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  • Sans-culottes monarchistes

     

    Sur le vif - Lundi 10.12.18 - 09.41h

     

    Singulière contrée, tout de même, où l'on décoche les fourches, le samedi, en se promettant de promener sur une pique la tête du tyran, et où chacun, dès le dimanche, attend avec une extatique impatience les mots du monarque, pour les Vêpres du lundi.

     

    C'est tout le paradoxe de la France : attendre d'une Révolution qu'elle vienne d'en haut. Ou, tout au moins, qu'elle soit adoubée par la majesté suprême. Celle-la même qu'il s'agissait d'anéantir.

     

    Tout Michelet, tout Tocqueville, toutes les plus lumineuses pages sur la Révolution, sont contenues dans cette géométrie de la Base et du Sommet.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Nul n'a intérêt au malheur de la France

     

    Sur le vif - Dimanche 09.12.18 - 14.40h

     

    Totalement passionnant, révélateur comme nul autre de l'état de santé de la société française, le mouvement des Gilets jaunes restera dans l'Histoire.

     

    Il a déjà retenu maintes fois, ici même, mon attention : j'ai évoqué sa dimension sociale, celle des périphéries, et aussi les réponses institutionnelles nécessaires à l'évolution de la France : instauration de la proportionnelle dans le système électoral, et surtout création de mécanismes de démocratie directe, non à calquer sur le système suisse, mais à inventer selon le génie propre de la France.

     

    Ce diagnostic, qui est depuis longtemps le mien, est aussi celui de la plupart des observateurs, et cela indépendamment de leur degré d'adhésion ou de rejet face à politique et à la personne de l'actuel Président. Ce qui est né de la révolte contre un homme, son arrogance, son style et ses manières orléanistes, ses prodigieuses errances en matière de taxes et de fiscalité, ne prendra d'intérêt structurel face à l'Histoire que si tout cela permet l'accouchement d'un nouveau monde dans la République française. Ce qui ne signifie pas, à mes yeux, un abandon de la Cinquième République, encore moins un retour à la Quatrième, le désastreux régime des partis.

     

    Regardez les manifestants d'hier. On ne nous montre que la casse, certes abominable, assurément condamnable avec la dernière énergie. Mais la casse, c'est l'écume, En termes d'images, ou de spectacle, c'est vendeur. Mais on sait pertinemment que l'écrasante majorité des Gilets jaunes n'ont rien à voir avec les traditionnels voyous qui, toujours et en tout temps, se greffent sur les mouvements de foule pour déchaîner leur violence ou pratiquer le pillage. Il s'agit d'une casse de droit commun, à traiter comme telle, et à dissocier absolument des revendications légitimes de la masse du mouvement. Ne montrer que la casse, en continu, comme l'ont fait certaines chaînes TV, c'est jouer le jeu du pouvoir, en discréditant l'essentiel, par la puissance dévastatrice de l'image.

     

    La première revendication des Gilets jaunes est sociale. Il lui faudra, dans les heures qui viennent, une réponse sociale. Hausse du SMIC, mesures de justice et d'équité dans la distribution des taxes et des impôts. En clair, quand un Français tourne avec un peu plus de mille euros par mois, et qu'il a besoin de sa voiture pour vivre, il peine à comprendre que l'ancien associé de la Banque Rothschild ait mis tant d’empressement à ce cadeau fiscal aux plus nantis qui marqua les débuts de son quinquennat.

     

    La deuxième dimension est institutionnelle. Elle n'est en aucun cas à dissocier de la première - la dimension sociale - sous prétexte qu'elle est moins urgente, moins viscérale. Il faut regarder l'Histoire de France dans sa continuité : jamais aucun changement institutionnel ne s'est produit à froid, tranquillement, sans avoir été précipité par les forces sociales. Tous les épisodes de la décennie révolutionnaire (1789-1799). notamment ceux des premières années (1789-1794) ont été poussés par l'urgence populaire. Idem, 1830 : changement de régime. Idem, 1848 : changement de régime. Idem, 1870-1871 : changement de régime. Idem, 22 juin 1940 : défaite militaire, politique et morale, la pire de l'Histoire de France. Idem, 25 août 1944 : Libération. Idem, 13 mai 1958 : Comités de Salut public à Alger. Ce ne sont jamais des moments de douce quiétude qui engendrent les grandes réformes institutionnelles.

