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Sur le vif - Page 814

  • 9 février : et si la gauche votait oui ?

     

    Sur le vif - Samedi 11.01.14 - 17.22h

     

    Quelle Suisse la gauche veut-elle pour les deux ou trois décennies qui nous attendent ? Face à la poussée migratoire sur le marché du travail, les forces qui se veulent « progressistes », vont-elles défendre les travailleurs de notre pays ou se cramponner à un discours de type moral, totalement déplacé face à l’enjeu du scrutin ? Certains socialistes, certains Verts même (allez, rêvons) tenteront-ils de comprendre pourquoi leurs camarades de parti, au Tessin, soutiennent l’initiative « contre l’immigration de masse », sur laquelle nous votons le 9 février ? Ou se contenteront-ils de traiter de retardés leurs collègues du Sud des Alpes ?

     

    La gauche de ce pays va-t-elle, comme un seul homme, sous le seul prétexte que l’initiative vient de l’UDC, donc frappée du sceau de la malédiction, se conduire en alliée d’un libre-échangisme pur et dur qu’elle a passé une bonne partie de son Histoire à combattre ? Ces questions ne sont pas résolues. Elles ne le seront que dans quatre semaines et un jour. Mais recèlent l’une des inconnues d’évolution de l’opinion publique d’ici le 9 février. L’autre, à droite, ce sera la réaction de l’électoral PLR de souche radicale et populaire aux propos, hier, de leur président national de parti, l'Argovien Philipp Müller. Car la quasi-unanimité, tout à l’heure à Schwanden (GL) de l’Assemblée des délégués ne reflète pas nécessairement le sentiment profond de la base. Soucieux d’unité de matière, nous y reviendrons.

     

    Mais la gauche ! Que va-t-elle voter, dans le secret de l’urne ? Hier soir à Forum, invité parmi d’autres à commenter le dernier en date des ineffables sondages Gfs-SSR, Christian Levrat, le patron du parti socialiste suisse, a utilisé à deux reprises l’expression « retour à la Suisse des baraques » pour stigmatiser le principe de contingents contenu dans le texte. Terminologie dûment préméditée pour créer, chez ceux (comme votre serviteur) assez âgés pour en avoir la mémoire, l’épouvante face au retour de l’époque des saisonniers, logés parfois près des chantiers, ne bénéficiant pas du regroupement familial, ne rejoignant leurs familles que trois mois par an. Cette Suisse-là, je l’ai connue, mon père était ingénieur, il était d’ailleurs fermement opposé à l’initiative Schwarzenbach de juin 1970. Mais, de la part de M. Levrat, quel amalgame ! En l’écoutant hier, je me demandais qui, dans ce pays, tentait de faire peur à qui, et avec quelles ficelles. Tant qu’on y était, on aurait pu remonter à Zola et aux grandes grèves du Nord.

     

    Une partie de la gauche nous brandit l’étendard de la xénophobie. C’est une imposture, que nous avons démontée dans notre texte précédent, paru dans le Nouvelliste et publié dans ce blog. Bien sûr que la Suisse a besoin d’immigration. Bien sûr que la mixité nous a façonnés. Bien sûr que le mélange des langues et des cultures nous a enrichis. Mais où, je vous prie, dans le texte du 9 février, serait-il question d’y renoncer ? Carrefour au centre de l’Europe, la Suisse aura toujours affaire avec les étrangers, et c’est très bien ainsi. Pourquoi nous fait-on croire qu’il s’agirait de fermer le robinet, là où il est juste question d’en régler un peu la puissance. Ré-gu-la-tion !

     

    Vouloir ce contrôle, ça n’est en aucun cas rejeter l’Autre, ni entrer dans une phase de « repli », ni nous « recroqueviller », c’est réinstaurer le contrôle citoyen, donc la volonté politique, sur un flux aujourd’hui non maîtrisé. C’est prendre pari pour les années qui viennent, pour une Suisse toujours ouverte aux échanges, toujours accueillante, mais édictant juste, comme l’immense majorité de ses voisins, quelques règles pour éviter, d’ici dix ou vingt ans, une démographie étouffante. N’est-ce pas notre droit, notre devoir même, d’anticiper aujourd’hui les problèmes de demain ?

     

    Alors, hommes et femmes de gauche, comment allez-vous voter ? Juste sur un slogan moral déplacé, celui de « xénophobie », ou avec votre fibre de défense des places de travail pour les résidents de ce pays ? Le rôle historique de la gauche est-il de soutenir servilement les intérêts de libre échange absolu d’un grand patronat dont l’ambition citoyenne n’apparaît pas comme l’impératif premier ? Une fois qu’ils l’auront sauvée, leur libre circulation, au soir du 9 février, vous croyez qu’ils vont vous les donner, vos « mécanismes d’accompagnement » visant à corriger les excès ? Pour ma part, je crois qu’ils s’empresseront de retourner à leurs chères affaires. Et, pour certains d’entre eux, à leur sous-enchère salariale sans entraves. Et là, vous la gauche, vous aurez tout perdu. Vous n’aurez plus le crédit de votre base ouvrière, qui a d’ailleurs émigré vers d’autres horizons. Et vous n’aurez plus d’alliés pour renverser la situation. Vous pourrez demeurer le parti des bobos. Mais la puissance tellurique, jaillie d’en bas, de représentants des plus précaires, vous l’aurez perdue. A vous de voir. A vous de juger.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Infrarouge : circulez, le pouvoir a parlé !

