Sur le vif - Mercredi 28.12.22 - 16.10h
N'en déplaise aux éternels "rénovateurs", aussi vite démodés qu'ils ont voulu faire mode, le gauche et la droite existent bel et bien. Elles sont, plus que jamais, l'axe antagoniste de nos combats politiques.
Mais ne nous trompons pas sur la nature de la bataille. Traditionnellement, disons depuis Jaurès et même avant lui, la dispute gauche/droite s'est toujours opérée sur le combat social : quelle fiscalité, quelle redistribution, quelle place pour l'Etat, le pouvoir d'achat, la défense des plus faibles, les classes moyennes, etc.
Elle s'y déroule toujours. Les élections cantonales genevoises, prévues pour avril 2023, n'échapperont pas à ces oppositions dialectiques. On se querellera sur la place du curseur. Le traditionnel combat entre la gauche et la droite. A la loyale.
Mais il en est un autre, et vous le savez bien, qui monte en force. Il ne se substitue pas au premier, mais s'y ajoute. Et sans doute, en gravité de civilisation, le précède-t-il. C'est le combat culturel.
Pour ma part, je n'ai aucun problème avec la gauche qui affiche des revendications sociales. Mais le combat pour les mots ! Pour la clarté de la langue. Pour la transmission des textes, des partitions, des oeuvres d'art, de la connaissance.
Et puis, le combat pour la lucidité, contre les moralistes, dans l'analyse politique et stratégique. Le combat pour la mémoire. Le combat pour l'Histoire. Le combat pour la pluralité complexe des sources, des témoignages, la parole à tous, celle des vainqueurs, celle des vaincus, celle des convenables, celle des maudits, celle des poètes. Là, nous avons une ligne de front.
Il ne s'agit plus de définir de combien on doit hausser le salaire minimum. Non, il s'agit de survie d'une civilisation. La nôtre. La pensée woke, la victimisation permanente de certaines "communautés", le terrorisme sur la mémoire, tout cela contribue à l'anéantir. Nous, nous voulons la maintenir.
Nous ne sommes pas pour autant des conservateurs, il y a, dans ce mot, un côté défensif qui me gêne. Passionné d'Histoire militaire, je n'aime pas les stratégies de défense : toute citadelle, toute Jérusalem céleste, toute forteresse de Troie, toute Ligne Maginot, finit un jour par s'écrouler.
Non. Nous ne devons pas défendre, mais attaquer. Nous ne devons pas dormir, mais surprendre. Nous ne devons pas conserver, mais réinventer, rendre vie. Nous voulons la Révolution, celle de l'esprit, celle de la lettre, celle de la syllabe, celle de la note musicale. Non pour pulvériser l'ordre cosmique. Mais juste pour lui donner sa chance de survie.
Pascal Décaillet