Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Commentaires GHI - Page 37

  • Coalitions : le pitoyable bal des vaincus

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 11.09.24

     

    Partout en Europe, c’est le même cirque. Partout, à commencer par les deux puissances les plus importantes de notre continent, la France et l’Allemagne. Dans ces pays, on vote, la droite nationale obtient un tiers des voix (AfD en Thuringe), ou juste un peu moins d’un tiers (AfD en Saxe), ou plus d’un tiers (RN en France). Un tiers, ça n’est certes pas une majorité, ça n’est pas 50,1%, on est bien d’accord. Mais, dans ces trois exemples, c’est arriver en tête, loin devant tous les autres. Comme l’UDC en Suisse, aux élections fédérales.

     

    Alors, que faire des partis qui arrivent en tête ? Un esprit simple pourrait imaginer, par exemple, au hasard, qu’on les intègre au pouvoir. Non pour leur en donner toutes les manettes (un tiers, ça n’est pas 50,1%), mais tout au moins pour qu’une ou deux inflexions de leurs programmes, après tout plébiscités par une masse montante de l’électorat, puissent se mettre en œuvre. Il existe un petit pays, vous le connaissez peut-être, en plein centre de l’Europe, qui procède ainsi depuis 1848. Il s’appelle la Suisse. De 1848 à 1891, sept conseillers fédéraux sur sept étaient radicaux ! Pendant toute cette période, l’opposition catholique-conservatrice (aujourd’hui PDC, ou Centre) montait. Eh bien, en 1891, on a fini par les intégrer au pouvoir, avec le Lucernois Joseph Zemp. Puis, ce fut, en 1929, le PAI (ancêtre de l’UDC), avec le légendaire Bernois Rudolf Minger. Enfin, en 1943, les socialistes, avec le Zurichois Ernst Nobs. Ce sont encore, 80 ans plus tard, nos quatre partis gouvernementaux.

     

    Ce génie de l’intégration, l’Allemagne de l’après-guerre l’a longtemps eu, elle aussi, on se souvient de la Grande Coalition de 1966 à 1969, avec le CDU Kiesinger à la Chancellerie et le SPD Willy Brandt comme Vice-Chancelier, et aux Affaires étrangères, avant de devenir lui-même, en 1969, un immense Chancelier. Eh bien cette méthode intelligente, aujourd’hui, l’Allemagne l’a oubliée. L’AfD performe, on se coalise immédiatement contre elle, on fait tout pour l’écarter. En France, idem avec le RN. Dans les deux principales puissances d’Europe, dès qu’un parti se trouve plébiscité par un bon tiers de l’électorat, surtout ne pas l’associer au pouvoir ! Alors, on invente des noms, « pacte républicain », « cordon sanitaire », on se donne bonne conscience au nom de prétendues « valeurs », comme si la « valeur » suprême, en démocratie, n’était pas l’onction de l’électorat.

     

    Ce petit jeu a ses limites. Parce que le jour où l’un de ces partis maudits, détestés par les tenants de l’actuel pouvoir, par les médias, par les universitaires, par les bien-pensants, tutoiera les 50%, alors il pourra, à son tour, jouer la seule logique majoritaire. Et sera légitime à réclamer, pour lui-seul, le pouvoir. Pour ma part, citoyen suisse n’entendant donner de leçons ni à mes amis français ni à mes amis allemands, je me félicite de vivre dans un système où la différence, même gênante, se voit intégrée. Et non rejetée dans les marges.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le bras armé des USA

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 04.09.24

     

    Le plus insupportable, avec l’OTAN, c’est cette image d’organisation gentille, convenable, au service du Bien. Alors dans ces conditions, face à ce parapluie de la liberté, nous Suisses, pourquoi diable ferions-nous la fine bouche ? Tant de gens, dans notre pays, colportent cette image, sans se rendre compte qu’elle est un pur produit, depuis 1949, de la propagande américaine en Europe. Un cliché de la Guerre froide : à l’Ouest la liberté, à l’Est le monde grisâtre de la dictature. Dans son fameux discours de Berlin, en 1963, Kennedy n’avait-il pas parlé du « monde libre » ?

