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Sur le vif - Page 874

  • Gauchebdo, Circé, les pourceaux

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    Sur le vif - Samedi 29.06.13 - 17.42h

     

    A nouveau un remarquable numéro de Gauchebdo (no 26-35, spécial été, 28 juin 2013). Un journal qui respecte ses lecteurs, ne les prend pas pour des demeurés, leur élargit le champ du possible. Pour le seul volet culturel de cette édition, on retiendra, en vrac, une demi-page sur le Festival de Lucerne, d'Ernest Ansermet à Claudio Abbado; un papier sur la réédition de "La Pacification" de Hafid Keramane, sur les heures noires de la guerre d'Algérie; une page complète autour des 125 ans de Gottlieb Duttweiler, le fondateur de la Migros, avec un encadré plutôt sévère sur la mégalomanie de ses épigones. Ou encore, un bel hommage à Jean Ferrat.



    Gauchebdo, le journal de quelques militants communistes suisses, enfin disons Parti du Travail et poussières de météorites gravitant autour, qui nous propose, au mètre carré de pagination, la meilleure densité du week-end. Pour nous ouvrir des horizons historiques, philosophiques et artistiques. Non à la manière de Circé, qui transforme en pourceaux les compagnons d'Ulysse. Mais comme des humains fiers de leur plume, habités par l'idée de transmettre au plus grand nombre, à commencer par ceux qui n'ont pas nécessairement un accès facile à la culture. Noble tâche !



    Pendant ce temps, la presse orangée de la semaine (pas celle du dimanche, j'en conviens), captive de ce méga-groupe transformé par les Zurichois en machine à fric et rien d'autre, et fabriquée par une armada de collaborateurs en comparaison du modeste et artisanal successeur de la Voix ouvrière, nous produit de la sous-culture sur des sujets frivoles, pétaradants d'insignifiance,  totalement dénués d'intérêt public. Il y a de quoi enrager.

     

    Cette disproportion, ce jeu de fange et d'éclairs, d'un côté des fragments d'intelligence, de l'autre le boueux mépris du public, il faudrait n'en point parler ? Se taire ? Laisser au vestiaire sa révolte. A cela, je dis non. Le presse romande mourra de son manque d'ambition et de courage. Il est tout de même assez fou qu'il appartienne à une feuille politique datant de 1944, fruit de la passion d'une poignée de Mohicans, de sauver ce qui reste d'honneur. Ils sont là, roides et fiers, archaîques paraît-il. Les autres, dégoulinant de modernité creuse, ne sont plus qu'en génuflexion. Pour certaines activités, visant à l'extase de l'actionnaire, c'est sans doute plus facile.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le Temps : tapis rouge pour Rethondes

     

    Sur le vif - Lundi 24.06.13 - 10.02h

     

    Sous la plume de notre talentueux confrère Alexis Favre, le Temps de ce matin nous explique, au nom du réalisme, les raisons d'abandonner notre souveraineté. Cela rappelle d'autres discours, à d'autres époques: soyons raisonnables, capitulons. Le Temps nous déroule un merveilleux tapis rouge, tellement convenable, tellement doux, pour signer l'armistice, dans le wagon de Rethondes, forêt de Compiègne.



    Pour notre part, nous préférons la folie du refus à la raison de l'alignement. C'est de cela, justement, oui de cette résistance, que sont nées les nations. Et nous croyons beaucoup, encore, n'en déplaise aux modes, à l'échelon national comme espace de reconnaissance de valeurs, de liberté démocratique, de mémoire commune, de citoyenneté partagée. Une chose est sûre: l'échelon multinational, ou supranational, n'a pour l'heure rien réussi à prouver dans l'ordre de ces vertus-là, le flagrant déficit démocratique de l'UE étant à lui seul suffisamment éloquent. Tous les partisans, sans exception, de l'excellente matinale spéciale Europe, ce matin, à la RSR, reconnaissaient ce déficit comme le fléau premier.



    Nous reviendrons sur ce texte du Temps, ici même, pour en élaborer une sévère critique. Regrettons enfin que l'auteur, quant à la forme, se soit cru obligé de parsemer sa démonstration de citations, ne faisant ainsi pas assez la part entre le papier journalistique classique, qui expose un problème avec les pour et les contre, et le commentaire assumé, où il convient de serrer au plus près la ligne de sa thèse. Cela vient-ils de sa propre prudence, de sa peur du conflit ou de l'Etiquette du Temps, pour ne pas froisser les salons, en matière d'auto-castration?

