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  • La Suisse a parlé à l'Europe

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 21.02.14


    Le dimanche 9 février, le peuple et les cantons de notre pays n’ont pas répondu à un sondage : ils ont pris souverainement une décision. Celle d’accepter l’initiative de l’UDC sur l’immigration de masse. Majorité serrée (mais bien réelle) pour le peuple, nette pour les cantons. La moitié d’entre nous s’en est félicitée, l’autre l’a regretté, il convient dans les deux sens de se respecter : les gagnants doivent comprendre la tristesse des perdants ; ces derniers, de leur côté, doivent prendre acte du verdict. Et bien comprendre que la décision doit être appliquée. Avec des modalités qui restent à définir, peut-être des différences en fonction des cantons, tout ce qu’on voudra. Mais appliquée, elle doit être. Sinon, à quoi bon consulter le souverain ?


     
    Or, à quoi assiste-t-on depuis le 9 février au soir ? A une polyphonie de lamentations. Le chœur des pleureuses. Le peuple n’aurait rien compris (alors que la brochure était parfaitement claire), il aurait été trompé, le Ciel européen serait sur le point de s’abattre sur notre tête par un déluge de « rétorsions » de Bruxelles. Il faudrait, nous les Suisses, que nous nous fassions tout petits, rasions les murs, filions nous enterrer dans un abri PC en attendant que se calme la colère atomique européenne. Nous devrions, nous dont la démocratie a simplement fonctionné, nous sentir coupables.


     
    Mais enfin, coupables de quoi ? Au cœur du continent européen, un tout petit pays, fragile, a pris démocratiquement la décision de reprendre le contrôle de ses flux migratoires. Ça froisse qui ? Les élites autoproclamées ou cooptées de la machinerie de l’UE. Et ça fait, au contraire, diablement envie à qui ? Aux peuples de ces pays voisins, qui aimeraient tant, eux aussi, pouvoir se prononcer sur leur destin. Ce 9 février, que les mauvais perdants veulent absolument nous faire passer pour un jour de deuil, pourrait bien s’avérer, au contraire, le signal historique donné par le peuple suisse à ses voisins. D’ailleurs, la bureaucratie de Bruxelles, combien de temps lui reste-t-il à vivre ? Premiers éléments de réponse au mois de mai, avec les élections européennes. En France et ailleurs, il n’est pas sûr que les hystériques de la supranationalité bureaucratique en sortent vainqueurs.


     
    Pascal Décaillet

     

  • L'étouffante politique éditoriale du Temps

     

    Sur le vif - Mercredi 19.02.14 - 10.47h

     

    "La faillite du modèle suisse": ahurissant papier de François Cherix dans le Temps. La Suisse, Monsieur le Mage aux douze Étoiles, se porte fort bien, et sa démocratie directe, le dimanche 9 février, a tout simplement fonctionné. Un système de consultation du peuple que tous nos voisins nous envient, tant ils en sont, eux, privés. On apprécie ou non le résultat, pour ma part je respecte votre tristesse, mais de quel droit venez-vous nous parler de faillite d'un modèle ? Il ne s'est jamais aussi bien porté, le modèle, et les peuples qui nous entourent aimeraient tant s'en rapprocher un peu. Les peuples, M. Cherix, pas les technocrates cooptés de Bruxelles !



    Je vous propose, M. Cherix, de nous donner rendez-vous aux élections européennes de mai prochain. Nous verrons, ce dimanche-là, quelle construction technocratique a échoué, quel "modèle" est en faillite, quels résultats feront les euro-turbos, par rapport aux partis qui veulent rendre la parole aux peuples des différentes nations de l'UE. Oui, ce dimanche de mai, rétrospectivement, le vote de la Suisse, trois mois plutôt, pourrait bien apparaître, non comme l'insularité bizarroïde que vous voulez nous faire croire, mais comme le signal prémonitoire d'un petit peuple à ses voisins. Le signal d'un printemps démocratique, en Europe.



    Vous parlez de "faillite du modèle" pour la seule raison que vous avez perdu. Vous eussiez gagné, même de très peu, vous eussiez immédiatement titré sur "la sagesse d'un peuple qui ne s'en laisse pas conter".



