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  • Quel impair, parmi mes pairs ?

     

    Sur le vif - Mercredi 19.02.20 - 15.10h

     

    Je suis allé à mes Promotions civiques l'année de mes vingt ans, en 1978. A l'époque, on appelait ainsi les "Promotions citoyennes" d'aujourd'hui, et la majorité, pour voter, n'était pas encore à dix-huit ans. Je garde le souvenir d'une cérémonie plutôt neutre, limite austère, où on nous avait, sans tambours ni trompettes, ni salamalecs, souhaité la bienvenue dans le corps électoral.

    A vrai dire, je n'attendais rien de ce rituel. J'étais passionné de politique depuis l'âge de sept ans et demi (décembre 1965), j'étais en deuxième année d'Uni, j'avais déjà fait l'armée, je lisais depuis de longues années les pages politiques de tonnes de journaux, bref je n'avais pas particulièrement besoin que des aînés me reçoivent avec paternalisme dans le cercle des citoyens. Mon opinion, je tenais à me la faire tout seul, en jeune homme libre, adulte et vacciné, je n'éprouvais pas le besoin de me faire guider dans la Cité par des parrains, ni par un quelconque Virgile, me faisant les honneurs des Enfers.

    Une chose est sûre : je n'aurais absolument pas apprécié que les apparatchiks politiques conduisant la cérémonie eussent profité de mon jeune âge pour tenter de m'endoctriner dans leur bord politique, quel qu'il fût d'ailleurs. Si cela avait été le cas, j'aurais quitté les lieux de façon ostentatoire, en claquant la porte. J'avais déjà un caractère un peu ombrageux.

    Je me suis imaginé, hier soir, dans la peau de ces garçons et ces filles de dix-huit ans, invités aux mêmes rites, s'y prêtant de bonne grâce, et littéralement pris en otages par la liturgie de l'environnement et du climat. Avec le choeur et son coryphée, avec Esther Alder, avec le ministre cantonal Vert, avec le chimiste céleste Jacques Dubochet. Bref, la Congrégation in corpore, joyeuse et cosmique, avec ses Anges et ses Archanges, ses Séraphins et ses Lampions.

    A la place de ces jeunes, qu'aurais-je fait ? Quelle rébellion aurais-je affichée ? Quelle explosion de mes volcans internes aurais-je laissé poindre ? Quelle impolitesse crasse aurais-je commise ? Quel impair, au milieu de mes pairs ?

    Je vous souhaite une suite de journée aussi douce que la sagesse de l'âge. Si la chose est possible.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Vie privée, sanctuaire inviolable !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 19.02.20

     

    J’ai toujours été un défenseur acharné du respect de la vie privée. Celle des politiques, mais pas seulement ! Toute vie privée, de tout humain. Plus précisément : toute part de vie, que tel humain souhaite garder privée. Dans l’ordre politique, je répète depuis trente ans que la vie privée ne nous regarde pas. Nos élus, nous devons les juger sur leur action publique : ont-ils tenu leurs promesses électorales, ont-ils été capables de réformer, faire avancer une situation, débloquer des contentieux, bref servir le bien public ? A partir de là, leurs choix personnels, familiaux, leurs préférences sexuelles, tout cela les regarde, et doit laisser parfaitement indifférents les citoyennes et citoyens que nous sommes. A condition, bien sûr, que la loi soit respectée. La loi, en République, doit être notre seul critère, pas la morale.

     

    Prenons l’affaire Griveaux. Il ne s’agit pas, comme on a pu le lire, d’un « scandale sexuel ». Ce qu’a fait cet homme, à notre connaissance, n’est pas illégal. Non, le vrai scandale est qu’une vidéo à caractère strictement privé ait pu se trouver duplifiée des milliers de fois dans l’espace public, et que cette horreur ait poussé un candidat à la Mairie de Paris à se retirer de la compétition. Je ne suis pas citoyen de la Ville de Paris, mais, si je l’étais, je ne jugerais ce candidat que sur son aptitude, à mes yeux, à faire avancer la Ville-lumière : mobilité, logement, finances, chantiers culturels, grands projets, etc. Le reste me serait parfaitement égal. Je tenais déjà ce discours lors de l’affaire Mark Muller, qui pour moi n’en était pas une, n’aurait jamais dû en être une.

