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Liberté - Page 1004

  • MCG : la Coupe des Vices

     

    Sur le vif - Samedi 22.11.14 - 17.52h

     

    En politique, le pire ennemi, c’est le succès. Vous vous battez des années, vous arrachez enfin ce que vous brûliez d’obtenir, vous croyez ouvert à vos pieds un chemin de roses : vous n’aurez droit qu’aux ronces. Rien de pire pour la droite française que la Chambre bleu horizon de 1919, ou celle de juin 1968. Pour la gauche, la majorité trop belle, trop absolue de juin 1981, dans la foulée de l’élection de François Mitterrand. C’est le charme de la politique, sa grâce imprévisible : vous vous croyez au Capitole, et c’est la Roche Tarpéienne qui vous attend.

     

    Ce qui est valable en France l’est aussi à Genève pour le MCG. Au moment même où, par une annonce hier de Mauro Poggia, ce parti triomphe sur le principe de préférence cantonale, auquel une majorité aujourd’hui se rallie, à commencer par ceux qui le conspuaient il y a quelques années, en ce moment de victoire dans la bataille des idées, le Mouvement se trouve perclus de désaccords internes néfastes à son unité, dangereux pour sa cohésion.

     

    La marque de fabrique du MCG, c’est son ouverture sociale. Notamment sa défense de la fonction publique. Afficher publiquement des signes d’hésitation, voire de désaveu de ce principe social, parce que les sirènes de l’argent facile vous seraient montées à la tête, vous entraînant dans le mirage de la fête continue, c’est risquer la dérive du Mouvement vers d’illisibles rivages, toujours nocifs en politique. Surtout pour un parti qui prétend parler clair, s’adresser en termes simples au plus grand nombre, défendre le citoyen contre la caste.

     

    Conscient de ce danger, le président du parti, Roger Golay, a eu raison de mettre les pendules à l’heure. Quitte à s’attirer des grincements internes, il a rappelé la légitimité du principe de grève, sa légalité aussi. Il n’a pas cautionné une seconde les barthassades sécuritaires. Il s’est comporté en défenseur de la fonction publique, pour une fois pas seulement la police, mais tous les serviteurs de l’Etat, à commencer par les plus modestes. Il a plu à certains, déplu à d’autres (y compris dans son propre camp, où monte la tentation ploutocratique). Il a choisi. Il a délivré un message clair, lisible. Vous en penserez ce que vous en voudrez, mais moi j’appelle cela du courage. D’autant que certains, chez les siens, ne se sont pas privés de lui faire la leçon. Il y a des fois, quand on est chef, où il faut savoir accepter les secousses.

     

    Reste que le MCG aurait intérêt à clarifier sa position face aux puissances – si séduisantes, envoûtantes – de l’Argent. En sachant se montrer ferme vis-à-vis de l’incroyable attaque lancée depuis le début de la législature, par des rangs principalement PLR (mais avec aussi, au MCG, des ennemis de l’intérieur) contre les services publics, les employés de l’Etat, si ce n’est les locataires, et pourquoi pas un jour les patients. L’immense capacité de séduction, et de ralliement, de ce nouveau parti a été jusqu’à maintenant de rouler à la fois du côté des colères populaires et de la justice sociale. S’il devait casser cette dualité pour ne devenir que la soubrette des libéraux, alors autant arrêter tout de suite. Et laisser les ancestralités patriciennes reprendre pignon sur rue, avec leurs gens et leurs valets. Pour tenir ce dernier rôle, qui n’est certes pas rien chez Beaumarchais ou Marivaux, les aspirants se pressent au portillon. Avec leurs âmes rampantes, vendues au plus offrant.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • La Confrérie des Evanescents

     

    Sur le vif - Vendredi 21.11.14 - 17.05h

     

    Un conseiller d’Etat chargé des transports qui parle trop, dit tout et n’importe quoi, oublie de réfléchir avant de s’exprimer. Un ministre de la police qui se tait. Un président qui rase les murs. Diaphane collégiale ! Dont le chœur serait aphone, la vocation muette. A l’instar de ces carrés de prière, aux heures pâles des matines, en pulsionnelle attente d’apparition. Oui, le gouvernement a donné cette semaine l’impression d’un couvent de l’armée morte, en deuil de son propre épuisement. Comme si, au cinquième seulement d’un mandat qui apparaît comme interminable, il avait déjà atteint l’extrémité de son souffle, le Finistère de ses capacités.

     

    Pour en être déjà là, à ce degré d’épuisement dans l’ordre de la cohérence et de la lisibilité, c’est tout de même un peu tôt dans la législature. Dans l’affaire des TPG, la communication a été catastrophique. Le ministre des transports évoque mardi soir, dans la veillée d’armées de la grève, une présence de la police sur laquelle il n’a manifestement aucune garantie de son collègue chargé de la sécurité. Donc, soit il s’est avancé seul, sans couverture, a tenté le bluff, a tout raté. Soit, on lui avait donné un semi-feu vert, et on l’a laissé tomber, ce qui en dit long sur l’estime qu’on lui porte du côté des deux ministres radicaux.

