Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Le Prix de la Chute

 

Sur le vif - Mardi 12.02.19 - 12.33h

 

Le principe même d'une campagne électorale incite les candidats à se valoriser. Au fond, chacun nous dit : "Je suis le meilleur. Je ne suis pas comme les autres. Avec moi, tout va changer. Je vais faire de la politique autrement. Les vieux ressorts du pouvoir n'agiront pas sur moi. Je serai la divine surprise, je serai la révélation, je serai l'Autre, celui que secrètement, vous attendez tous".

 

Bref, point n'est besoin d'avoir lu Roland Barthes pour saisir que nous sommes là dans l'essence la plus fragmentée (au sens d'un parfum ?) du discours amoureux. Séduire. Séduire par la parole. Séduire par l'ostentation du rêve brandi. Séduire en disant "Je suis un autre", on se contentera d'accorder le verbe avec le pronom, pour tout de même laisser dormir Rimbaud.

 

Nous sommes là au coeur de l'affaire Maudet. Au coeur de toute affaire, dans toute démocratie du monde, passant par le système électif, où surgit, comme dans tout roman bourgeois du dix-neuvième siècle, chez Flaubert comme chez l'Allemand Theodor Fontane, le moment fatal de la déception. L'Autre ne serait plus cet Autre sublime dont j'ai rêvé, non, il ne serait qu'un autre comme un autre, fragile, pécheur, perclus des flèches du Mal.

 

Cet Autre qui déçoit devra payer beaucoup plus cher qu'un simple quidam. Parce que lui, l'ex-Autre sublime, s'est joué de nous. Il nous a humiliés. Il nous a trompés. Alors, il faut qu'il paye, il faut la meute, il faut les chiens de l'hallali. Non parce que cet Autre a failli. Mais parce qu'en amont, il nous a fait croire à un autre monde possible.

 

Le déception politique, dans une démocratie élective, est sœur cadette de la déception amoureuse. Pour les prudents, ou ceux qui, comme dans le Temps des Cerises, pourraient craindre de souffrir un peu, ne resterait qu'une solution : la chasteté politique. En clair, s'attacher au mât, tel Ulysse. Et résister aux chant, pourtant si voluptueux, des sirènes.

 

Pascal Décaillet

 

 

Les commentaires sont fermés.