     

    Sur le vif - Mercredi 08.01.14 - 00.34h

     

    En apparence, rien à redire. En ce début d’année, les rois à peine tirés, la SSR invite le président de la Confédération. L’homme est courtois, très agréable, bien préparé, précis, percutant. Didier Burkhalter en très bonne forme. A part un épisode niais et déplacé sur son épouse, en guise de Points de vue et images du monde, en fin d’émission, le propos fut intéressant.

     

    Le problème, c’est que nous sommes à quatre semaines et cinq jours d’une votation amirale. Dans laquelle M. Burkhalter – il l’a clairement annoncé dans ses vœux – a l’intention de jouer le rôle de chef de l’opposition à l’initiative de l’UDC « contre l’immigration de masse ». A ce rôle de leader, je ne vois pour ma part aucun inconvénient. Le président de la Confédération n’est pas un eunuque, il défend la politique du Conseil fédéral, sa place est dans l’arène, pour convaincre. Je n’ai donc aucun reproche à adresser à M. Burkhalter. Il fait son job.

     

    Mais là, pendant plus d’une heure, il est mis en vedette. Même avec de rares contradicteurs (François Schaller, excellent), c’est lui qu’on voit, lui qu’on écoute, lui qu’on retient. Encore mieux mis en valeur, par ce jeu de dialectique d’enluminure, qu’au fond, s’il était seul.

     

    Bref, ce soir M. Burkhalter, lui d’ordinaire si réservé, a fait son show. Et il l’a fait sur le principe même de cette réserve dont il se réclame. Quel homme sobre, chantaient les chaumières, oubliant que la sobriété était sur scène. Mise en scène cistercienne du mystère.

     

    Ce soir, la SSR a offert plus d’une heure d’antenne au camp du non. Elle nous annonce un grand débat, d’ici quelques jours. Mais l’équilibre – le vrai – exigerait qu’un partisan du oui bénéficie sans tarder de la même plateforme que celle du militant en chef du Conseil fédéral, et dans la foulée du patronat, et de toute l’officialité politique suisse dominante, ce soir.

     

    Cette émission d’équilibre n’aura pas lieu. Parce que la SSR est à la botte du Conseil fédéral. Tout simplement.

     

     

    Pascal Décaillet

     

  • Infrarouge, une émission au service du pouvoir ?

     

    Sur le vif - Lundi 06.01.14 - 09.49h

     

    Didier Burkhalter sera demain soir le grand invité d’Infrarouge. Dans la promo qu’elle propose elle-même sur son site, l’émission écrit ceci : « A peine entré en fonction, le président de la Confédération dispose d'un mois à peine pour gagner sa première bataille : faire échouer l'initiative contre l'immigration massive. Défenseur de la libre circulation, le discret Didier Burkhalter devra aller au contact pour convaincre. Quelle est sa stratégie ? Peut-il redonner de l'élan à une relation Suisse-Europe qui s'essouffle ? Saura-t-il sortir de sa réserve pour empêcher la Suisse de se replier ? ».

     

     

    Empêcher la Suisse de se replier. Sur le site officiel de la RTS, le « service public » lève le masque : dans les mots choisis pour présenter l’enjeu du 9 février, il se place clairement du côté des opposants. Il nous annonce aussi, sans la moindre vergogne, qu’une grande partie de l’entretien avec le nouveau président de la Confédération permettra à ce dernier de faire sa pub contre l’initiative de l’UDC. Au moins, c’est clair.

     

     

    Que la RTS invite le président de la Confédération, c’est très bien. Qu’elle se précipite à le faire à moins de cinq semaines d’une votation majeure, dans laquelle Didier Burkhalter a déjà annoncé son engagement dans son discours du Nouvel An, n’est simplement pas acceptable. Et montre, s’il en était encore nécessaire, le rôle totalement engagé de la SSR dans cette votation. Un rôle qui consiste, nous le soulignons depuis des semaines, à mettre en valeur systématiquement les arguments des opposants, et en sourdine ceux des partisans.

     

     

    Car enfin, que va-t-il se passer demain soir ? Le président va profiter de sa présence médiatique pour plaider à fond pour le non. Il a bien raison, on l’invite. Mais, dans les autres éditions d’Infrarouge d’ici le 9 février, un temps de parole équivalent sera-t-il offert à un partisan – seul, comme M. Burkhalter demain – de l’initiative ? Cela, indépendamment du débat que l’émission ne manquera pas d’organiser sur le thème. Si la réponse est oui, nous serons les premiers à saluer l’équilibre du traitement. Si c’est non, alors il y aura eu, sous prétexte d’un entretien de majesté avec le primus inter pares de notre exécutif fédéral, prise d’otage du temps de parole, sur un « service public », payé par nous, en période électorale. Rien de moins.

     

    Pascal Décaillet