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Sur le vif - Page 534

  • Là où des âmes ouvertes nous attendent

     

    Publié sur mon site FB - Vendredi 18.01.19 - 11.13h

     

    La hargne inimaginable des intellectuels - ou ceux qui se prétendent tels - contre les réseaux sociaux en dit plus long sur eux-mêmes, leur panique face à une dépossession, que sur l'objet de leur discours.

     

    Monde académique (totalement dépassé par la soudaine mise en partage horizontale des connaissances), médiateurs d'hier et d'aujourd'hui, journalistes persuadés que tout cela n'est qu'un cauchemar passager, et que la vie, la vraie, celle d'avant, va pouvoir reprendre avec de bonnes vieilles rotatives à 20 millions, de bons vieux centres d'impression et d'expédition, de bons vieux courriers de lecteurs (qu'on publie dix jours après), de bonnes vieilles quadrichromies, envoyées par morasses, via le pneumatique : bref, le Journal de Genève de mes premières années.

     

    Et moi, né il y a soixante ans, des décennies de métier, une passion plus intacte que jamais, je suis un fervent partisan des réseaux sociaux. Bien sûr, ils ont des défauts ! Mais pour la partie qui m'intéresse, celle de l'accès à l'information et à la connaissance, le service de renseignements, la mise en partage (fraternelle, et de bonne foi) de ce qu'on sait, le choc direct avec des styles, l'irruption (eh oui) de talents insoupçonnés dans l'ordre de l'écriture, la rapidité, l'apparition de comètes, je trouve aux réseaux sociaux bien des qualités.

     

    Je dis cela, d'autant plus que dans ma vie, il m'est arrivé, une ou deux fois, de lire l'un ou l'autre livre. Ou quelques milliers, je ne sais plus. Et j'en lis encore. Et j'en lirai toujours. J'en discutais l'autre soir avec Jean Romain : rien, aucune technique, n'a réussi jusqu'ici à remplacer le côté incroyablement pratique, affectif, physique même, de ce qu'on a appelé, il y a deux mille ans, le codex, le livre relié, à la place du rouleau de papyrus.

     

    Le réseau ne tue pas la télévision, qui n'a pas tué la radio, qui n'a pas tué l'écrit. Les inventions s'ajoutent. Mais nous, nous devons prendre, au-delà des nouveautés techniques, la mesure de la révolution cognitive que représente l'avènement du réseau social. Fin des mandarins, fin de la verticalité de la transmission, disparition progressive des corps intermédiaires et des médiateurs, construction collective d'un savoir pluriel, polymorphe. Avec, comme dans les dizaines de milliers de vidéos amateurs des gilets jaunes, la mise à disposition d'un matériau autrement plus crédible que l'image montée, mise en scène et commentée par les chaînes au service du pouvoir.

     

    Alors, amis des rotatives à 20 millions, haussez les épaules, tant que vous voudrez. La nostalgie est un droit, Dieu sait si je le revendique ! Mais de grâce, laissez le monde aller. Il n'y aura pas de retour au statut antérieur aux réseaux sociaux. Il n'y aura pas de Restauration. Il n'y aura pas de retour à votre ordre.

     

    Quant à nous, gens des réseaux sociaux (si vous me lisez, c'est que vous en êtes, peu ou prou), battons-nous avec la dernière énergie pour les enrichir des meilleurs contenus possibles. Surprenons-nous les uns et autres. Séduisons-nous. Transmettons-nous nos connaissances. Enseignons-nous mutuellement. Bref, vivons. Parce que la vie est précieuse. Celle de l'esprit n'a que faire des vecteurs : elle s'immisce partout, là où des âmes ouvertes nous attendent.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Homme politique : un concept bientôt caduc !

     

    Sur le vif - Mercredi 16.01.19 - 14.15h

     

    La politique appartient à tous les citoyens. Le concept même d'homme politique, apparu au début du 19ème siècle, au moment où Balzac rédige ses Illusions perdues, est promis à devenir caduc.

     

    Il y aura encore, pendant quelques décennies, des "hommes politiques", ou des "femmes politiques". Mais, d'ici quelques générations, avec les progrès fulgurants de la mise en réseau des connaissances, le suffrage universel va s'affirmer comme outil normatif (et non, comme aujourd'hui, organe d'exception) pour statuer sur les grandes affaires touchant le destin d'un pays.

     

    Ce jour-là, certes encore lointain, le concept "d'homme politique", né des décennies ayant suivi la Révolution française, né de la démocratie représentative, avec ses rites d'élections, ses nécessités de clientélisme et de démagogie, aura doucement disparu.