     

    Que la réalité soit infiniment plus complexe, cela n’effleure pas une seule seconde nos belles âmes atlantistes, toujours à vibrer sous les couleurs de l’Oncle Sam. Les mêmes ne disaient rien contre la guerre du Vietnam. Les mêmes se sont tus, contrairement à votre serviteur, en avril 2003, lors de l’agression américaine sur l’Irak. Pour eux, les monde se divise en deux : les Etats-Unis, c’est le Bien, tout le reste, c’est le Mal.

     

    Pour ma part, et cela remonte à mon rapport très ancien à la DDR (qui, à tant d’égards, valait tellement mieux que sa réputation), j’ai toujours refusé cette vision manichéenne du monde. Je n’ai rien contre les Etats-Unis, mais leur impérialisme, leur constante belligérance, doivent être condamnés. Or, l’OTAN, ça n’est pas une organisation gentille, ni amie. C’est le bras armé de la politique américaine en Europe.

     

    Pascal Décaillet

  • Suisse-OTAN : non, non et non !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 04.09.24

     

    La souveraineté : c’est la seule chose qui vaille, la mère de toutes les vertus, la définition même d’une nation. Citoyen de ce pays, je milite, vous le savez, pour une Suisse indépendante et souveraine. Si j’étais Français, Allemand, Italien, je mènerais exactement le même combat pour mon pays. Ou bien on veut être un pays indépendant, et on doit être souverain. Ou bien on aspire à appartenir à un plus grand ensemble, et on accepte des domaines de délégation de pouvoirs, donc de subordination. Les peuples germaniques, formatés pendant des siècles par la très grande décentralisation du Saint-Empire, ont longtemps été pour cette deuxième option : on pouvait être dans une principauté, ou un royaume, mais accepter que certains grands arbitrages soient le fait de l’Empereur. Ce choix-là, la Suisse, dans son Histoire, l’a toujours refusé. Tout en entretenant les meilleurs rapports avec ses voisins, notre pays a constamment rejeté l’intégration à un grand ensemble, elle s’en méfie même viscéralement.

     

    C’est dans cette lecture-là, avec ce recul historique-là, que nous devons définir notre système de sécurité. Pendant toute l’année 1990, j’ai appartenu à la Commission Schoch (du nom d’un homme remarquable, Otto Schoch, Conseiller aux Etats radical des Rhodes-Extérieures d’Appenzell, hélas aujourd’hui disparu) à qui Kaspar Villiger avait confié la mission de repenser à fond le rôle de l’armée en Suisse. C’était juste après l’initiative du GSSA pour l’abolition de l’armée qui, le 26 novembre 1989, 17 jours après la chute du Mur de Berlin, tout en étant refusée, avait tout de même récolté plus d’un tiers des voix. Pendant tout 1990, nous nous sommes réunis une trentaine de fois, dans toute la Suisse, pour réfléchir, esquisser des scénarios. Déjà à l’époque, la question d’un rapprochement avec l’OTAN se posait. Déjà, je faisais partie de ceux qui disaient non.

     

    J’ai pensé à mon très grand bonheur d’avoir appartenu à la Commission Schoch en découvrant, ce jeudi 29 août, à quel point notre actuelle ministre de la Défense, Viola Amherd, avait instrumentalisé une autre Commission, voulue par elle, pour plancher sur nos stratégies de sécurité. A écouter nombre de ses membres, on a l’impression d’un groupe alibi, phosphorant pendant que la ministre, de toute façon, n’en faisait qu’à sa tête, multipliant les signes de rapprochement avec l’OTAN. C’est une erreur majeure : l’OTAN, ça n’est ni un club de gentils, ni une organisation amie, c’est juste le bras armé de la politique américaine en Europe. Or, les Etats-Unis, pays impérialiste et constamment belligérant depuis leur création en 1776, ne sont pas l’ami de la Suisse. Ils ne sont pas notre ennemi, certes, mais désolé, ils ne sont pas non plus notre ami. C’est cela, en parfaite froideur, en totale lucidité, que nous devons constamment avoir à l’esprit. En matière stratégique, nous ne sommes l’ami de personne. Nous devons parler à tous, aux Américains comme aux Russes, aux Palestiniens comme aux Israéliens. Mais au final, lorsqu’il s’agit de notre souveraineté, de notre sécurité suprême, nous ne devons compter que sur nous-mêmes.

     

    Pascal Décaillet