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Liberté - Page 1067

  • Pour une droite populaire et sociale

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 07.03.14


     
    La droite suisse a perdu son âme. Réduite, depuis deux décennies, au seul culte de l’Argent, elle n’a plus conscience des valeurs qui constituent ses différentes souches. Peu de radicaux sont encore capables de tenir un discours sur le Freisinn, la liberté individuelle, la responsabilité, le rôle et la dimension de l’Etat. Peu de démocrates-chrétiens peuvent vraiment – autrement que par des lieux communs – articuler une réflexion sur les fondements philosophiques de leur parti. On ne leur demande pas de lire en latin les encycliques de Léon XIII, mais enfin quelques notions sur ce qui différencie leur parti du reste de la droite, oui. Quant aux gens de l’UDC, joyeux d’appartenir à une communauté (Gemeinschaft), on est heureux de leur félicité, mais on se dit qu’un brin de développement conceptuel n’est pas nécessairement interdit.


     
    Les droites suisses (le pluriel s’impose) ont énormément souffert de l’empire exercé sur les consciences, depuis une bonne vingtaine d’années, par le libéralisme. Oh, pas celui d’Olivier Reverdin, qui fut mon professeur, mais celui du seul profit bancaire, de la primauté accordée aux actionnaires au détriment des travailleurs, du gain facile, virtuel, comme si l’argent tombait du ciel. Tout cela, me direz-vous, a commencé à s’effondrer. C’est vrai, mais le mal est fait. Dans les esprits, il n’y aurait de droite que celle du casino, ou alors celle des conservateurs. La réalité est plus complexe. On peut être de droite avec une profonde conscience sociale, un respect du travail et des travailleurs, l’acceptation d’un État fort.


     
    On peut être de droite, aussi, avec cette bonne humeur, cet amour des gens qu’on ne trouve pas exagérément, depuis trop d’années, chez les notables, y compris d’ailleurs socialistes. Aimer la politique n’oblige personne à faire la gueule. Pour ma part, je veux une droite populaire et sociale, très proche des gens, enthousiaste, aimant le pays, soucieuse de justice, respectant la nature et notre patrimoine. Toutes choses qui sont ancrées en elle, et dont il n’est pas question de laisser le monopole à la gauche. Là où le libéralisme du gain virtuel a échoué, réinventons l’appartenance républicaine. La fraternité, c’est pour tous les humains. Pas seulement pour la moitié d’entre eux.


     
     
    Pascal Décaillet

     

  • Conseil d'Etat : la fin des Cent Jours

     

    Commentaire publié dans GHI - 05.03.14

     

    Voici mars, les premiers bourgeons. Et, pour le nouveau Conseil d’Etat, bientôt la fin des Cent Jours. Oh, rien de grave, pas d’île d’Elbe ni de Waterloo, juste une tradition : laisser aux nouveaux venus un certain temps, de l’ordre de trois mois, pour s’installer, pendre contact avec leurs équipes, découvrir les cadavres dans les placards, se mettre au boulot. A l’issue de cette période, on attend des différents ministres l’annonce de projets clairs, si possible visionnaires, avec feuille de route, estimation des coûts et stratégie.

     

    Ce temps, on est déjà bien gentils de le leur concéder. Leur poste, ils l’ont voulu, nul ne les a obligés à le briguer, ils se sont battus, ont multiplié les débats pendant des mois, sont tous des briscards de la politique genevoise, ils devraient donc normalement, dès le premier jour, être au top. Pensez que Pierre Mendès France, le plus éblouissant président du Conseil de la Quatrième République, résolvait à l’issue du premier mois la crise indochinoise, et se retirait définitivement après sept mois seulement de pouvoir (juin 1954-février 1955). Alors OK, à Genève, va pour les Cent Jours, mais pas plus : l’argument du temps d’adaptation (qui a perdu certains conseillers nationaux), n’est plus valable au-delà de ce délai.

     

    Oui, Madame et Messieurs, il est temps de nous dévoiler vos intentions. Non plus sous la forme de grandes déclamations comme cet automne, mais avec des projets concrets. A cet égard, on accueille avec un peu de scepticisme l’annonce « d’Assises de la Mobilité ». Après les années très difficiles qui ont sinistré ce secteur à Genève, on attend du magistrat en charge autre chose que des états généraux ou des palabres. L’heure, de la part du ministre, est à la prise de décision, en même temps celle d’un risque politique, l’indication d’un cap, la mise en œuvre d’une stratégie pour convaincre le Parlement, voire le peuple. L’exécutif ne saurait, en République, ne tenir lieu que d’organisateur de séminaires ou de remue-méninges.