     

    Il est vrai que chez ces gens-là, extatiques du conciliabule, on n’aime pas trop les collègues trop bavards. On est excédé par son sens de la fête, avec lui c’est tous les jours la Saint-Martin, le cochon qu’on étripe, la joie de vivre, l’omniprésence sur les réseaux virtuels. De quoi rendre cinglés le Grand Horloger de la machine d’Etat, et l’éternel jouvenceau surdoué qui ne se calmera que lorsqu’ il sera commissaire européen. Autant l’autre PDC, qui fut six fois Maire et maintes fois père, est immédiatement, dès le premier jour, entré dans la tonalité qu’on attendait de lui, autant le vociférant motard déroute. Il est vrai que cette semaine, en matière de perte de contrôle et de sortie de piste, il a fait fort.

     

    L’une des fonctions magnifiquement perverses d’un conflit social est de servir de révélateur (oui, comme en médecine) des dysfonctionnements du pouvoir en place. En l’espèce, elle fut accomplie au-delà de toute espérance. Rarement gouvernement n’aura aussi mal réagi à une grève dont tout le monde admettra qu’elle était, somme toute, plutôt bénigne. Tout le monde, à part le PLR, dont la belle jeunesse aurait intérêt, avant de dire et d’écrire n’importe quoi, à se renseigner un peu sur le tragique dans l’Histoire. Car enfin, ces jeunes encravatés qui voudraient déjà tant ressembler à leurs aînés, entrer dans la carrière, que savent-ils du travail et de sa souffrance, des rythmes et des cadences, de l’organisme qui vieillit dans un corps d’homme ou de femme, encore et toujours sollicité pour demeurer à l’ouvrage ?

     

    En résumé, on nous promet la police, mais elle ne vient pas, Dieu merci d’ailleurs. On nous promet le service minimum dès 06.30h, mais il n’y en aura aucun. L’orage passé, on cherche lâchement des coupables, en laissant entendre que l’échelon de responsabilité ne serait pas celui du gouvernement, mais celui de la présidente de la régie. Déjà, cette dame semble pouvoir faire ses valises. Déjà sans doute, lui a-t-on désigné un remplaçant. Un homme du sérail. Un fidèle. Un qui ne fera pas d’histoires. Il y en a, comme cela, deux ou trois, dans les carnotzets de la Confrérie, parfaitement interchangeables, d’une régie l’autre, pour parodier Céline. Nous ne sommes certes pas encore à Sigmaringen. Mais l’exil intérieur, déjà, habite le royaume. Et il nous reste quatre ans avec cette équipe-là. Putain c’est long, quatre ans. Comme un chemin de pénitence dans la friche du couvent.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Pierre Maudet doit balayer devant sa porte

     

    Commentaire publié dans GHI - 19.11.14


     
    La grande mode, dans la presse romande, c’est de dérouler le tapis rouge à Pierre Maudet pour qu’il puisse s’exprimer, sans le moindre contradicteur et si possible sur une double page, sur tous les sujets possibles et imaginables, comme représentant du progrès, de la vision d’avenir, de la réforme. Dernier épisode en date : deux pages du Temps, vendredi 14 novembre, pour que le surdoué de la politique genevoise nous dise tout le mal qu'il pense de la classe politique suisse, incapable à ses yeux de construire un après-9-février.


     
    Tout cela est très bien, et j’avoue être le premier, lorsqu’il vient sur mon plateau TV, à décocher à Maudet ces fameuses « questions subsidiaires », que nous adorons lui et moi, et où il est souvent bien meilleur, dans les réponses, que sur les sujets – parfois pesants – sur lesquels il était censé venir. Mais l’exercice commence à présenter des limites : à trop briller hors de son cercle d’autorité (la sécurité à Genève, ce qui n’est pas rien !), l’éternel jouvenceau aux mille ruses pourrait encourir le grief de botter en touche. Et se voir formuler l’invitation à balayer devant sa porte, s’occuper des sujets qui le regardent, ceux sur lesquels il a prise.
     


    Justement, ces derniers ne manquent pas. Malaise dans la police, grogne dans le monde pénitentiaire, directeur de Curabilis qui démissionne, police des polices envoyée sur place, pour ne prendre que quelques exemples. Dès lors, un peu plus de parole intérieure et un peu moins de propos externes ne seraient pas nécessairement à négliger. Vous remarquerez à quel point, dans ma formulation, je demeure poli. Parce que Pierre Maudet, au fond, je l’aime bien.


     
    Pascal Décaillet