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  • 19 mai : les leçons d'une complexité

     

    Sur le vif - Mardi 07.05.19 - 08.26h

     

    À longueur d'année, j'organise des débats sur les sujets les plus complexes de la vie politique suisse. Toujours, mon souci premier est celui de la clarté : exposer les enjeux en termes simples, compréhensibles par le plus grand nombre. Bannir les mots compliqués, à commencer par le jargon juridique. Parler aux citoyennes et citoyens de ce qui les concerne, dans leur vie quotidienne. Cela s'appelle vulgariser, entendez rendre populaire.

     

    Par ailleurs, vous connaissez mon attachement à la démocratie directe. Que le peuple genevois soit appelé à se prononcer sur onze sujets, que ces derniers soient complexes, cela ne me pose pas problème en soi. Le complexe est fait pour être ramené à l'essentiel du sens, les équations sont faites pour être simplifiées, c'est mon métier que de m'attaquer à cela, comme le font aussi mes consœurs et confrères. Je dirais même que plus c'est difficile, plus c'est excitant. Comme avant d'attaquer une version latine, ou grecque, ou un thème allemand. J'adorais cela, littéralement.

     

    Mais dans le cas du 19 mai, j'enrage. Non que le peuple se prononce, c'est justement là mon credo politique absolu ! Et vous savez que je milite justement pour une extension de la démocratie directe, pour les générations à venir. Mais qu'il se prononce sur la base d'une odieuse complexité, balancée comme une patate chaude par les parlementaires, avant de s'en laver les mains.

     

    Sur la CPEG (Caisse de pension des fonctionnaires), nous votons sur deux projets parfaitement contradictoires, que le Parlement, incapable de trancher, a acceptés l'un et l'autre ! Du coup, la démocratie directe, qui doit justement être le lieu de la clarification, devient hélas celui du report de la complexité à grande échelle.

     

    Le problème de ce paquet du 19 mai provient du fait que la plupart des sujets viennent d'en haut : le Parlement n'arrive pas à se décider, chaque camp perdant attaque chaque camp gagnant par référendum, et la pluie de ces missiles alternés se reporte sur les citoyens.

     

    La grandeur de la démocratie directe, c'est lorsque les sujets, comme dans le cas des initiatives, surgissent d'en bas. Des textes conçus par le peuple, et pour le peuple. Directement programmés pour une campagne populaire, à l'échelle du suffrage universel. Dans ces cas-là, l'impérieuse nécessité de la clarté s'impose. Les initiatives, on les défend ou on les combat, mais au moins on les comprend ! Tandis que là, avec cette pluie de complexité tombée de l'Olympe parlementaire...

     

    La grande leçon de ce galimatias, c'est que le Parlement est de moins en moins capable, à Genève, de produire clarté et simplicité. N'arrivant à trancher, il reporte sur le suffrage universel, par un double référendum d'une rare perversité, le soin de la décision. Cette gesticulation ne grandit pas le législatif genevois, et c'est un euphémisme.

     

    Fort bien. Citoyennes et citoyens, décidons. Nous sommes là pour ça. Et à l'avenir, sachons nous en souvenir. En faisant de plus en plus, par le droit d'initiative, la politique nous-mêmes. En laissant les corps intermédiaires patauger dans la gluante complexité du monde. On voudra bien leur confier la conciergerie des lois, en attendant la ratification suprême par le suffrage universel. Et on leur concédera la bagarre sur les virgules.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Avec ou sans armes

     

    Sur le vif - Dimanche 05.05.19 - 14.17h

     

    Le sujet des armes, en Suisse, est très passionnel. J'ai moi-même fait près de 500 jours d'armée, principalement entre 1977 et 1990, et détenu chez moi pendant 23 ans une arme à feu. J'avais autour de moi des fanas des armes, tout comme des types détestant les armes. Dans les deux cas, dans la fascination comme dans le rejet, j'ai perçu quelque chose de physique, de puissant, d'irrationnel.

     

    Je ne vous dirai pas ici ce que je vote, sur ce sujet, le 19 mai. Mes votes sont toujours très politiques, toujours la tête très froide, dans ce qui me paraît être l'intérêt supérieur de notre pays, sa souveraineté, son indépendance. Cela, au-delà des sujets intrinsèquement proposés.

