même, la masse est là, impressionnante. UDC dans la plupart des cantons, MCG à Genève, Lega au Tessin, il y a dans notre pays, sous des expressions différentes, la place pour des idées conservatrices, sociales, protectionnistes, toutes choses que le dogme libéral récuse et vilipende. Que cela plaise ou non, c’est ainsi : cette autre droite existe, elle est là, structurée sous une même bannière nationale, ce qui n’était pas le cas il y a trente ans. A cette époque, où je commençais ma carrière au Journal de Genève, cette famille de pensée se retrouvait, en fonction des traditions cantonales, chez les radicaux ou au PDC. Si ces deux partis n’avaient pas, ces trois dernières décennies, laissé filer les ailes conservatrices de leur électorat, l’UDC aujourd’hui n’en serait pas là.
     


    Être conservateur, social, ouvert aux préoccupations des petites gens, sensible à la protection de l’emploi local contre certains effets dévastateurs de la libre circulation, n’a rien de scélérat. Et vous pourrez, tant que vous voudrez, insulter ces compatriotes en les traitant de fascistes ou de xénophobes, rien n’y fera : ils continueront de penser ce qu’ils pensent, rejetant autant le libéralisme de casino et d’enrichissement indécent des uns que le socialisme de nivellement des autres. Ils continueront de plaider pour une agriculture proche des consommateurs, une politique familiale dynamique, un encouragement aux PME plutôt qu’aux multinationales. Et ceux d’entre eux qui estiment, pour l’intérêt supérieur du pays, qu’un minimum de régulation des flux migratoires est nécessaire, vous ne les ferez pas taire en les injuriant. Si vous vous imaginez, partis de gauche ou de la droite PLR-PDC, que le succès de ce troisième bloc est juste une parenthèse, un cauchemar passager, vous vous leurrez : une lame de fond profonde de la politique suisse veut cette révolution conservatrice. Cette dernière ne fait peut-être que commencer.


     
    Pascal Décaillet