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Série Allemagne - Page 6

  • Série Allemagne - No 17 - Empire colonial : la folie mondialiste du Kaiser

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    L’Histoire allemande en 144 tableaux – No 17 - Togoland, Cameroun, Sud-Ouest africain, Tanzanie, Rwanda, Burundi, mais aussi des possessions dans le Pacifique, et même en Chine : première évocation, dans cette Série, de l'Empire colonial allemand, entre 1884 et 1918. Une lubie personnelle de l'Empereur Guillaume II.

     

    C’est à Brême, au cours de l’été 1972, à l’âge de 14 ans, en visitant l’Überseemuseum, que j’ai pris conscience de l’existence, trois quarts de siècle plus tôt, d’un Empire colonial allemand. Beaucoup moins connu que les possessions britanniques ou françaises, ou même belges, néerlandaises, portugaises, cet Empire a pourtant bel et bien existé. Il s’y est même commis des atrocités, dont on commence vraiment à parler aujourd’hui, comme le génocide des Hereros et des Namas, dans l’actuelle Namibie, autour de 1904. Ce seul sujet méritera évidemment que nous nous y arrêtions, dans l’un des 127 épisodes qui nous resteront à publier, dès ce soir.

     

     

    L’Empire colonial allemand est mal connu du grand public, pour plusieurs raisons. D’abord, en Europe, l’Allemagne, qui a participé à trois guerres européennes en 70 ans (1870, 1914, 1939), est perçue, à juste titre, comme une puissance continentale. Ses grands contentieux historiques, depuis Frédéric II de Prusse, puis surtout l’occupation de ce pays par les troupes napoléoniennes (1806-1813), sont bien identifiés pour ce qu’ils sont : la France, de 1870 à 1918, autour de l’Alsace-Lorraine (à nouveau annexée en 1940 !). La Grande Bretagne, en mer du Nord (nous y reviendrons avec la bataille du Jutland, en 1916), et puis bien sûr, avant tout, et j’aurais dû commencer par cela, les Marches de l’Est : la Russie, principalement, mais aussi la Pologne, toutes choses que nous étudierons de très près.

     

     

    Dans ces conditions, venir parler de la Tanzanie, du Rwanda, du Burundi, de la Namibie, du Cameroun, du Togoland, des Îles Salomon, des Îles Caroline, des Mariannes, des Îles Marshall, voire de possessions chinoises comme Tsing-Tao, apparaît nécessairement comme un peu folklorique. Dans l’esprit du grand public, la grande Histoire allemande, c’est Sedan (1870), la proclamation de l’Empire à Versailles (1871), Tannenberg (1914), Verdun (1916), le Jutland (1916), la Révolution du 9 novembre et l’Armistice du 11 novembre 1918, la Pologne en 39, la France en 40, les Balkans et surtout l’URSS en 41, Stalingrad en 43, les millions de réfugiés en 45, la capitulation le 8 mai. Tous ces événements, jalons du grand destin et de la grande tragédie allemande des deux derniers siècles, se déroulent en Europe. A l’exception des exploits de l’Afrikakorps de Rommel en Cyrénaïque et en Tripolitaine. Bref, l’horizon d’attente, le théâtre d’opérations naturel de l’Allemagne, c’est l’Europe. Autour du Rhin, de la Vistule, parfois jusqu’à la Volga. L’Europe, et non le vaste monde.

     

     

    Le grand public voit les choses comme cela, et il a parfaitement raison. L’Empire colonial allemand, très court dans sa durée (1884-1918), est avant tout une immense errance personnelle du Kaiser. Guillaume II rêve de Weltpolitik, et d’un Empire allemand présent sur les cinq continents, concurrentiel en cela avec le vaste Empire de Sa Majesté Britannique. L’opinion publique allemande, une grande partie de la classe politique, et jusqu’au Chancelier Bismarck, unificateur du pays en 1866 et vainqueur de la France en 1870, réprouvent profondément cette mégalomanie. Un jour, je consacrerai une chronique à l’image du rêve colonial dans la littérature allemande, ce qui nous amènera notamment à revenir sur « Zwischen den Rassen », de Heinrich Mann.

