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  • Servir, puis réapparaître

     

    Sur le vif - Dimanche 17.04.11 - 10.06h

     

    Blocher-Couchepin : deux poids, deux mesures. Le premier se fait incendier par Peter Rothenbuehler, dans un billet du Matin dimanche, sous le seul prétexte qu’il se présente à une élection, et que, lorsqu’on a été conseiller fédéral, revenir au grand jour serait « introduire des mœurs étrangères ».

     

    Sur la page d’en face, en gros, magnifiquement détouré pour mettre en valeur sa silhouette, souriant, Pascal Couchepin joue du tam-tam à l’occasion d’un cocktail pour les cent ans d’HEC. Mieux : sur une page complète, un peu en amont du même journal orangé, le même Pascal Couchepin, dans son bureau de Martigny avec vue sur l’église, s’exprime longuement sur l’avenir des partis qu’il appelle « historiques ». Couchepin, omniprésent dans les médias depuis qu’il est à la retraite.

     

    On dira juste que la conception du « Servir et disparaître », au Matin dimanche et chez certains de ses puissants penseurs, obéit à une géométrie plutôt variable.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

  • Alberto Velasco

     

    Sur le vif - Samedi 16.04.11 - 19.21h

     

    Il est socialiste et il est humain. Il est socialiste et il est cultivé. Il est socialiste et il a le sens de l’humour. Ce taureau de paradoxes, c’est Alberto Velasco, un petit jeune qui lit Lorca, écoute Albéniz, a combattu Franco, veut encore croire à la fraternité des hommes.

     

    Alberto Velasco vient d’être élu chef de groupe dans le tout nouveau Conseil municipal de la Ville de Genève. Quand on sait d’où il vient, quelles solitudes furent parfois les siennes à l’intérieur même du parti, quelles foudres lui décochèrent certains pisse-froid, on se dit qu’on est content pour lui.

     

    Ce soir, en regardant Mezzo, la seule vraie chaîne TV du monde, je penserai à lui. Et aux deux belles années du Petit Conservatoire que, tous les vendredis à l’aube, nous vécûmes ensemble. C’était quelque part, dans un monde où certains prétendent se parler. Et laisser venir à eux les deux seules choses qui vaillent : la musique et la poésie.

     

    Pascal Décaillet

     

  • France 2012 : la gauche a ses chances

     

    Samedi 16.04.11 - 09.27h

     

    C’était un printemps déraisonnable, je l’ai passionnément aimé, un authentique Temps des cerises, on nous disait que la vie allait changer, c’était évidemment faux, au fond nous le savions, nous avions juste envie de l’entendre. Passionné de politique française depuis décembre 1965, j’ai profondément souhaité l’élection de François Mitterrand le 10 mai 1981. Et pourtant, je n’étais pas socialiste. Et lui, l’était-il ? Je me suis même laissé avoir une deuxième fois, en mai 1988, mais là j’ai vraiment eu tort, tant ce second septennat fut sulfureux, malsain. Celui des affaires, dans tous les sens du terme. Je reviendrai sur tout cela en vous présentant le livre de Moati, que je suis en train de terminer (« 30 ans après », Seuil, mars 2011).

     

    Il n’était pas imaginable, en ce printemps 1981, de reconduire Giscard pour sept ans. Non que l’homme fût médiocre – il était tout le contraire – mais le fluide, depuis longtemps, ne passait plus. Et puis, la droite était au pouvoir depuis trop longtemps : 1958, si on se réfère au retour de de Gaulle, à vrai dire 1956 pour l’Assemblée. Il me semblait totalement légitime que la gauche ait sa chance. Et figurez-vous, oui, que cette option, dans mon esprit, commence doucement à mûrir pour le printemps 2012 : Sarkozy a ruiné, dévasté son propre champ politique. Marine Le Pen, je n’en veux pas. Je n’exclus donc pas de souhaiter un président – ou une présidente – de gauche pour 2012-2017. Qui pourraient bien n’être ni Martine Aubry, ni l’homme du FMI. J’y reviendrai. Nous avons le temps.

     

    Aussi surréaliste que cela puisse paraître, l’élection au suffrage universel du chef de l’Etat français ne se joue pas sur la « compétence ». Si c’était là le seul critère, Mendès ou Rocard l’auraient, de loin, emporté sur Mitterrand, Jospin sur Chirac, Giscard II sur Mitterrand, etc. Non, cette onction multipliée par des millions d’âmes, surgie des profondeurs telluriques du pays, nous joue d’autres enjeux. De Gaulle, en proposant la réforme électorale de 1962, largement acceptée par le peuple, le savait parfaitement. Il voyait aussi le profit immédiat que son incomparable stature ne manquerait pas, trois ans plus tard (décembre 1965), d’en tirer.

     

    Le suffrage universel, c’est le rendez-vous d’un homme – ou, souhaitons le vivement un jour, d’une femme - avec le peuple. Oui, avouons-le, cela va puiser dans des racines qui précèdent la Révolution française, mais avec lesquelles, justement, la République a été bien inspirée de se réconcilier, il y a cinquante ans, tant le régime parlementaire (la Quatrième, notamment) était devenu une machine à perdre. Plus que le choix d’une « compétence » (laissons cela aux ministres, aux grands commis), c’est l’octroi d’une confiance. Une sorte de Sacre de Reims, mais venu de tout en bas, fragmenté, atomisé en millions de parcelles de lumière et d’espoir. Au final, une somme. Non au sens de la Scholastique, mais juste une arithmétique : la moitié de l’électorat, plus un. Ajoutons, pour ceux qu’effrayerait la « dérive monarchiste » de 1962, que cette confiance est donnée pour un temps limité : aujourd’hui, cinq ans. Et ce peuple, si volage, est si vite déçu !

     

    Oui, la gauche française a ses chances. Pas la gauche des 35 heures. Encore moins celle de la « compétence monétaire internationale ». Non. Une autre gauche. Qui ressemblerait à la France profonde. Laquelle n’est ni urbaine, ni exclusivement parisienne, ni surtout révolutionnaire. Elle aspire, simplement, à vivre, dans des conditions décentes, avec, pour sa jeunesse, de l’ouverture et de l’espoir. Et, dans la parole présidentielle, un peu plus de classe, d’allure, de dignité que le sonore tétrasyllabe « Cass’toi, pauv’con ! ».

     

    Un homme, à part de Gaulle, a incomparablement habité la dignité de la fonction présidentielle. Il avait l’immobilité du sphinx, la majesté du souverain. Il n’avait jamais d’argent sur lui. Mais un livre, oui, toujours. Il s’appelait François Mitterrand. Trente ans après, la subtile qualité de sa présence me manque.

     

    Pascal Décaillet