     

    Je vous dirai que je comprends l'attachement passionné aux armes. Je respecte cela. Je connais deux ou trois de ces collectionneurs ou tireurs invétérés, ce sont souvent des gens très doux et très courtois, justement pas des Rambos, ils ont une discipline d'approche de l'arme, il y a quelque chose d'initiatique, très intéressant.

     

    Je les comprends, mais leur dis qu'ils ne servent pas leur cause en laissant parfois poindre, chez certains de leurs représentants, des comportements pouvant être perçus comme hyper-corporatistes, à la limite du prétorien. Nous avons à trancher, le 19 mai, une question politique. Quelque cinq millions de citoyennes ou citoyens sont appelés à se prononcer, ce sont eux les patrons, et non les spécialistes des armes, pas plus d'ailleurs que les ennemis des armes.

     

    Dès lors, il faut laisser le débat se dérouler, dans l'espace public. Laisser parler les profanes aussi bien que les spécialistes, les partisans, les opposants, les partis politiques, les anonymes, bref tout le monde. Une votation populaire fédérale, c'est l'affaire de tous. Ainsi fonctionne notre démocratie suisse. Avec ou sans armes.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • L'odieux charabia du bulletin de vote

     

    Sur le vif - Vendredi 03.05.19 - 15.08h

     

    "Acceptez-vous l'arrêté fédéral du 28 septembre 2018 portant approbation et mise en oeuvre de l'échange de notes entre la Suisse et l'UE concernant la reprise de la directive (UE) 2017/853 modifiant la directive de l'UE sur les armes (Développement de l'acquis de Schengen) ?"

     

    Vous venez de lire, mot pour mot, le texte figurant sur votre bulletin de vote pour le 19 mai 2019.

     

    Je vous le dis tout net, ce charabia, à l'usage du grand public, pour désigner l'un des onze objets soumis au vote à Genève (deux fédéraux, neuf cantonaux), est une honte. Un galimatias d'obscurité. Un triomphe de juridisme. Une renoncement total à l'impératif de clarté, essentiel dans le Pacte républicain.

     

    Oh, bien sûr, moi, je comprends. Mais moi, j'ai été correspondant à Berne plusieurs années, chef de la rubrique nationale, producteur d'émissions de grande écoute pendant plus de vingt ans, je connais un peu la musique fédérale.

     

    Mais peut-être nos quelque cinq millions d'électrices et électeurs, en Suisse, n'ont-il pas pas tous cet exact degré de connaissance. Parmi eux, beaucoup (hélas !) ne regardent ni Infrarouge, ni Genève à Chaud, ni le Journal de la TSR, ni celui de Léman Bleu et des TV privées régionales, n'écoutent ni les Matinales, ni le 12.30h, ni Forum à la RSR, ne regardent pas Arena, ne lisent pas trop les pages politiques des journaux.

     

    On peut, bien sûr, se dire qu'ils ont tort, et que, s'ils ne comprennent pas le jargon fédéral, c'est bien fait pour eux, ça sanctionne leur paresse à se renseigner.

     

    Je ne partage pas cette approche. La clarté dans la communication est l'une des mes passions. Et je sais bien que si un message ne passe pas, l'émetteur doit avant tout s'en prendre à lui-même. A-t-il été assez clair ? Synthétique ? Vulgarisateur, dans le meilleur sens du terme ? A-t-il pensé à ceux de nos concitoyens qui ne lisent jamais, peinent avec les mots abstraits ? Ces derniers ne sont-ils pas, pour autant, des Suisses comme les autres ? N'ont-ils pas, comme tous les autres, le droit à la meilleure des informations sur les enjeux ? Le droit de savoir.

     

    Le libellé du bulletin de vote concernant le scrutin sur les armes, que j'ai reproduit ici au premier paragraphe, constitue une honte de communication sans nom. Un scandale. Un chef d’œuvre de la politique de l'entre-soi, au sein d'une cléricature charabiesque et jargonnante. L'exemple absolu de ce qu'il faut bannir.

     

    Citoyennes, citoyens, que la clarté soit notre trésor commun !

     

    Pascal Décaillet