     

    A des années-lumière de M. Griveaux, je vais vous parler d’un autre homme, l’un de ceux que j’admire le plus dans l’Histoire contemporaine de la France. Il s’appelle Pierre Mendès France (1907-1982), il a été Président du Conseil entre le 18 juin 1954 et le 5 février 1955 : moins de huit mois ! Pendant cette période, courte et intense, cet homme austère, au physique peu flamboyant, au charisme discret, orateur moyen, s’est imposé, par sa rigueur et son imagination, comme l’un des plus grands dirigeants d’un gouvernement français, depuis la Révolution. De cet homme, croyez-moi, je sais tout, ayant tout lu sur lui. Tout, sauf une chose : je ne connais quasiment rien de sa vie privée ! D’abord, parce que lui-même en faisait très peu état. Aussi, parce que l’action publique m’intéresse autrement que la vie familiale, ou sexuelle, de tel ou tel. Cet homme, je l’admire parce que, dans son discours d’investiture, le 18 juin 1954, il a pris des engagements précis, concernant notamment la Guerre d’Indochine. Et, au jour près, il les a tenus. Voilà, chers amis, ce qui doit nous intéresser suprêmement dans la politique : la capacité d’un homme, ou d’une femme, ou d’une équipe, à tenir parole, emporter ce sentiment si rare qu’on en vient à le quérir désespérément : notre confiance. Excellente semaine à tous !

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Affaire Crypto : un peu de contexte, par pitié !

     

    Sur le vif - Lundi 17.02.20 - 15.22h

     

    L'affaire Crypto, qui défraye la chronique depuis quelques jours, mérite d'être placée dans son contexte politique et historique. Démarche qui ne s'oppose en rien à la recherche absolue de la vérité : que s'est-il passé, qui savait, qui a caché quoi, etc. ?

    Mais toujours en Histoire, la restitution du contexte s'impose. Il faut être naïf pour découvrir aujourd'hui que la Suisse, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, a fait un bout de chemin, en termes de renseignements, avec les Américains. Moins connu, et pourtant capital : la Suisse, depuis au moins un siècle et demi, donc depuis l'époque bismarckienne, en a fait un autre, de bout de chemin, avec les Allemands. Et cela, de manière CONTINUE - je dis bien CONTINUE - pendant tout le vingtième siècle.

    CONTINUE, cela signifie que les services suisses, pour des raisons politiques, économiques, pour des motifs de commerce extérieur, ou encore par nécessité de collaborer techniquement, entretiennent depuis un siècle et demi des relations étroites avec les Allemands. Avec l'Allemagne impériale, de 1871 à 1918. Avec la République de Weimar, de 1918 à 1933. Avec le Troisième Reich, de 1933 à 1945. Puis, avec l'Allemagne fédérale, qui porte ce nom depuis 1949. L'Allemagne est le premier partenaire commercial de la Suisse, ça crée des liens, plus forts que les discours.

    Dès lors, la question politique première n'est pas celle de notre collaboration avec l'Allemagne occidentale et avec les États-Unis depuis la Guerre, mais qu'on ait osé, pendant ces années-là, nous parler de neutralité ! Sur le plan économique et commercial, la Suisse n'est pas neutre. Je le regrette, pour ma part, je préférerais qu'elle le soit, mais elle ne l'est pas. De 1945 à 1989, elle a, de facto, et malgré toutes ses postures rhétoriques, fait partie économiquement du bloc de l'Ouest. Là aussi, je le regrette infiniment, mais c'est une réalité, c'est ainsi.

    Oh oui, j'aurais préféré que mon pays entretînt plus tôt (entendez avant 1989, chute du Mur) des liens avec l'Allemagne de l'Est, par exemple. Il y avait, face à ce pays passionnant, un autre discours à produire que l'anticommunisme primaire de l'époque, entretenu par ces fameux colonels radicaux à nuque raide, au civil banquiers de haut niveau, commis de basses oeuvres de la Bahnhofstrasse pour engager la Suisse, avec leur conception uniquement économique du Freisinn, dans l'ordre capitaliste mondial.

    Ce sont ces gens-là dont on reparle aujourd'hui. Eh bien, au risque de beaucoup vous étonner, ce sont ces gens-là que Kaspar Villiger, arrivé au Conseil fédéral début 1989 suite à l'affaire Kopp, a remis à l'ordre. J'ai vécu cela de très près, croyez-moi. Je tenais à le dire, à l'heure où cet ancien conseiller fédéral, qui demeure à mes yeux un modèle d'intégrité, se voit soudain la cible de tous les missiles, la plupart étant lancés par des gens qui n'y connaissent rien.

    Car enfin, ne soyons pas dupes : la curée générale, aujourd'hui, sur le PLR, parti qui n'a franchement plus grand chose à voir avec les colonels à nuque raide des années d'avant-89, ressemble davantage à une magistrale aubaine pour se débarrasser d'une formation politique concurrente, qu'à une quelconque recherche de la vérité. Et ça n'est pas, je crois, un homme ayant particulièrement épargné le PLR, ces dernières années, qui signe ces lignes.

    Sur l'affaire elle-même, je n'ai aucun élément d'information. Pour restituer un contexte, convoquer l'Histoire, décrypter les intentions réelles sous les paravents et les masques, je serai toujours votre homme.

     

    Pascal Décaillet