     

     

    Lubie personnelle d’un Empereur dépourvu de sens politique, et surtout d’éducation historique sur les grands enjeux allemands ? Oui ! Mais aussi, aubaine pour de grandes sociétés économiques et financières, attirées par l’appât du diamant et de multiples autres ressources, qui constituent, pendant tout le Deuxième Reich (1871-1918) un lobby certes minoritaire, mais puissant et organisé. Nous y reviendrons dans la chronique que je consacrerai à l’une des plus grandes figures économiques de l’Histoire de la Ville de Brême, Adolf Lüderitz (1834-1886), artisan majeur de l’implantation coloniale allemande dans le Sud-Ouest africain.

     

     

    Au fond, en Allemagne comme en France, de 1870 à 1914, deux écoles s’affrontent. Ceux qui, avec en France la génération de la revanche (autour de Barrès, Clemenceau) considèrent que l’absolue priorité doit être de préparer le prochain combat en Europe, autour de du Rhin et de l’Alsace-Lorraine. De l’autre côté, les coloniaux. Ils ont pour eux l’argument économique, le lobby des grands commerçants des céréales, des denrées coloniales, de l’or, du diamant, et d’autres métaux très précieux pour développer l’industrie en Europe. Ils ont pour eux, aussi, le charme exotique des « Expositions coloniales », et le début, dans l’esprit du public, d’une perception mondiale de la politique.

     

     

    Dans des chroniques ultérieures, nous reviendrons en détail sur l’implantation coloniale allemande, pays par pays, la Conférence de Berlin où les grandes puissances se partagent le vaste monde, entre 1884 et 1886, la politique ottomane du Kaiser, son voyage à Jérusalem en 1898, le grand projet de ligne ferroviaire Berlin-Bagdad, l’atrocité du génocide des Hereros, les débuts en Afrique d’un racisme allemand dont on verra la suite en Europe sous le Troisième Reich, le poids des lobbys économiques, et surtout la grande sagesse de la plupart des partis politiques, qui condamnaient et détestaient cet Empire lointain, le jugeant inutile, déplacé face aux enjeux vitaux de la Nation allemande. Les contemporains de Guillaume II, ses sujets allemands, éprouvaient une conscience très vive de l’aspect mégalomane de l’Empire colonial. Alors qu’en France, en Grande Bretagne, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale en tout cas, l’opinion publique (à commencer, en France, par la gauche !) est ouverte aux implantations coloniales.

     

     

    Il conviendra enfin, dans une série de chroniques à paraître, d’opposer à cette Weltpolitik du Kaiser un autre concept, beaucoup plus précis et concernant dans le long sillon de l’Histoire allemande : celui de l’Ostpolitik. Celle de Frédéric II, le grand roi de Prusse au 18ème siècle. Celle de Hindenburg, qui venge les Chevaliers Teutoniques à Tannenberg, en août 1914. Celle, bien sûr, sanglante et terrible, du Troisième Reich, entre le 22 juin 1941 et le 8 mai 1945. Celle, enfin, lumineuse et rédemptrice, du Chancelier social-démocrate Willy Brandt, l’homme qui, un jour de décembre 1970, sans préavis, sans en avoir parlé à personne, ni même à son entourage le plus proche, s’est agenouillé devant le monument du Ghetto de Varsovie. Mais c’est là une autre histoire, qui nous vaudra bien sûr, le jour venu, un épisode de la Série.

     

    Pascal Décaillet

     

    *** L'Histoire allemande en 144 tableaux, c'est une série non chronologique, revenant sur 144 moments forts entre la traduction de la Bible par Luther (1522-1534) et aujourd'hui.

     

    Prochain épisode / Berlin - Bagdad : en voiture, SVP !

     

     

     

  • Série Allemagne - No 16 - Kaspar Hauser, l'orphelin de l'Europe

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    L’Histoire allemande en 144 tableaux – No 16 – Qui était-il, le « calme orphelin » découvert à Nuremberg, à la Pentecôte 1828 ? Dans cet événement biblique, il est question de parler toutes les langues. Kaspar, lui, n’en parlait aucune. Son mystère nous bouleverse.

