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Liberté - Page 1066

  • Campagne: l'arrogance des sortants

     

    Sur le vif - Lundi 09.09.13 - 09.21h

     

    Certains candidats des partis gouvernementaux sortants, légèrement assoupis par des décennies de présence au pouvoir et de partage des prébendes, ne semblent pas exactement avoir compris une chose: nous sommes dans une période d'élections. Donc:

    1) Une élection consiste à élire de nouvelles équipes, avec de nouveaux souffles, de nouvelles visions. Non à reproduire les politiques passées. Le moins qu'on puisse dire est que la législature finissante, littéralement à bout de souffle (au niveau gouvernemental), appelle à une immense respiration pour inventer autre chose, avec d'autres figures.

    2) Il ne sert à rien de s'égosiller en martelant: "Nous sommes gouvernementaux". Nul parti n'est gouvernemental par essence, ni par loi divine. Il l'est, si une majorité du peuple souverain a élu un ou plusieurs représentants de ce parti dans un gouvernement. Rien d'autre que cela. Il n'y a donc aucune onction morale à être "gouvernemental", c'est juste le résultat d'une mécanique électorale. Remise en action tous les quatre (ou cinq) ans. Cela s'appelle la démocratie. A moins qu'on ne préfère la désignation censitaire, façon Restauration, entre gens du même monde. Avec l'argent du patronat pour faire la différence.

    3) Le mépris des installés d'aujourd'hui face aux formations nouvelles, non gouvernementales ou même non parlementaires, dénote une conception bien étrange de la démocratie. Une élection consiste justement à tout remettre en jeu, et il est parfaitement sain que de nouveaux partis (Verts libéraux, PBD, Pirates, et autres) s'essayent à la bataille. A noter, en passant, que le candidat de l'un de ces partis, M. Seydoux, vient véritablement au front avec des propositions précises et concrètes. Notamment une réflexion innovante sur la rétribution de certaines activités. On peut les combattre, ces idées, mais au moins elles existent. Plutôt que de hausser les épaules, certains feraient bien d'affiner la précision et l'originalité de leurs propositions.

    4) Il ne sert à rien de hurler que tel parti "n'a pas de propositions", alors que manifestement il en a, mais que les installés du pouvoir sortant, par un mécanisme de rejet et de déni, n'ont simplement jamais voulu les écouter. On verra bien, si le peuple les entend ou non. On n'a pas à lui dicter sa surdité. Surtout lorsqu'on s'appelle soi-même, depuis plus de sept interminables décennies, "l'Entente".

     

    Pascal Décaillet

     

  • Adieu ma mère, adieu mon coeur

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    Sur le vif - Samedi 07.09.13 - 15.57h

     

    Hier soir, sur la chaîne Toute l'Histoire, remarquable reportage sur quelques Français qui, début juillet 1962, ont choisi de rester en Algérie ! Alors que des centaines de milliers de leurs compatriotes, Pieds-Noirs comme eux, prenaient dans la précipitation le chemin de l'exil.


    Ils ne sont bien sûr qu'une infime minorité à être restés. Certains par idéologie, comme ce Monsieur de près de 90 ans aujourd'hui qui avait, à l'époque française, soutenu le FLN, et dont certains camarades de combat figurent au nombre des guillotinés de 56-57, sous un Garde des Sceaux qui s'appelait François Mitterrand. Cf http://pascaldecaillet.blogspirit.com/archive/2011/01/01/mitterrand-l-algerie-la-guillotine.html .



    D'autres ont choisi de rester par viscéral attachement à la terre natale. Français d'Algérie, Algériens d'origine française, disent-ils. N'entendant pas trancher l'ambiguïté de cette double appartenance en retournant dans une Métropole qu'ils ne connaissaient même pas. Leur terre, leur patrie, depuis 132 ans, c'était le sud de la Méditerranée, pas le nord. Certains, en vertu d'une clause des Accords d'Evian, ont tenté de demander la nationalité algérienne, d'autres pas.



    Deux périodes, très claires: pendant l'ère Ben-Bella (1962-1965), les choses se passent encore bien. Avec le mouvement d'arabisation lancé par Boumediène c'est autre chose. Mais enfin, ils sont restés, traversant cinquante ans d'Histoire d'Algérie post-coloniale, dont les terribles années 90, celles des massacres atroces et d'une véritable guerre civile entre armée et islamistes.



    Sublime reportage, principalement à Oran et Alger, mais aussi chez un paysan, exportateur d'olives. Certains de ces Français ont tenté d'aller vivre quelques années en Métropole. Mais la puissance d'attraction de la terre natale était trop grande: ils sont revenus en Algérie. Pour y vivre. Et pour y mourir.


