Sur le vif - Lundi 22.08.22 - 08.17h
"Il serait bon de ne pas laisser aux populistes le monopole de l’écoute des angoisses", ose écrire ce matin la rédactrice en cheffe du Temps, dans son édito.
Cette éminente consœur a-t-elle songé, ne serait-ce qu'une seconde, à appliquer à son propre journal de bobos urbains branchés le précepte qu'on pourrait peut-être, en effet, écouter un peu les angoisses du peuple suisse ?
Depuis des années, je vous parle pouvoir d'achat, classes moyennes, angoisses des plus précaires pour finir le mois, prix du gaz, prix de l'électricité, prix de l'essence, prix des médicaments, primes maladie, fiscalité écrasante sur le travail. Bref, la vie des gens. La vie de ceux qui bossent.
Pendant toutes ces années, le Temps nous parle de quoi ? Des questions de genre. De couleur de la peau. Des toutes dernières extravagances du numérique, sur des appareils dont le peuple n'a jamais vu la couleur. Des questions "sociétales" les plus puissantes, fruits des cogitations de chercheurs américains totalement déconnectés des préoccupations du plus grand nombre. Bref, le Temps fait salon. Salon mondain. Salon où l'on cause. Salon où l'on spécule. Salon du Nouveau Monde. Babil sociétal. Être dans le vent. Ne rien manquer de la toute dernière mode. Être les tout premiers à nous en parler.
C'est son choix. La presse est libre, totalement. Mais au moins, que la patronne de la rédaction de ce miroir de la frénésie déracinée ne vienne pas nous donner des leçons sur les angoisses du peuple. Les partis qu'elle qualifie, avec le mépris de caste des grandes âmes éthérées, de "populistes", traitent, quant à eux, à la racine les vraies préoccupations des gens. Les plus précaires. Les classes moyennes. Tous ceux qui rament, pour finir le mois.
Ceux qui votent pour ces partis ne lisent pas le Temps. Ceux qui lisent le Temps ne votent pas pour ces partis. La vérité, c'est cet apartheid. Deux mondes. Deux galaxies, parfaitement séparées. Elles ne se parlent pas. Elles se combattent.
Et nous ? Laissons le Temps nous développer sa 317ème lecture de la Théorie du genre. Il en a absolument le droit. La presse est libre. Chacun de nous est libre de nous entretenir de ce qu'il veut.
Mais, pour les "angoisses du peuple", celles dont nous vous parlons, souvent bien seuls, depuis des années, on nous permettra d'autres références que le journal de l'éternelle révérence aux derniers caprices de la mode branchée.
Pascal Décaillet