     

     

    Kaspar Hauser : avant l’histoire, avant même le mystère, il y a l’effet sonore de ces quatre syllabes. La force obscure du « A », la rugosité du « R », l’ouverture énigmatique de la diphtongue. C’est important, les sons : le récit de la courte vie (21 ans) de cet étrange jeune homme ne produirait pas sur nous la même évocation s’il s’était appelé Paul Martin, ou Jean Dupont. Du coup, l’histoire d’un adolescent sauvage nous apparaît comme naturellement jaillie des profondeurs insondables des Allemagnes, alors qu’au fond, elle aurait pu se produire n’importe où ailleurs, tant elle touche l’universel.  Il y a le vrai Kaspar Hauser (1812-1833), le personnage historique ; et puis, il y a la légende, le foisonnement des imaginaires, un éblouissant poème de Verlaine, un autre de Georg Trakl, une très grande œuvre de Peter Handke, l’éternel enfant terrible des Lettres autrichiennes. Sans compter le film de Werner Herzog.

     

     

    Nuremberg, 26 mai 1828, Lundi de Pentecôte : un garçon fait son apparition dans la ville, en piteux état. Il est porteur d’une lettre portant sa date de naissance (1812, il aurait donc 16 ans), et le recommandant au commandant d’un escadron militaire. Le garçon ne parle pas : dans le film de Werner Herzog (1974), il parvient avec effort à éructer le mot « Rrrross ! », le cheval. Il aurait quelque chose à voir avec le monde de la cavalerie, mais quoi ? Le maire de Nuremberg s’intéresse au jeune homme, l’existence du jeune sauvage s’ébruite, fait le tour de la ville, puis de la Bavière, puis des Allemagnes, et finalement du continent : on l’appellera « l’orphelin de l’Europe ». Il est pris en charge par un professeur qui tente son éducation, et finira tragiquement, en 1833, à Ansbach, sans doute assassiné.

     

     

    Voilà pour le Kaspar historique. De son vivant déjà, la légende s’empare de son cas : le jeune homme, qui aurait passé son enfance reclus dans un cachot noir, aurait, dit-on, une ascendance de très haute noblesse, on voit en lui (entre autres) l’héritier du Duché de Bade. De partout, on se répand en conjectures : l’Europe se passionne pour le destin muet de « son » orphelin.

     

     

    Coïncidence : 28 ans auparavant, dans l’Aveyron, on avait mis la main, le 8 janvier 1800, à l’aube du siècle et du Consulat, sur Victor, enfant nu et muet, qui donnera à François Truffaut, en 1969, l’argument de l’un de ses films les plus bouleversants, « L’Enfant sauvage ». Chez Truffaut comme chez Werner Herzog, un film d’une humanité profonde sur la nature du langage, le processus de son acquisition (on pense au titre du livre de Heidegger, Unterwegs zur Sprache). Dans les deux cas, cette question : ce qui n’a pas été acquis dans les premières années, peut-il être rattrapé plus tard ? Pour ma part, face à ces deux films, puis aussi face au texte « Kaspar », de l’écrivain autrichien Peter Handke (lu beaucoup plus tard), c’est cette question-là qui domine ; la nature des origines, de noblesse ou de roture, ne m’intéresse que modérément, en comparaison de ce point fondamental. Kaspar nous concerne, nous émeut, tout comme le Victor de Truffaut, parce qu’il y est question du langage, de la transmission, par quoi nous sommes tous passés.

     

     

    Ce qui trouble, c’est la fascination de l’Europe, depuis bientôt deux siècles, pour le mythe Kaspar. Verlaine en fera l’un de ses poèmes les plus célèbres :

     

    Gaspard Hauser chante :

    Je suis venu, calme orphelin,
    Riche de mes seuls yeux tranquilles,
    Vers les hommes des grandes villes :
    Ils ne m'ont pas trouvé malin.

