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  • La Sainte Messe

     

    Chronique publiée dans la Tribune de Genève - Lundi 11.04.11

     

    Ils peuvent se regarder dans la glace, en héros, les gens de la Soupe : à six, à sept, pendant une heure et demie, ils se sont acharnés sur Céline Amaudruz. Face à la mitraille, la jeune présidente de l’UDC genevoise n’a strictement jamais pu commencer une phrase. La durée de vie de sa prise de parole devait être en moyenne de trois secondes, avant de se faire interrompre.

     

    Depuis des années, la Soupe est une machine de guerre anti-UDC. Des orgues de Staline, militantes, orientées, dénuées du moindre humour, juste tirer, dans le même sens, toujours. Et au plus haut niveau de la SSR, on ne dit rien. On laisse faire. Soit de l’incompétence crasse, soit une silencieuse complicité, venant des mêmes qui ont refait l’émission Arena pour qu’elle soit moins polarisée. Dans les deux cas, c’est un scandale.

     

    Certes, Céline Amaudruz parlait trop vite, respirait à contresens. Mais la violence d’un tel acharnement, on n’en a jamais vu le centième lorsqu’il s’agissait, au Salon du Livre, de recevoir le copain Robert Cramer. Ou lorsqu’on a, face à soi, un Luc Recordon, un Pierre Maudet ou un Dick Marty. Le sénateur tessinois, c’est religieusement qu’on l’a écouté. Parce qu’il représente le Bien. La Morale. Deux poids, deux mesures. Sous le couvert de l’humour, la militance la plus engagée. Flütsch a gagné : même quand il n’est pas là, la bonne parole irradie la Sainte Messe du dimanche.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Tessin, Lucerne : les nouvelles frontières de la politique suisse

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    Sur le vif - Dimanche 11.04.11 - 16.50h

     

    C’est fini. Les deux partis qui ont fait la Suisse, les radicaux (depuis 1848), les démocrates-chrétiens (depuis le ralliement de 1891) ne la font plus. Ils vont bien sûr continuer de vivre, les partis ne meurent que très lentement, mais le temps de leur suprématie est terminé. Deux scrutins électoraux capitaux, ce dimanche, leur assènent le coup de grâce : Lucerne, fief historique du Sonderbund, et le Tessin. Il y aura un avant et un après 10 avril 2011.

     

    A Lucerne, fief identitaire du PDC, canton central de l’alliance catholique conservatrice en 1847, dans ce Saint des Saints, la démocratie chrétienne perd la bataille face à la montée de l’UDC et l’émergence des Verts libéraux. Plus fou encore : dans ce même canton, l’ennemi historique, le contrepoids rationaliste à la vieille piété de Suisse centrale, les libéraux-radicaux, perdent aussi. Nouvelle carte politique, nouveaux vainqueurs, nouvelles frontières.

     

    Mais Lucerne n’est rien en comparaison du Tessin : la Lega est à 36,2% ! A coup sûr, le parti de Giuliano Bignasca va placer, en plus de l’excellent Marco Borradori, un deuxième conseiller d’Etat, sans doute le conseiller national Norman Gobbi. Et au Tessin aussi, PDC et libéraux-radicaux perdent. Là encore, nouvelles frontières, déplacement du curseur, invasion de la feuille entière par la marge.

     

    Sans doute nombre d’éditorialistes, demain matin, nous expliqueront que Tessinois et Lucernois ont mal voté. Qu’ils ont choisi les partis de la peur. Qu’ils sont mal dans leur peau. Que les sirènes populistes ont gagné. Que les gens sont vraiment mal inspirés de bouder les partis de la Raison. Oui, demain, ils diront tout cela. Laissons-les dire. Rendez-vous le dimanche 23 octobre.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Les Montgolfières, le paon, les juristes imberbes

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    Sur le vif - Quelque part dans l'air - Dimanche 10.04.11 - 09.19h

     

    Il est des matins du monde plus vivifiants que d’autres. Ainsi, ce dimanche 10 avril, si soluble dans l’air, avec ce ciel de Genève qui commence à se tapisser de Montgolfières. Hier, c’était le paon du Jardin botanique qui faisait la roue, tétanisant le regard des passantes. Début de printemps exceptionnel, bonheur de vivre, d’habiter cette ville, si troublante. En plus, je lis Serge Moati, « 30 ans après », Seuil, mars 2011, il nous rappelle que l’anniversaire du 10 mai 1981 approche. Jamais, pour ma part, je n’oublierai François Mitterrand. L’homme, sa classe, sa culture, son rapport à la Province, son amour charnel de la France, qu’il connaissait dans l’intimité de sa géographie.

     

    Mais il y a autre chose, de l’ordre du sel sur le Finistère d’une langue, ou du silex dans l’amertume d’un Sancerre, ce matin, pour me donner envie de mordre à pleines dents la sainte folie de cette journée : la page 23 du Matin dimanche. Interviewé par Sonia Arnal et Ariane Dayer, Pierre Lamunière, qui a vendu vendredi ses journaux à Tamedia, dit s’être beaucoup énervé contre « les offices bernois, la Commission de la concurrence, l’OFCOM, ces nids de juristes obscurs et imberbes, tout juste sortis de l’Université, qui vous pondent des règlements purement juridiques, sans aucune vision ».

     

    Douce prose ! Visions d’éphèbes sous la poussière des livres. Douce nuit, « obscure », aveugle, la nuit des innocents. Qu’on aurait juste envie, au passage, de massacrer. Singulier début de printemps, où ce sont les paons qui font la roue, les Montgolfières qui enflent, et les imberbes qui pondent.

     

    Pascal Décaillet