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  • 46 ans qu'il m'exaspère

     

    Sur le vif - Mardi 11.02.14 - 10.10h

     

    En mai, cela fera 46 ans qu'il m'exaspère. J'allais sur mes dix ans, je finissais l'Ecole primaire, j'adorais déjà la France et son Histoire, et j'éprouvais, sans évidemment en comprendre encore le détail, une immense admiration pour Charles de Gaulle. Oui, en mai 1968, parfaitement au courant grâce aux radios de ce qui se passait en France, je n'avais pas la moindre sympathie pour le mouvement de mes aînés. Très franchement, je ne comprenais pas ce qu'ils foutaient dans la rue.


    J'aimais cette société des années soixante, celle de mon enfance heureuse, et ne comprenais pas (à tort ou à raison) pourquoi il faudrait impérativement la changer. Je sentais chez de Gaulle un immense souffle, qu'une vie entière de lecture sur la vie et l’œuvre de cet homme d'exception, plus tard, ne fera qu'augmenter. Bref, à dix ans déjà, M. Daniel Cohn-Bendit ne faisait pas partie de mes héros. Pour user d'un euphémisme.


    Hier soir à la RSR, ce sentiment de rejet de ma part a eu droit à une dix millième confirmation. L'arrogance, la superbe, ce côté coq histrion, provocateur à la voix aiguë, méprisant totalement la décision souveraine d'un peuple libre. Le libertaire Cohn-Bendit n'a toujours éprouvé qu'un mépris d'enfant gâté face au souverain. Soit lorsqu'il s'agissait d'un homme seul, l'un des plus grands de l'Histoire de France, libérateur un quart de siècle plus tôt, décolonisateur, père d'une nouvelle République, l'homme qui avait donné en 1945 le droit de vote aux femmes. Soit lorsque ce souverain prend la forme d'un petit peuple au centre de l'Europe, profondément démocratique, qui entend façonner librement son destin.


    Libertaire, Daniel Cohn-Bendit n'aime pas l'échelon de la nation. Ni celui de la République. Il se meut dans les méandres de l'Empire. Où il sautille, depuis des décennies. Merci aux commentateurs de m'épargner les remarques sur ses options privées, je n'aborde jamais cela et n'entends pas le faire ici. Ce qui me sépare de lui, malgré sa vive intelligence, c'est le rapport à la République, le rapport à l'Etat. Depuis 46 ans, les lignes de fracture n'ont absolument pas changé. Je respecte l'homme, mais il est sans doute celui dont la représentation du monde politique est la plus éloignée de la mienne. Nous ne sommes absolument pas dans une césure gauche-droite (Mendès France, Mitterrand, Willy Brandt, Olof Palme font partie des gens que j'admire immensément, et en Suisse Tschudi, Chavanne, etc.), mais dans un affrontement entre la République et le champ des semences libertaires.

     

    M. Cohn-Bendit était-il vraiment, au lendemain du scrutin historique du peuple suisse, oui au lendemain de ce signal jailli du tréfonds de notre pays, la première urgence d'interview à réaliser ? En la faisant quand même, cette interview, quel signal donne-t-on à la majorité qui venait de s'exprimer ? Et, au-delà du seul camp des vainqueurs, aux citoyens libres et fiers de notre pays ? Quel signal, si ce n'est celui de l'obédience face à ceux qui sautillent dans l'Empire, dans le plus parfait mépris de la voix des peuples.

     

    Pascal Décaillet

  • Pierre Veya : virons les vainqueurs !

     

    Sur le vif - Lundi 10.02.14 - 00.27h

     

    De tous les éditos à paraître ce lundi matin dans vos journaux, celui de Pierre Veya pulvérise tous les records dans l’art du mauvais perdant. Fidèle à la ligne de son journal pendant toute la campagne, qui fut d’obédience totale aux puissances patronales, à M. Burkhalter et au pouvoir en place, le rédacteur en chef du Temps n’a d’autre souci, d’autre urgence, que d’instruire le procès du vainqueur. Le message tient en une phrase : « Ils ont gagné, donc il faut les virer ».

     

    Sur le signal tellurique donné par la Suisse profonde, le désaveu cinglant des élites, le soufflet à un Conseil fédéral et un président de la Confédération qui ont jeté toutes leurs forces dans la bataille, pas un mot. Aucune tentative de comprendre le pourquoi de ce oui jailli des entrailles d’une communauté humaine que personne, jusque-là, n’a daigné écouter. Non. La seule leçon que l’éditorialiste, du haut de sa superbe, estime pouvoir tirer de ce signal, c’est qu’il faut virer l’UDC de toute association à des responsabilités en Suisse. Comme à l’automne 2007 : ce parti gagne les élections, comme jamais, donc un mois après, on vire son chef historique du Conseil fédéral. Logique, non ? Je vous laisse goûter la prose de Pierre Veya, à la une du Temps à paraître ce lundi :

     

    « Cette situation est intolérable. L’UDC n’est plus un parti gouvernemental, mais d’opposition. Il doit être traité en tant que tel. Et en tout premier lieu par les milieux économiques, qui doivent cesser de faire alliance avec un partenaire qui viole l’essence même du libéralisme économique. Le système politique suisse est l’équivalent d’un mécanisme d’horlogerie fine; il ne peut supporter plus longtemps le double jeu d’un parti populiste qui fait fi des intérêts stratégiques de ce pays. Un nouvel équilibre politique est nécessaire. Avec cette initiative, l’UDC a franchi une ligne rouge. Ceux qui croient aux vertus du libre-échange doivent se rassembler et faire front contre une forme de national-protectionnisme qui nous mène dans une impasse. Le peuple a tranché, mais il n’a pas (toujours) raison ! ».

