Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Liberté - Page 1069

  • Chasse aux sorcières

    despot.jpg 

    Coup de Griffe - Lausanne Cités - Mercredi 28.08.13


     
    Tout le monde connaît Slobodan Despot, longtemps actif dans le canton de Vaud, à l’Âge d’Homme puis patron de Xenia, sa propre maison d’édition. Un esprit libre, audacieux, une figure. Un éveil, une curiosité littéraire d’exception. La gauche le déteste, parce qu’il n’est pas exactement des leurs. La droite convenable, gouvernementale et en cravate s’en méfie, parce qu’il est fou, et que la folie ne figure pas dans leur programme de législature.
     
    Et là, tout ce beau monde se réveille et vocifère, parce qu’Oskar Freysinger a confié à Despot un mandat externe de communication. Comme si le diable avait engagé le diable. Vous pensez, hurlent-ils, un copain ! À ces belles âmes, nourries soit de la plus doucereuse des candeurs, soit de la plus tenace des mauvaises fois, nous conseillons d’aller se renseigner sur l’entourage de nos conseillers d’Etat de Suisse romande, tous bords confondus. Et de revenir statuer sur le critère de « copinage ».
     
    Qu’un magistrat socialiste engage un socialiste dans son état-major personnel, monnaie courante. Que les radicaux fassent de même, nul ne s’en émeut. Mais Freysinger-Despot, ça ne passe pas. Pure censure de quelques-uns, rien d’autre. Ces gens-là, qui se proclament d’ouverture, ont la tolérance bien sélective. Elle ne se pratique qu’à ceux qu’ils agréent. Parce que leurs idées ne les gêne pas.
     
     
    Pascal Décaillet

     

  • L'Europe, le destin et l'urbanité du ping-pong

    ping-pong-1802.jpg 

    Sur le vif - Samedi 24.08.13 - 18.33h

     

    Encore les commissions parlementaires ! C'est, à l'entendre à l'instant (18.17h) sur la RSR, le seul horizon d'attente de Johann Schneider-Ammann, en matière européenne. Comme son collègue Burkhalter ! Comme si ce jeu de miroirs de la Berne fédérale était le seul théâtre d'opérations de la Suisse ! C'est justement le thème de mon édito du Giornale del Popolo, publié ce matin en une de ce quotidien tessinois, et reproduit ici, en début de matinée, sous le titre "La Suisse a-t-elle une politique européenne?".


    Il ne s'agit pas de nier l'importance de la dialectique Gouvernement-Parlement via les commissions. Mais enfin, le débat européen, en Suisse, mérite une autre ampleur que cette urbaine partie de ping-pong entre acteurs du microcosme bernois. Il doit impérativement, ce débat, être celui de toute la nation. Comme il le fut, au fond, dans l'année 1992. Et cela, quelles que soient nos options: voie solitaire, bilatérales, adhésion. Les couches profondes du peuple citoyen doivent se réapproprier la discussion, même vive, sur l'avenir de nos relations avec l'Union européenne.

     

    Parce que franchement, laisser cela à deux ministres sans vision, et à quelques commissaires de politique étrangère, ça n'est pas sérieux. Le destin suisse mérite mieux. Et les décisions à prendre devront être scellées d'une légitimité tellurique, celle qui vient d'en bas. Dans ce domaine comme dans d'autres, la démocratie directe devra avoir son mot à dire.

     

    Pascal Décaillet

     

  • La Suisse a-t-elle une politique européenne ?

     

    Édito publié ce matin en une du Giornale del Popolo - Samedi 24.08.13


     
    La question est simple : la Suisse a-t-elle un ministre des Affaires étrangères ? Réponse : oui, il s’appelle Didier Burkhalter, et s’est montré très actif cette semaine, en inaugurant la traditionnelle Conférence des Ambassadeurs, et surtout en tentant, mercredi, de donner un nouveau souffle à notre politique européenne. La Suisse a donc un ministre, magnifique. Mais a-t-elle pour autant une politique étrangère, notamment en matière européenne ? Là, la réponse est beaucoup plus complexe, et va chercher dans les limites d’un homme dont nul ne nie la sincérité de son attachement au pays, mais dont le charisme et la puissance de persuasion n’apparaissent pas comme les qualités premières. C’est dommage, parce que le rôle d’un ministre n’est pas seulement de peaufiner le travail en cabinet, mais de convaincre à grande échelle : Delamuraz, par exemple, avait cette fibre.