    Impossible, en voyant ces images et ces témoignages, de ne pas penser à Camus. Ou à Jules Roy: "Adieu ma mère, adieu mon coeur". Pour la vie. Et pour la mort.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Les 125 ans d'un grand parti


    Édito publié ce matin en première page du Giornale del Popolo 


     
    Le parti socialiste suisse, qui va fêter ses 125 ans cet automne, est un grand parti de notre pays, dont il a largement contribué à écrire l’Histoire. Son trajet, depuis sa création, le 21 octobre 1888, à Berne, par la Conférence ouvrière suisse, épouse au fond le destin de la nation, ses moments de bonheur et de prospérité, comme les années Tschudi avec son tempo réformateur de l’AVS, mais aussi les périodes de division et d’immenses tensions, comme la grève générale de novembre 1918. Parti gouvernemental au niveau fédéral depuis 1943, deux représentants depuis 1959, présent dans tous les combats, nous ayant donné de grandes figures. Oui, nous devons beaucoup à cette famille politique.
     


    Quand on scrute l’Histoire politique suisse, on a toujours l’impression que tout se cristallise dans la seconde partie du dix-neuvième siècle, cette période folle entre le Sonderbund (1847), immédiatement suivi par la naissance de la Suisse moderne (1848) et la Grande Guerre (1914). C’est là que se créent, au niveau national, nos partis politiques, mais aussi nos grands journaux, là que se préparent les fronts du vingtième siècle.


     
    Le parti socialiste suisse est né d’un centralisme fédéral. Il est créé d’en haut. Ce qui n’est le cas ni chez les radicaux, ni chez les catholiques conservateurs, qu’on appellera beaucoup plus tard (1971) le PDC. Nous avions expliqué ici même, pour les 100 ans du PDC suisse, à quel point il avait fallu, dans le Congrès fondateur de Lucerne, fédérer des traditions cantonales incroyablement disparates, n’ayant au fond en commun que la souche catholique et la volonté de revanche du Sonderbund.


     
    Chez les socialistes suisses de la fin du dix-neuvième siècle, on accepte d’autant mieux l’idée unitaire qu’on est très minoritaire : premier élu au National en 1890, dix-huit élus en 1911, avec pour la première fois un groupe parlementaire. Accueil de Lénine en pleine Première Guerre mondiale, refus du budget militaire en 1917, Comité d’Olten en 1918 et appel à la grève générale. Cette grève, du 12 au 14 novembre, dans l’immédiate foulée de l’Armistice et sur contexte de Révolution allemande, est l’un des événements majeurs de notre destin national. La bourgeoisie, traumatisée par l’idée d’une Suisse aux mains des Soviets, a tenté pendant des décennies d’en étouffer l’historiographie. Elle a évidemment eu tort : la vérité revient toujours.


     
    Toujours est-il que les premières élections à la proportionnelle en 1919  (l’une des revendications du Comité d’Olten) permettent aux socialistes de doubler leur représentation au National : ils passent de 20 à 41 sièges. Pas encore mûrs pour être gouvernementaux, mais assurément appelés à se glisser dans le cercle des responsabilités, l’élaboration des lois : c’est ainsi, dans l’Histoire suisse, qu’en douceur, avec le temps, les partis issus de la marge et de la protestation, entrent dans le système. Cette faculté de récupération des oppositions est un trait de génie de notre culture politique.


     
    Dans les années suivantes, l’ascension continue. Très bon résultat aux élections fédérales de 1931, refus du Front commun avec les communistes en 1933, prise du pouvoir (démocratique !) à Genève la même année, autour de Léon Nicole (exclu du parti en 1939), victoire aux élections de 1943, et cette même année, premier conseiller fédéral, le Zurichois Ernst Nobs. À partir de là, à part quelques années d’absence au milieu des années 50 suite à la démission de Max Weber, les socialistes seront toujours au cœur du pouvoir, passant à deux conseillers fédéraux en 1959, dont l’immense Tschudi (1959-1973), que j’ai eu l’honneur d’interviewer à Bâle, chez lui, pour ses 80 ans, et qui a tant fait pour nos assurances sociales.


     
    La suite, on la connaît, c’est une Histoire qui nous est plus proche, beaucoup d’entre nous l’ont même vécue : psychodrame de 1983 suite à la non-élection d’une femme, la Zurichoise Lilian Uchtenhagen, à laquelle l’Assemblée fédérale préfère le Soleurois Otto Stich, menaces de quitter le Conseil fédéral, finalement le parti choisit d’y rester. Trente ans après, toujours deux conseillers fédéraux, la Bernoise Simonetta Sommaruga et le Fribourgeois Alain Berset.


     
    Je n’ai esquissé, ici, que quelques repères dans l’Histoire du parti national, n’entrant pas dans les diversités cantonales (les Tessinois en savent quelque chose !), tentant tout au plus de montrer la remarquable trajectoire d’intégration de ce parti au cœur de notre vie politique et de nos institutions. Assurément, le parti socialiste suisse sera encore de longues années avec nous. Avec des hauts et des bas, des querelles internes, de grandes personnalités à Berne, dans nos villes et nos cantons. Souhaitons-lui un excellent anniversaire. Enrichissons-nous de sa présence, dans la nécessaire dialectique qu’exige notre démocratie.
     
     
    Pascal Décaillet