    A vingt ans un trouble nouveau
    Sous le nom d'amoureuses flammes
    M'a fait trouver belles les femmes :
    Elles ne m'ont pas trouvé beau.

    Bien que sans patrie et sans roi
    Et très brave ne l'étant guère,
    J'ai voulu mourir à la guerre :
    La mort n'a pas voulu de moi.

    Suis-je né trop tôt ou trop tard ?
    Qu'est-ce que je fais en ce monde ?
    O vous tous, ma peine est profonde :
    Priez pour le pauvre Gaspard !

     

     

    Le grand poète autrichien Georg Trakl (1887-1914), qui lui-même, ayant mis fin à ses jours à l’âge de 27 ans, est passé dans ce monde comme une étoile filante, nous livre en 1913 un « Kaspar Hauser Lied » que tout germaniste devrait donner à lire à ses élèves, et dont voici la première strophe :

     

     

    Er wahrlich liebte die Sonne, die purpurn den Huegel hinabstieg,

    Die Wege des Walds, den singenden Schwarzvogel

    Und die Freude des Gruens.

     

    Verlaine, Trakl (sur lequel nous reviendrons dans cette Série), Handke. Et tant d’autres. Kaspar nous hante, nous habite. Il nous accompagne. Il pourrait être chacun de nous si cet essentiel de la transmission (par une mère, un père, un maître) nous avait, par malheur, fait défaut. Humains, que serions-nous sans le langage ? Sans l’affection des premières années ? L’enfant, dans la source latine du mot, c’est celui qui ne parle pas. « L’Enfant sauvage », c’est celui qu’on a privé du miracle de la parole.

     

     

    Alors, germanique ou universel, Kaspar ? Son cas de figure échappe aux barrières des nations, des langues justement. Et pourtant… Il n’est peut-être pas indifférent que l’affaire Kaspar ait fait irruption au milieu d’une époque, d’une langue, d’une civilisation qui, des penseurs du dix-huitième jusqu’à Heidegger, place la question du langage au centre des attentions. Elle est là, la vraie affaire Kaspar. Au cœur de chacun de nous, dans le mystère de notre relation avec la chose dite, cette oralité porteuse de toute émotion. Elle-même, justement, proche de l’indicible.

     

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

    *** L'Histoire allemande en 144 tableaux, c'est une série non chronologique, revenant sur 144 moments forts entre la traduction de la Bible par Luther (1522-1534) et aujourd'hui.

     

    Prochain épisode - Empire colonial : la folie mondialiste du Kaiser.

     

     

     

  • Série Allemagne - No 15 - Lili Marleen : histoire d'une chanson

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    L’Histoire allemande en 144 tableaux – No 15 – « Vor der Kaserne, vor dem grossen Tor… » : au fond de nos âmes, pour toujours, les mots inoubliables… Mais cette chanson, si connue, d’où vient-elle vraiment ? Récit d’un miracle, qui passe par Radio Belgrade, aux mains des Allemands, un soir d’août 1941…

     

    C’est la chanson la plus célèbre du vingtième siècle, l’une des plus belles. Tout le monde la connaît, la fredonne. Une histoire toute simple, avec des vers très courts, une caserne, une lanterne, deux êtres qui s’aiment, séparés par le destin. Il faut que ces mots-là soient entonnés par une femme, il faut qu’elle soit sublime, fatale, il faut que les notes se perdent dans la nuit, c’est une chanson de légende.

     

    Première chose : « Lili Marleen », ça n’est pas Marlène Dietrich ! L’immense star, un jour de 1944, l’a récupérée, l’aubaine du prénom correspondait, elle en a fait sa chose, le monde a adoré, et c’est sans doute l’un des hold-up les plus réussis du vingtième siècle. Non, la chanson est plus ancienne, beaucoup en ont restitué l’histoire, comme Jean-Pierre Guéno, qui a beaucoup travaillé pour retracer des parts de vérité, sous la légende.