     

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • La totalité vivante de notre démocratie

     

    Sur le vif - Samedi 22.06.13 - 09.53h

     

    La Suisse est, au niveau fédéral comme dans les cantons, un régime (ou un ensemble de régimes) exagérément parlementaire. Tous, nous accordons intellectuellement beaucoup trop d'importance aux moindres faits et gestes de nos Assemblées législatives. Elles sont certes fondamentales. Mais la démocratie suisse, unique au monde, est un tissu tellement plus vivant, tellement plus global. Initiatives. Référendums. Possibilité, pour les citoyens, d'influer d'en bas sur le cours des choses. Souveraineté ultime accordée au collège de l'ensemble des citoyens, qu'on appelle "peuple".

     

    Les perroquets des Pas perdus



    Dans ce système total, les Parlements cantonaux et le Parlement fédéral occupent à coup sûr une place de choix, et il faut être reconnaissant à ceux qui se dévouent pour y siéger. L'immense majorité de nos élus sont habités par le sens de la chose publique. Mais les Parlements, chez nous, ne sont qu'un échelon de la vie démocratique. Nous avons tendance à les surestimer. Regardez le service public audiovisuel: dès qu'une initiative a récolté les signatures, le Mammouth passe plus de temps à se tétaniser sur l'avis des Chambres (en général, pour balayer le texte), qu'à nous présenter... l'initiative elle-même ! Et les accrédités de la molasse bernoise, perroquets des Pas perdus, pérorent à l'envi pour nous dire à quel point il faut refuser ce texte, "excessif", "de toute façon inapplicable", "contraire au droit supérieur". Bref, s'alignent immédiatement, par réflexe, sur le pouvoir en place, lorsque ce dernier est, sur un objet précis, contesté par au moins cent mille de nos concitoyens.



    C'est absurde. Parce que justement, si une initiative existe, et a fortiori a recueilli plus de cent mille signatures, c'est qu'elle vient corriger un déficit d'écoute des élus. C'est cela, le génie de notre démocratie, ce mécanisme correctif qui permet au peuple de rétablir sa vision souveraine. Combien de fois une initiative sèchement refusée par le Parlement, et par l'immense majorité de la classe politique, méprisée et jugée comme pendable par 97% de la presse, n'est-elle pas, au final, acceptée par le peuple ?

     

    Souffle, sève et vie

     

    Notre démocratie directe, c'est la possibilité raisonnée, organisée, constitutionnelle, de "lever la Matze", comme on dit en Valais. C'est un extraordinaire fusible pour exprimer quelque chose de puissant, évidemment de l'ordre d'un mécontentement, surgi des entrailles, non d'en haut. Ca n'est pas de la doxa (l'opinion), encore moins du plêthos (le peuple, juste dans sa masse), mais bel et bien du démos (le peuple électeur), puisque c'est un mécanisme inscrit dans nos lois. L'utiliser, c'est faire vivre la démocratie, et non la déranger, comme voudraient nous le faire croire nos éditorialistes accrochés au pouvoir.

     

    Le culot de ces journalistes de pouvoir, lorsqu'ils viennent parler de "mise en danger des institutions", alors qu' au contraire, un texte jailli d'en bas vient leur donner souffle, sève et vie, à ces institutions. Ils confondent juste "institutions" avec "pouvoir en place". Avec lequel il est si confortable de se sentir bien, entre gens convenables.

     

    Carte de visite trompeuse


    Pendant des années, à Berne, j'avais sur ma carte de visite "correspondant parlementaire". Titre objectivement faux: j'étais correspondant politique, basé au Palais fédéral. Certes, nous avions nos bureaux, à l'époque, à quelques mètres des deux Chambres fédérales, et vivions littéralement sous la Coupole, en symbiose avec les parlementaires et l'administration. Mais enfin, je couvrais aussi le Conseil fédéral, les Offices, les Assemblées de partis, les associations patronales et syndicales, j'allais dans les cantons. Il y avait déjà dans ce titre, "correspondant parlementaire", une exagération métonymique de l'échelon législatif. Elle est significative de notre excessive focalisation, en Suisse, sur un pouvoir qui a certes toute sa place, mais ne représente de loin pas, à lui seul, la totalité vivante de notre démocratie.

     

    Pascal Décaillet