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  • Faire front, face à un homme

     

    Sur le vif - Mardi 04.12.18 - 14.35h

     

    Ne voir dans la crise des gilets jaunes qu'une jacquerie de plus, dans une Histoire de France qui n'en est pas avare, c'est passer à côté de l'essentiel.

     

    Les gilets jaunes, au-delà de la revendication (parfaitement légitime) sur le prix de l'essence, c'est l'émergence d'un nouveau langage dans la sémiologie politique française. Une nouvelle scénographie, aussi.

     

    On fait irruption sans préavis, sous le seul signe de rassemblement d'une monochromie banale, celle du conducteur en panne, sur la piste d'accotement.

     

    On ne se revendique d'aucune faction. Aucun parti. Aucun mouvement syndical. On laisse les corporatismes au vestiaire. On passe les corps intermédiaires au napalm.

     

    On fait front, face à un homme. Celui qui incarne le pouvoir suprême. Il n'y a plus que vous et lui. On s'adresse au trône, en refusant toutefois de lui parler, même s'il vous y invite. On se contente de SIGNALER sa présence. Massivement.

     

    Ce matin, les gilets jaunes ont obtenu un premier succès. Le chef de l'Etat a laissé son connétable annoncer lui-même les concessions sur le prix des carburants. Les rois, à l'époque des jacqueries, ne procédaient pas autrement.

     

    Les gilets jaunes s'en contenteront-ils ? On peut en douter. A en juger par l'ampleur du mouvement, la seule réponse sur la revendication de base (fût-elle essentielle) ne suffira pas. C'est à autre chose que le peuple de France aspire. Pas nécessairement un changement de régime, je l'ai déjà dit. Mais assurément, la mise en place d'un dialogue direct de la base avec le sommet. Cela pourrait passer par l'introduction de la démocratie directe. Et assurément, par la proportionnelle.

     

    Dialogue direct, oui. Sans les corps intermédiaires. Non qu'il faille dissoudre ces derniers (ne rêvons pas). Mais les remettre à leur place. Il ne convient nullement de s'en plaindre.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Le choeur, seul, face à Créon

     

    Sur le vif - Mardi 04.12.18 - 09.34h

     

    Les gilets jaunes pulvérisent les corps intermédiaires. Au grand dam des chefs syndicalistes, totalement dépassés par l'irruption de cette concurrence inopinée. Incontrôlée. Non-recensée dans leurs fichiers d'adhérents.

     

    Dans la mise en scène, il n'y a plus que le choeur, face au Prince. Même pas de coryphée.

     

    Le choeur, unique acteur, face à Créon.

     

    Il n'y a plus ni Eteocle, ni Polynice, ni Ismène. Il n'y a même plus Antigone.

     

    Antigone, c'est le choeur tout entier. Il a ravi le rôle au personnage principal.

     

    Il n'y a plus de personnage principal.

     

    Il y a le choeur, face à Créon.

     

    Les gilets jaunes, c'est la Révolution brechtienne. Sauf qu'il n'y a même plus de théâtre. Pas de texte. Ni actes, ni scènes. Ni intrigue.

     

    Juste le choeur, face à Créon.

     

    Préfiguration, dans la crise, de ce que pourraient être nos sociétés futures. Nos rapports de forces politiques et sociales. Disparition des corps intermédiaires. Mise en congé des médiateurs. La totalité d'une revendication, face à la solitude murée du pouvoir.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Macron, l'erreur de casting

     

    Sur le vif - Mardi 04.12.18 - 05.58h

     

    En portant Macron au pouvoir, en mai 2017, la France a élu un président à contresens. Un défenseur de l'Europe, alors que le château de cartes de Bruxelles est en voie d'écroulement. Un ultra-libéral orléaniste, valet des financiers, quand les peuples d'Europe redécouvrent un impérieux besoin d'Etat, de protectionnisme et de solidarité sociale. Un affidé à Mme Merkel, au moment où l'Europe aurait justement besoin d'une France forte, pour équilibrer le retour de la puissance allemande, y compris en matière stratégique et militaire.

     

    Du coup, nous voilà avec un président en total décalage. Jeune, intelligent, dynamique, il ne comprend tout simplement pas le monde qui l'entoure. À quoi lui sert sa formation philosophique, si c'est pour raisonner dans le vide, sans le moindre ancrage dans la connaissance de l'Histoire, domaine dans lequel il accumule les énormités chaque fois qu'il y tente une immixtion verbale ? On dirait que cet homme ne sait pas que l'Histoire est tragique. Autre parallèle avec le jeune Giscard, dont il n'a hélas pas la dimension d'arbitrage.

     

    Les BHL et les Cohn-Bendit soutiennent Macron, c'est dire si l'affaire est mal emmanchée. L'image, face à la France profonde, est dévastatrice : l'appui des mondialistes cosmopolites, un ploutocrate et un opportuniste, n'est sans doute pas le blason le plus reluisant pour celui qui, par sa fonction, incarne l'exceptionnelle continuité française.

     

    Augmenter le prix de l'essence, touchant ainsi les plus faibles et les plus oubliés des provinces sous-équipées, alors qu'on a commencé son quinquennat par des largesses envers les plus nantis, dénote un sens politique relativement limité. Si l'homme eut de l'instinct pour se hisser au pouvoir, avec l'appui sonnant et trébuchant de la haute finance mondiale, il en est hélas totalement dépourvu dans son rapport au pays profond. Il serait peut-être temps qu'il en tire les conséquences.

     

    Pascal Décaillet