     

    Lecteur vorace de biographies historiques depuis l'âge de 12 ans (j'en ai lues des centaines, peut-être même un ou deux milliers), héritier du personnalisme d'un Emmanuel Mounier, qui place l'humain au centre de tout, j'ai moi-même, en un demi-siècle de ma vie, joué le jeu de cette centralité de "l'homme politique" (si possible, l'homme d'Etat : de Gaulle, Mendès France, Willy Brandt, etc.) au coeur de mes attentions.

     

    Mais l'affaire Maudet contribue (parmi d'autres facteurs) à me faire évoluer, à la vitesse grand V, vers l'absolue prédominance des thèmes sur les personnes. Infiniment sensible aux signaux délivrés par les gilets jaunes, j'admire ce mouvement sans le moindre leader, sans la moindre star. Juste des hommes et des femmes, qui bravent le froid, l'hiver, les CRS, pour réclamer une réinvention de leur démocratie. Exactement ce qu'ont fait les foules de France, en 1830 et 1848.

     

    Idem, j'admire chez nous les Jeunes Verts. Chez eux également, pas la moindre star. Je ne connais que trois ou quatre d'entre eux. Mais grâce à eux, un sujet passionnant, essentiel, est jusqu'au 10 février sur la place publique : le mitage du territoire. On partage ou non leur point de vue, mais ces Jeunes Verts font de la politique en mettant l'accent sur un thème, et non en nous obsédant avec leurs problèmes internes.

     

    Alors oui, vivent les thèmes ! Vivent les hommes et les femmes qui se battent pour le bien public. A côté de la beauté de ces énergies-là, l'affaire Maudet, le destin du PLR genevois, toute cette kremlinologie d'initiés, franchement, on s'en fout un peu.

     

    Vive la politique, à vif, directe, délivrée des corps intermédiaires, proche de la vie, notre vie à tous, la vie qui va !

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Adieu Maudet, adieu PLR, vive la politique !

     

    Sur le vif - Mercredi 16.01.19 - 11.30h

     

    Homme d'honneur et parfait gentleman de la politique, Alexandre de Senarclens va bientôt laisser la place à ce qui pourrait bien être un homme (ou une femme) de paille des Frères de la Côte, cette garde personnelle de Pierre Maudet, dont on connaît les allégeances, les rites et les obédiences. Ce noyau de grognards, galvanisés par le seul culte du chef, qui a si bien su se mobiliser, hier soir. Pour obtenir, au demeurant, une majorité d'autant plus pitoyable qu'elle est plutôt minoritaire.

     

    Le PLR genevois est en lambeaux. Il lui faudra des années pour s'en remettre. Ça n'est plus une césure entre libéraux et radicaux, celle-là est au moins soldée : non, ce seront les cicatrices infiniment douloureuses de cet insupportable et interminable psychodrame.

     

    Au-delà du PLR, c'est le principe même de l'existence des partis, de l'importance excessive que nous leur accordons, qui doit être interrogé. Nés de la Révolution française, et chez nous des événements de 1848 (un peu avant, à vrai dire), les bons vieux partis, avec leurs bonnes vieilles Assemblées, leurs bonnes vieilles séances de comitards, auront bientôt vécu. Les citoyennes, les citoyens, aspirent à une verticalité tellurique de la vie politique, qui leur permette, par un maximum de démocratie directe, de peser eux-mêmes sur le destin de leur pays.

     

    Dans le processus, partout en Europe, de dégradation des corps intermédiaires, qui est une lame de fond de nos sociétés, la gigantesque pantalonnade d'Uni Dufour marque une étape. La victoire de Pierre Maudet est, tout au plus, le répit d'un Pyrrhus. Elle sauve, pour un temps, un homme, son ego, sa soif de pouvoir, sa petite clique d'hallucinés autour de lui.

     

    Nous, les citoyens, devons entreprendre toutes choses pour que la suite de cette aventure personnelle et dévoyée soit, au fond, sans intérêt. Privilégions les magnifiques sujets de fond que nous offre notre démocratie directe : mitage du territoire, soins dentaires remboursés, système de santé, primes maladie, retraites, avenir de nos paysans, qualité de notre environnement. Il y a tant de choses, tellement belles, tellement concernantes pour tous, tellement citoyennes, dans le sens le plus noble et le plus fort.

     

    Concentrons-nous sur les thèmes ! Citoyennes et citoyens, arrêtons de nous focaliser sur les personnes, sur la vie interne des partis. Prenons en mains nous-mêmes, directement, les affaires publiques. Inventons ensemble la politique ! A cet égard, la leçon de courage et de détermination données par les gilets jaunes, nos amis français, est remarquable.

     

    Emparons-nous de la politique ! Et laissons Pierre Maudet et ses tristes grognards vivre, entre eux, dans la pénombre de leurs conciliabules, le reste de leur âge.

     

    Pascal Décaillet