     

    Détenteur d'une raison supérieure que le souverain ne comprend pas, Pierre Veya, rédacteur en chef du Temps, journal à vendre à qui voudra bien l’acheter, écrit noir sur blanc qu’il se contrefout de la décision souveraine du peuple et des cantons de ce pays. Il ne cherche en rien à scruter les causes profondes du scrutin. Pire : en appelant le grand patronat, celui qui stipendie son journal, à casser les liens avec le premier parti du pays, il confirme rétrospectivement le rôle joué par « les milieux économiques » pour aider les opposants. « Nous qui sommes du même monde », nous laisse-t-il entendre. Définitivement, il se place au service de l’oligarchie financière, en la pressant de surtout se détourner de ce parti qui a commis le péché mortel d’avoir avec lui le peuple de ce pays.

     

    Le Temps nous livre ce lundi matin un éditorial totalement déconnecté du pays réel, d’une hallucinante arrogance. Ses amis apprécieront. Ça tombe bien : le Temps, paraît-il, a tant d’amis, qui lui veulent tant de bien.

     

     Pascal Décaillet

     

  • Le pays réel

     

    Sur le vif - Dimanche 09.02.14 - 16.24h

     

    Contre le Conseil fédéral, contre le Président de la Confédération, en campagne dès son discours du Nouvel An, contre la majorité de la classe politique suisse, contre l’immense majorité des médias, et notamment la campagne d’obédience de la SSR, contre la propagande d’enfer du PLR et du patronat, le peuple suisse a parlé. Il ne s’est pas laissé impressionner. Il a écouté sa petite voix intérieure. Et, souverainement, il a tranché.

     

    Cette votation restera dans les annales. Non seulement parce qu’elle redéfinit nos critères en matière d’immigration. Mais surtout, parce qu’elle inverse, au sein de la droite suisse, le rapport de forces entre les adeptes du libre-échange absolu et ceux d’un contrôle des flux. Au sein de la gauche, elle redéfinit les forces entre les bobos et les réalistes, à l’instar de nos compatriotes tessinois, livrés de plein fouet aux mouvements migratoires lombards. Du Sud des Alpes, ils nous disent qu’ils sont Suisses. Ils nous disent qu’ils ont une autre ambition qu’être une simple banlieue de Milan. Et nous devrions, nous leurs compagnons de destin à l’intérieur de ce pays que nous aimons, demeurer sourds à leur appel ?

     

    Il ne s’agit pas, nous le répétons ici depuis le début, d’une votation contre les étrangers. Ils ont contribué à faire ce pays, et nous aideront encore demain. Nous leur disons notre estime et notre respect. Nous avions juste à choisir, comme l’immense majorité des pays qui nous entourent, à l’issue d’un vaste débat populaire, une certaine régulation, dont le champ d’application demeure à préciser, pour nos flux migratoires. Il n’y a là rien de xénophobe, rien de scélérat. Juste la décision de remettre la politique au milieu du village. Le primat du peuple souverain, et des cantons, face à une jungle laissée, pendant une décennie, à la seule merci de milieux de l’économie dont certains ont trop profité, pratiquant la sous-enchère. Ils en récoltent  aujourd’hui la sanction.

     

    Ce 9 février 2014 marque aussi le grand retour d’un homme que trop de monde a cru bon d’enterrer un peu trop vite : il s’appelle Christoph Blocher, il a 73 ans, il fut conseiller fédéral avant d’être éjecté du Collège par un pronunciamiento que nous dénoncions ici le jour même, en décembre 2007.  Ce retour déplaira à nombre de beaux esprits. Tout comme le scrutin d’aujourd’hui. Tout comme le pays réel, lorsqu’il s’oppose au pays légal. Oui, je sais le champ de références historiques de ces deux mots. Je les assume. En demeurant plus que jamais, pour ma part, à l’intérieur d’une démocratie que j’aime et dont je ne souhaite que la vivacité créatrice. Là où les corps intermédiaires s’endorment, que la démocratie directe se réveille.

     

    Ce pays réel, il serait souhaitable que les médias s’en soucient un peu plus. Lui prêtent d’avantage l’oreille. Au lieu de le bouder, de haut, là où ne règnent que les mondanités où l’on s’acoquine avec les puissants. Un peu plus de solitude, de courage, dans ce monde des éditorialistes de Suisse romande, n’eût pas été de trop. Oui, ce pays réel, il faudra peut-être lui tracer une voie et lui donner des voix. Ce sera l’une des conséquences de la Suisse recomposée par le scrutin historique de ce dimanche 9 février 2014. Dans cet enjeu, je n’ai pour ma part nulle intention de demeurer inerte.

     

     

    Pascal Décaillet