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Affaire Crypto : un peu de contexte, par pitié !

 

Sur le vif - Lundi 17.02.20 - 15.22h

 

L'affaire Crypto, qui défraye la chronique depuis quelques jours, mérite d'être placée dans son contexte politique et historique. Démarche qui ne s'oppose en rien à la recherche absolue de la vérité : que s'est-il passé, qui savait, qui a caché quoi, etc. ?

Mais toujours en Histoire, la restitution du contexte s'impose. Il faut être naïf pour découvrir aujourd'hui que la Suisse, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, a fait un bout de chemin, en termes de renseignements, avec les Américains. Moins connu, et pourtant capital : la Suisse, depuis au moins un siècle et demi, donc depuis l'époque bismarckienne, en a fait un autre, de bout de chemin, avec les Allemands. Et cela, de manière CONTINUE - je dis bien CONTINUE - pendant tout le vingtième siècle.

CONTINUE, cela signifie que les services suisses, pour des raisons politiques, économiques, pour des motifs de commerce extérieur, ou encore par nécessité de collaborer techniquement, entretiennent depuis un siècle et demi des relations étroites avec les Allemands. Avec l'Allemagne impériale, de 1871 à 1918. Avec la République de Weimar, de 1918 à 1933. Avec le Troisième Reich, de 1933 à 1945. Puis, avec l'Allemagne fédérale, qui porte ce nom depuis 1949. L'Allemagne est le premier partenaire commercial de la Suisse, ça crée des liens, plus forts que les discours.

Dès lors, la question politique première n'est pas celle de notre collaboration avec l'Allemagne occidentale et avec les États-Unis depuis la Guerre, mais qu'on ait osé, pendant ces années-là, nous parler de neutralité ! Sur le plan économique et commercial, la Suisse n'est pas neutre. Je le regrette, pour ma part, je préférerais qu'elle le soit, mais elle ne l'est pas. De 1945 à 1989, elle a, de facto, et malgré toutes ses postures rhétoriques, fait partie économiquement du bloc de l'Ouest. Là aussi, je le regrette infiniment, mais c'est une réalité, c'est ainsi.

Oh oui, j'aurais préféré que mon pays entretînt plus tôt (entendez avant 1989, chute du Mur) des liens avec l'Allemagne de l'Est, par exemple. Il y avait, face à ce pays passionnant, un autre discours à produire que l'anticommunisme primaire de l'époque, entretenu par ces fameux colonels radicaux à nuque raide, au civil banquiers de haut niveau, commis de basses oeuvres de la Bahnhofstrasse pour engager la Suisse, avec leur conception uniquement économique du Freisinn, dans l'ordre capitaliste mondial.

Ce sont ces gens-là dont on reparle aujourd'hui. Eh bien, au risque de beaucoup vous étonner, ce sont ces gens-là que Kaspar Villiger, arrivé au Conseil fédéral début 1989 suite à l'affaire Kopp, a remis à l'ordre. J'ai vécu cela de très près, croyez-moi. Je tenais à le dire, à l'heure où cet ancien conseiller fédéral, qui demeure à mes yeux un modèle d'intégrité, se voit soudain la cible de tous les missiles, la plupart étant lancés par des gens qui n'y connaissent rien.

Car enfin, ne soyons pas dupes : la curée générale, aujourd'hui, sur le PLR, parti qui n'a franchement plus grand chose à voir avec les colonels à nuque raide des années d'avant-89, ressemble davantage à une magistrale aubaine pour se débarrasser d'une formation politique concurrente, qu'à une quelconque recherche de la vérité. Et ça n'est pas, je crois, un homme ayant particulièrement épargné le PLR, ces dernières années, qui signe ces lignes.

Sur l'affaire elle-même, je n'ai aucun élément d'information. Pour restituer un contexte, convoquer l'Histoire, décrypter les intentions réelles sous les paravents et les masques, je serai toujours votre homme.

 

Pascal Décaillet

 

 

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