    Depuis le 9 février, le Temps multiplie les textes de pleurnicheries et d'annonces d'Apocalypse. Il convoque tout le ban et l'arrière-ban des opposants à l'initiative, qui n'arrivent pas prendre acte - oui, simplement prendre acte - de la décision du 9 février. Ce jour-là, avec une bonne participation, le peuple et les cantons, sur la base d'une brochure parfaitement claire, ont pris leur décision en totale connaissance de cause. Ils veulent une régulation (pas un arrêt, une RE-GU-LA-TION !) des flux migratoires. Il s'agit maintenant de l'appliquer.



    Quant à la politique éditoriale du Temps, caricaturale, elle confirme l'impérieuse nécessité de l'avènement, en Suisse romande, d'un espace médiatique - journal papier, site internet, radio, TV, ou plutôt le tout à la fois, cela reste à inventer - capable de porter une autre sensibilité. Parce que là, entre le Temps, la RTS, Ringier et Tamedia, nous sommes sous la dictature d'une pensée unique, étouffante.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Gauchebdo : le courage et la classe

     

    Sur le vif - Samedi 15.0214 - 17.41h

     

    Une fois de plus, au milieu de nos journaux romands du week-end (je dis bien romands, car rien n'égale le Cahier littéraire de la NZZ), c'est l'hebdomadaire Gauchebdo qui, en qualité, en audace de sujets et d'angles, en originalité, fait la différence.


    Tous les samedis en début d'après-midi, je lis Gauchebdo, successeur de la Voix Ouvrière, fondée en 1944. L'exemplaire no 7, daté d'aujourd'hui, est tellement bon que je l'ai lu intégralement. J'en retiens deux articles.



    D'abord, le papier de une: "Une coupable béatitude de la gauche". "En portant des valeurs d'ouverture sans leur donner de réel contenu social, la gauche a conduit à ce qu'une partie des couches les plus exposées aux effets de la mondialisation marchande cherche une réponse chez les xénophobes". Une terminologie que je ne partage certes pas, vous le savez pour me lire depuis longtemps, mais sur le fond, l'analyse est exacte, et rejoint ce que j'ai pu écrire, ici, de la gauche bobo face à la gauche réaliste. La rédaction de Gauchebdo fait manifestement partie de la seconde catégorie. Iront-ils, eux, enquêter du côté des Avanchets ou de Châtelaine, ce que nul n'a encore fait ?



    Et puis surtout, en page 5, ne pas manquer le papier d'Anthony Crézégut, intitulé "L'islamisme bosnien, de la collaboration nazie au néolibéralisme". L'Histoire, enfin établie en français, du SDA. le parti au pouvoir, qui se confond avec celle de son fondateur, un homme que l'Occident a aidé et admiré pendant les années 1990: Alija Izetbegovic.



    La vraie Histoire d'Izetbegovic, vous la connaissez ? Pour ma part, j'avais la chance de la connaître il y a vingt ans déjà, me passionnant pour les guerres balkaniques, et cherchant à les comprendre par un autre prisme que celui de la morale forgée par l'OTAN et les bonnes consciences parisiennes en chemise blanche. Sait-on ce que fut le rôle des Jeunes Musulmans bosniaques, en lien avec les Oustachis croates d'Ante Pavelic, dès 1941, pour chasser les partisans yougoslaves ? Nous rappelait-on beaucoup, il y a vingt ans, qu'Izetbegovic avait été condamné à trois ans de prison pour Collaboration à la Libération ? Tout cela, le papier de Gauchebdo le rappelle. Si l'Histoire des Balkans vous intéresse, au-delà de la superficie et des incroyables manipulations médiatiques et idéologiques des années 1990, il faut lire cet article.


    Et j'ajoute: si vous aimez les plumes libres, il faut lire Gauchebdo. Le journal, ils le font debout, fiers, raides, droits dans leurs bottes. Ils sont l'antithèse des bobos aimables. Ils sont anglés, positionnés, audacieux, transgressifs. Moi qui ne suis absolument pas de leur bord, je les reconnais comme des frères dans l'ordre de l'écriture et du journalisme.

     

     

    Pascal Décaillet