     
    Ainsi, mercredi soir, à la Radio Suisse Romande, Didier Burkhalter apparaissait comme un homme pointilleux et précis, habile même peut-être, mais toujours aussi étriqué et décevant lorsqu’il définissait le champ à convaincre, ce que les spécialistes appellent l’horizon d’attente : cet espace, défini au plus large, n’est jamais donné comme étant le peuple suisse, pourtant souverain, mais au mieux c’est la Commission de politique extérieure du National ! Toujours, dans la tête du conseiller fédéral, cette hyper-représentation du Parlement, comme si ce dernier n’était que le seul théâtre d’opérations de notre politique. Un cercle fermé, caucasien comme chez Brecht, tracé à la craie, avec son éternel jeu de miroirs, mais dont la Suisse profonde, celle des millions d’électeurs et citoyens, se trouve coupée. On dirait que M. Burkhalter ne vit et n’existe que dans ce décor-là, celui des commissions parlementaires, au mieux le plénum, le tout sous la molasse sacrée de la Berne fédérale.


     
    Mercredi toutefois, Didier Burkhalter a tenté de convaincre sur une échelle plus large. Il a dévoilé les intentions du Conseil fédéral en matière européenne : poursuivre la voie bilatérale, avec un mandat de négociation Berne-Bruxelles sur la question institutionnelle. Surtout, le ministre veut ignorer le débat qui a enflammé une partie de la classe politique suisse cet été, notamment du côté de l’UDC et du PDC : la question des juges étrangers. Pour rappel, les négociateurs du DFAE, à commencer par le secrétaire d’Etat Yves Rossier, sont entrés en matière pour que la Cour européenne de justice puisse être instance d’arbitrage, entre la Suisse et l’Europe, sur l’application des bilatérales. Tollé dans une bonne partie de la droite du pays, tous partis confondus, je dis bien tous.


     
    Toujours mercredi soir à la RSR, le ministre s’embrouillait dans les arguments techniques pour tenter de nous convaincre que l’avis de la Cour européenne ne serait pas final. Assurément, l’argutie ne portera pas : la question des juges étrangers, qu’on remonte ou non à 1291 (je refuse pour ma part de m’ancrer dans une mythologie aussi lointaine), est très sensible au cœur et au patriotisme des Suisses. Elle ne passera pas. Sous-estimer la puissance de ce symbole, de la part d’un ministre, est une erreur, et le président du PDC suisse, Christophe Darbellay, a eu parfaitement raison de défendre l’indépendance et la souveraineté de notre pays. Il l’a fait dans un langage clair, calme, résolu, qui conforte sa position d’adversaire de M. Burkhalter, au sein de la famille de droite. La Suisse sait désormais, sur les questions de souveraineté, qu’elle peut compter sur un autre parti que l’UDC. Et d’ailleurs aussi, à titre plus ou moins avoué, sur d’innombrables membres du propre parti de M. Burkhalter !


     
    Le pire, c’est qu’à l’issue de l’exercice, destiné à nous montrer à quel point M. Burkhalter avait le soutien du Conseil fédéral, on n’en sait toujours pas plus sur l’avenir de notre politique européenne ! Le contenu du mandat de négociation n’est pas public, on sait juste que la voie bilatérale va se poursuivre. Mais franchement, qui en aurait douté ? Au final, un ministre assurément respectable, mais qui devra prendre, dans les mois qui viennent, la dimension nationale de sa mission de conviction et de communication. Ça n’est pas le domaine où il excelle le plus. Allez, disons-le comme cela, pour terminer sur un euphémisme. Belle fin d’été à tous !


     
    Pascal Décaillet