     

    Idem dans le domaine du logement. Recevoir les animateurs d’un réseau social, c’est bien. Mais il faut aller plus loin, que le ministre anticipe, soit porteur d’une vision, ose et décide. Idem dans le social : le titulaire a mené une campagne féroce et puissante dans la dénonciation du taux de chômage à Genève, on aimerait maintenant savoir ce qu’il entend entreprendre, très concrètement, pour le faire baisser. Idem pour l’école : être à l’écoute, c’est bien, mais pour faire quoi ? Que les années à venir soient moins porteuses de querelles que les précédentes, certes, mais on espère que cette paix des âmes ne se fondera ni sur l’attentisme, ni sur l’immobilisme.

     

    Côté sécurité, au moins, on n’a pas ce problème : avec Champ-Dollon, le ministre est au cœur d’une telle tourmente qu’on lui accordera volontiers quelque délai pour nous préciser le reste de ses desseins. Quant au ministre des Finances, il aura sans tarder à en découdre avec les ambitions d’économies d’un quarteron de spadassins de l’Entente. On assistera enfin avec l’admiration d’usage à la passion présidentielle pour l’inauguration des chrysanthèmes.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Fulvio Pelli : un cérébral plein d'humour

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    Édito du Giornale del Popolo - Jeudi 06.03.14

     

    Je ne vais tout de même pas, moi journaliste établi à Genève, présenter Fulvio Pelli aux lecteurs tessinois ! Cet homme de 63 ans, qui quitte le Parlement fédéral après 18 années passées sous la Coupole, a été l’une des personnalités marquantes de la politique suisse. D’abord, parce qu’il a été le dernier président du parti radical suisse, le grand vieux parti, celui qui a fait la Suisse moderne. Ensuite, parce qu’il a été le premier président du parti fusionné, le parti libéral-radical suisse. Mais surtout, parce que l’homme a de l’envergure. Assurément, il en impose.

     

    Calme, posé, cérébral, non dénué d’humour, parfaitement polyglotte (son français est impeccable, son allemand aussi), il représente, au niveau national, la puissance de volonté et de démonstration de la Raison. Vernunft. Il est, profondément, comme le Valaisan Pascal Couchepin, un homme du Freisinn. Entendez le libre arbitre, la libre conscience, la responsabilité : que de mots latins pour traduire un concept allemand qui, depuis les Lumières du dix-huitième siècle, a marqué l’Histoire politique de l’Europe.

     

    Vernunft, Freisinn. Oui je sais, amis tessinois, il est paradoxal qu’il me faille aller chercher dans la terminologie allemande les mots qui me semblent justes pour évoquer Pelli. Au fond, il pourrait être, comme Couchepin, un radical zurichois. Pas nécessairement dans le sens négatif, affairiste, de la Bahnhofstrasse, mais enfin c’est un radical qui n’a pas peur – comme certains Romands – de l’économie. Les conseils d’administration ne l’effraient pas. Il connaît les questions d’argent, et ne rougit pas à les évoquer. Pour autant, on ne saurait cantonner Pelli à cette seule dimension : il se hisse sans problème au niveau de l’Etat et des intérêts supérieurs du pays.

     

    Les Romands ont apprécié Fulvio Pelli dans ses années de présidence. On souriait de son côté toujours très cérébral, très rationnel. On a pu pasticher son discours très conceptuel, aux antipodes de l’immédiateté émotionnelle de l’image. Je crois que Fulvio Pelli est l’homme le moins porté sur le populisme qu’il m’ait été donné de connaître. Assurément, son successeur, Philipp Müller, a un langage plus simple, plus direct, plus proche du grand public.

     

    Comme journaliste romand, j’aimerais dire ici son immense disponibilité. Entre 2008 et 2010, j’animais à Genève, en plus de mon émission TV du soir, une heure de Matinales sur Radio Cité, une antenne locale. Un matin sur trois, toujours de bonne humeur, Fulvio Pelli venait en découdre en direct (en duplex) avec son meilleur ennemi, le Valaisan Christophe Darbellay, président du PDC suisse. Il savait bien que l’audience était confidentielle, mais venait quand même, et je crois que c’était par amour du jeu rhétorique. Car cet avocat aime les mots. Et les manie avec élégance. Et ces duos entre anciens adversaires du Sonderbund ont donné d’inénarrables moments de radio.

     

    Moi journaliste de Genève, je me sens avec ce Tessinois un trésor commun : d’abord le pays lui-même, cette citoyenneté partagée ; mais aussi la passion du discours politique, les grandes références qui ont fondé le radicalisme suisse : Freisinn, Vernunft. Responsabilité. Engagement. Je souhaite au jeune retraité des Chambres fédérales de belles années dans son canton. Il l’a représenté avec beaucoup de présence sous la Coupole fédérale. Il ne m’aurait pas déplu qu’en 2009, il parvînt au plus haut niveau de responsabilité de ce pays.

     

    Pascal Décaillet