     

    Par exemple, « Lili Marleen » ne date pas de la Seconde Guerre mondiale, mais de la Première ! Elle aurait même juste cent ans, cette année. En 1915, Hans Leip, 21 ans, élève-officier à Berlin, aurait écrit ce poème, avant d’être envoyé sur le front russe. Et ça n’est que 22 ans plus tard, en 1937, que Lale Andersen, le redécouvrant, l’aurait fait mettre en musique, puis interprété. Jusqu’à la guerre, la chanson ne marche pas trop bien.

     

     

    Le déclic, c’est Belgrade 1941. Et là, pour tout comprendre en trois minutes inoubliables, il faut absolument voir ou revoir le film « Lili Marleen » (1980) de Rainer Werner Fassbinder (1945-1982). La chanson, un peu par hasard, suite à un bombardement britannique sur Belgrade occupée (depuis le printemps)  par la Wehrmacht, est diffusée pour la première fois le 18 août 1941, à l’attention de toutes les troupes allemandes, là où elles se trouvent, sur les différents fronts européens. Radio Belgrade, c’est l’émetteur de la Wehrmacht, pour distraire le soldat. J’ignore ce qui s’est passé vraiment, dans les consciences, ce 18 août-là, mais une chose est sûre : la scène de Fassbinder est saisissante. On y entend « Lili Marleen », et on nous montre les soldats allemands, découvrant en même temps la chanson, sur l’ensemble de l’Europe : dans un U-Boot, dans des tranchées, dans le désert, sur le front de l’Est.

     

     

    Trois minutes inoubliables. Les paroles s’envolent, entrent dans l’Histoire, pour ne plus jamais la quitter. Le régime voit très vite le succès qu’il peut en tirer, la chanson, en pleine guerre, fait le tour du monde. Très vite, elle devient l’histoire de tout soldat, où qu’il soit, pris de nostalgie amoureuse en montant la garde. Le maréchal Rommel, héros de l’Afrikakorps, adore Lili Marleen, comprend son rôle sur le moral de la troupe, insiste pour qu’elle soit programmée en boucle.

     

     

    Et puis, sur la fin de la guerre, voilà Marlène, la vraie, celle de l’Ange Bleu (1930), Marlène Dietrich, la star mondiale passée de l’autre côté, et qui chante pour les soldats alliés, ceux de l’Armée Patton en Europe. L’orthographe de son prénom n’est pas celui de la chanson, mais la coïncidence est trop belle : il faut que cette chanson, face au monde, devienne la sienne. Elle l’interprètera, tout au long de sa carrière. Et puis, dans la foulée, les  plus grands artistes de la planète, dans toutes les langues. Très vite, la puissance de la légende s’impose : il n’y a plus de texte original, plus de premier auteur, il n’y a plus que l’immensité sensuelle d’une voix, la beauté d’un refrain universel, le miracle fait son œuvre.

     

     

    Vor der Kaserne

    Vor dem großen Tor

    Stand eine Laterne

    Und steht sie noch davor

    So woll'n wir uns da wieder seh'n

    Bei der Laterne wollen wir steh'n

    Wie einst Lili Marleen.

    Wie einst Lili Marleen.

     

     

     

    La voilà, cette histoire. J’ai eu le privilège, il y a quelques années, de voir Hanna Schygulla, sur le plateau de la Comédie de Genève. J’ai pensé à Fassbinder, très fort. Car, en Allemagne, le mythe nourrit le mythe : une chanson en entraîne une autre, Sophocle appelle Brecht et Hölderlin, Hans Leip et Lale Andersen appellent Marlène Dietrich, Lili Marleen convoque nos amours, nos nostalgies, chaque fois la vie renaît, chaque fois la strophe repart. La puissance de la culture allemande, dans la poésie comme dans la musique, c’est cette capacité à réinventer le monde. Comme au premier soir. Avec juste une caserne, une lanterne, l’impétuosité du souvenir. Comme sur Radio Belgrade, un certain soir d’août 1941.

     

     

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

    *** L'Histoire allemande en 144 tableaux, c'est une série non chronologique, revenant sur 144 moments forts entre la traduction de la Bible par Luther (1522-1534) et aujourd'hui.

     

    Prochain épisode : Kaspar Hauser, l'orphelin de l'Europe.