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Fulvio Pelli : un cérébral plein d'humour

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Édito du Giornale del Popolo - Jeudi 06.03.14

 

Je ne vais tout de même pas, moi journaliste établi à Genève, présenter Fulvio Pelli aux lecteurs tessinois ! Cet homme de 63 ans, qui quitte le Parlement fédéral après 18 années passées sous la Coupole, a été l’une des personnalités marquantes de la politique suisse. D’abord, parce qu’il a été le dernier président du parti radical suisse, le grand vieux parti, celui qui a fait la Suisse moderne. Ensuite, parce qu’il a été le premier président du parti fusionné, le parti libéral-radical suisse. Mais surtout, parce que l’homme a de l’envergure. Assurément, il en impose.

 

Calme, posé, cérébral, non dénué d’humour, parfaitement polyglotte (son français est impeccable, son allemand aussi), il représente, au niveau national, la puissance de volonté et de démonstration de la Raison. Vernunft. Il est, profondément, comme le Valaisan Pascal Couchepin, un homme du Freisinn. Entendez le libre arbitre, la libre conscience, la responsabilité : que de mots latins pour traduire un concept allemand qui, depuis les Lumières du dix-huitième siècle, a marqué l’Histoire politique de l’Europe.

 

Vernunft, Freisinn. Oui je sais, amis tessinois, il est paradoxal qu’il me faille aller chercher dans la terminologie allemande les mots qui me semblent justes pour évoquer Pelli. Au fond, il pourrait être, comme Couchepin, un radical zurichois. Pas nécessairement dans le sens négatif, affairiste, de la Bahnhofstrasse, mais enfin c’est un radical qui n’a pas peur – comme certains Romands – de l’économie. Les conseils d’administration ne l’effraient pas. Il connaît les questions d’argent, et ne rougit pas à les évoquer. Pour autant, on ne saurait cantonner Pelli à cette seule dimension : il se hisse sans problème au niveau de l’Etat et des intérêts supérieurs du pays.

 

Les Romands ont apprécié Fulvio Pelli dans ses années de présidence. On souriait de son côté toujours très cérébral, très rationnel. On a pu pasticher son discours très conceptuel, aux antipodes de l’immédiateté émotionnelle de l’image. Je crois que Fulvio Pelli est l’homme le moins porté sur le populisme qu’il m’ait été donné de connaître. Assurément, son successeur, Philipp Müller, a un langage plus simple, plus direct, plus proche du grand public.

 

Comme journaliste romand, j’aimerais dire ici son immense disponibilité. Entre 2008 et 2010, j’animais à Genève, en plus de mon émission TV du soir, une heure de Matinales sur Radio Cité, une antenne locale. Un matin sur trois, toujours de bonne humeur, Fulvio Pelli venait en découdre en direct (en duplex) avec son meilleur ennemi, le Valaisan Christophe Darbellay, président du PDC suisse. Il savait bien que l’audience était confidentielle, mais venait quand même, et je crois que c’était par amour du jeu rhétorique. Car cet avocat aime les mots. Et les manie avec élégance. Et ces duos entre anciens adversaires du Sonderbund ont donné d’inénarrables moments de radio.

 

Moi journaliste de Genève, je me sens avec ce Tessinois un trésor commun : d’abord le pays lui-même, cette citoyenneté partagée ; mais aussi la passion du discours politique, les grandes références qui ont fondé le radicalisme suisse : Freisinn, Vernunft. Responsabilité. Engagement. Je souhaite au jeune retraité des Chambres fédérales de belles années dans son canton. Il l’a représenté avec beaucoup de présence sous la Coupole fédérale. Il ne m’aurait pas déplu qu’en 2009, il parvînt au plus haut niveau de responsabilité de ce pays.

 

Pascal Décaillet

 

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