     

    En sommes-nous là ? Je ne le crois pas. Mais une chose est sûre : si Emmanuel Macron s'imagine qu'il s'en sortira, dans sa prochaine intervention, avec quelques miettes de pain sur le SMIC et les taxes, et qu'il n'annonce pas quelque chose de profondément nouveau pour combler l'incroyable déficit démocratique du pays, alors il aura définitivement échoué devant l'Histoire.

     

    Je terminerai par l'essentiel : j'aime la France. J'aime ce pays, comme j'aime le mien (la Suisse), et comme (pour toutes sortes de raisons) j'aime l'Allemagne. J'aime la France, sa culture, son Histoire incomparable, que j'étudie depuis des décennies. J'aime ses paysages. J'aime cette République qui, depuis 1792 et les Soldats de l'An II, tente contre vents et marées (avec quelques parenthèses) d'imposer ses idéaux face à la jungle, face aux forces de l'Argent, face aux corporatismes, face aux intérêts particuliers, face aux communautarismes. Cette France-là, depuis plus de deux siècles, nous a tant apporté. Nul d'entre nous n'a intérêt à l'écroulement de ce modèle. Nul n'a intérêt au malheur de la France.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • CH-UE : aucune raison de s'exciter !

     

    Sur le vif - Vendredi 07.12.18 - 18.10h

     

    Le Conseil fédéral a parfaitement raison de prendre son temps dans l'affaire de l'Accord cadre institutionnel, un document de 34 pages, issu des négociations avec l'Union européenne. Il annonce aujourd'hui vouloir consulter tous azimuts (les Cantons, les partenaires sociaux, les partis), et il a raison. En sachant que la seule consultation qui vaudra, en la matière, sera, le jour venu, celle du suffrage universel, comme pour tous les grands sujets qui engagent le destin du pays.

     

    Voilà des années qu'en matière européenne, le gouvernement suisse démontre un singulier manque de conduite. Pour dire les choses franchement, entre les années technocratiques de Didier Burkhalter, et les débuts plutôt chaotiques d'Ignazio Cassis, plus personne ne peut décrypter les intentions du Conseil fédéral.

     

    Mais au fond, ce paroxysme de l'illisible n'est pas une mauvaise chose. Et cela, pour une raison simple : l'Accord cadre institutionnel avec l'Union européenne n'excite en Suisse que la toute petite Nomenklatura de la Ville fédérale, avec sa bureaucratie, ainsi que les plus hautes instances du PLR. Autant dire, pas grand monde.

     

    On a beau nous mettre le couteau sous la gorge avec des histoires d'équivalences boursières ou d'accès aux grandes écoles, le peuple suisse a d'autres priorités. Il tient à la souveraineté du pays, et cela n'a nullement été mis en cause par la votation du 25 novembre. Il tient en très faible estime la machinerie bruxelloise. Il n'a aucune intention d'entrer dans un rapport de vassalité avec cette dernière.

     

    Dans ces conditions, le Conseil fédéral a bien raison de prendre, en profondeur, le pouls et la température du pays. Cela exigera le temps qu'il faudra : l'attribut premier de la souveraineté est la maîtrise du calendrier, elle doit venir de la Suisse, non de l'Union européenne. Nous avons une nation, fédérale depuis 170 ans, une culture politique et sociale, nous avons notre Histoire, il n'est pas question qu'une superstructure externe (au demeurant, en voie d'éclatement) nous impose notre rythme de réflexion.

     

    En clair : voilà un dossier qui mérite une maturation interne. Ce document de 34 pages, négocié avec Bruxelles, qu'il fasse le tour de notre pays ! Que chacun, sans se précipiter, prenne position. Le chantage sur les Bourses et les Universités ne saurait en aucune manière nous émouvoir. En un mot comme en mille : il n'y a ni feu au lac, ni la moindre raison de s'exciter.

     

    Pascal Décaillet